« Je me souviens quand J’étais jeune, il pleuvait d’avril à Octobre. Je me rappelle que nos sols étaient riches, nos puits pleins. Nous ne connaissions pas de sécheresse puisque lÂeau de pluie restait dans les mares jusqu’à la saison suivante » Allongé dans son fauteuil en osier, Khalifa Dembélé fixe le ciel les yeux rêveurs. Né à Nampossela, il y a une soixantaine d’année, il n’a pas oublié ce temps faste o๠les champs donnaient des récoltes suffisantes pour nourrir la famille et o๠les jeunes ne fuyaient pas tous vers Koutiala, Sikasso ou Bamako. Depuis, les choses ont bien changé. A Nampossela comme dans des milliers de villages du Mali, l’eau, ressource essentielle à la vie et à la production, se fait rare. Et pourtant, la localité ne se trouve pas dans une zone aride. Elle se trouve en effet dans la région de Sikasso, la plus humide du Mali et la plus arrosée (700 à 1 500 mm/an). Une saison des pluies qui dure deux fois moins Les changements climatiques ont affecté les cycles de pluie, chamboulant les systèmes de production qui en sont complètement dépendants. La pluviométrie est en chute libre depuis une trentaine d’années, les épisodes de chaleur sont plus fréquents et plus longs. Les mares et les lacs, approvisionnés par les eaux de ruissellement s’assèchent les uns après les autres, augmentant les difficultés des populations. Ces dernières sont bien conscientes des effets des changements climatiques sur leur vie de tous les jours. Selon Khalifa Dembélé, depuis les années 70, « les pluies se sont fait rares. Les récoltes aussi. Le coton, les céréales, et même le maraà®chage commencé récemment par les femmes ne donnent plus assez pour faire face aux besoins de la famille. Auparavant, le coton donnait bien à l’hectare, les céréales aussi. Aujourd’hui, jusqu’en juin, nous ne voyons parfois pas une goutte de pluie. » Avec le peu d’eau qui tombe, il faut donc s’adapter, trouver des solutions pour continuer à vivre et à produire. Depuis une dizaines d’années, les expériences e sont multipliées dans la zone, avec plus ou moins de succès. « Il y a eu plusieurs « projets » (ONG,ndlr) qui sont venus nous aider. Nous avons eu des puits à grand diamètre qui nous ont permis de créer notre périmètre maraà®cher » témoigne Diénéba Dembélé, présidente du groupement NIMPAGALO qui regroupe environ 160 femmes. Elles exploitent ensemble un champ communautaire de 3 ha mis à disposition par le village. « Nous leur avons appris à préserver et à utiliser de manière efficace la nappe phréatique, explique Alimata Traoré, présidente de la Coopérative des Femmes pour l’Education la Santé Familiale et l’Assainissement (COFESFA), qui intervient dans le village depuis quelques années. Elles ont planté des espèces pérennes (comme le Karité) et ont été dotées de petit matériel pour optimiser leur travail ». Résultat, une amélioration concrète de la production et du niveau de vie des femmes et de leur famille. Mais avec l’aggravation des effets néfastes des changements climatiques, il est apparu qu’il fallait mettre en Âuvre des techniques plus durables. Des solutions pour faire « durer » l’eau l’Agence de l’environnement et du développement durable(AEDD), bras technique du ministère de l’environnement et de l’assainissement a décidé d’appuyer les efforts des communautés à la base pour les rendre résilientes face aux changements climatiques. Elle a ciblé une dizaine de villages pour la phase pilote d’un projet qui devrait permettre de mettre en place des solutions pérennes et aider les populations à envisager l’avenir avec plus de sérénité. Nampessola fait partie des communes sélectionnées et aura droit à une armada de stratégies pour faire face à son problème d’accès à l’eau. « Cette zone est particulière, nous explique Hamidou Traoré, expert à l’AEDD. Théoriquement, les ressources en eau sont très largement supérieures aux besoins et devraient donc permettre à terme de les satisfaire. Mais leur mobilisation à travers le captage, le stockage, la réalimentation des réserves, n’est pas toujours réalisée ni en quantité, ni en qualité. C’est à cela que nous allons faire face ». Pour y parvenir, les pistes sont nombreuses. « Nous n’allons pas réinventer la roue. Il existe des techniques qui ont fait leurs preuves. Certaines sont déjà utilisées dans les localités voisines. Nous allons les dupliquer ici. l’une d’entre elles, parmi les plus facilement réalisables, est la « culture en za௠». Il s’agit d’une technique traditionnelle utilisée au Burkina Faso qui consiste en creuser des cuvettes de plantation plus profond et plus large, et en ajoutant de la matière organique au fond. Les cuvettes retiennent l’eau de pluie plus longtemps, et cela aide les paysans à augmenter leurs rendements même les années de faible pluie. Cette technique a un double avantage, car elle permet de régénérer les sols incultes tout en diminuant ainsi la pression sur les autres sources d’eau. Le grand problème de Nampossela, C’est le tarissement précoce des mares et autres puits quelques mois après l’hivernage à cause de la forte évapotranspiration liée à l’augmentation de la température. Il s’agit donc d’assurer un meilleur captage et le stockage des eaux de ruissellement le long des vallées et petits cours d’eau. Avec deux objectifs principaux, permette aux populations de développer la riziculture ou d’autres activités agricoles (maraichage) et recharger la nappe, ainsi que la productivité des puits et forages situés en bordure ou en amont immédiat des retenues d’eau créées. Pour ce faire, surcreusement des mares, installation d’infrastructures hydrauliques (micro-barrages sur les cours d’eau) et de systèmes d’irrigation (goutte à goutte et périmètre maraà®cher) seront mis en Âuvre. « Ce ne sont que des bonnes nouvelles pour nous. Nous allons pouvoir de nouveau travailler la terre dans de bonnes conditions et nourrir nos enfants, car maintenant l’eau va « durer » », se réjouit Ladji Zoumana Dembélé, chef du village. Investir mais aussi changer les habitudes Pour Hamidou Traoré de l’AEDD, l’ingrédient principal et essentiel à la réussite de cette initiative d’envergure, C’est l’adhésion et la participation de la population. « Nous avons constaté que les populations sont très au courant des effets des changements climatiques sur leur vie. Le problème, C’est qu’elles ne reconnaissent pas toujours que leurs pratiques culturales et de consommation ont un impact sur leur environnement et sur les ressources. Il faut aussi expliquer que les différents usages de l’eau, agriculture, élevage, boisson et même énergie, peuvent et doivent cohabiter grâce à une gestion concertée. Le challenge sera, au delà de la durabilité des infrastructures, un véritable changement de perception et de comportement des producteurs. Cela passera par la sensibilisation et l’éducation, pour que les habitudes évoluent. l’eau n’est pas inépuisable et il faut la protéger afin que tous puissent en bénéficier», assure-t-il. Nampossela est loin d’être une exception au Mali. De manière générale, les contraintes climatiques majeures perturbent les activités économiques et particulièrement l’agriculture. Encore très largement dépendante des aléas, cette agriculture doit s’adapter pour pouvoir continuer à faire vivre les 80% de la population malienne dont elle est l’activité principale. De Nampossela(Sikasso) à Yéréré(Kayes) en passant par Barouéli (Ségou) et Youwarou(Mopti), les agriculteurs maliens en ont bien conscience. Et pour préserver la ressource, les solutions existent. La volonté politique, voire populaire aussi. Reste à conjuguer les efforts afin que l’eau, indispensable à la vie sous toutes ses formes, soit sauvée par tous les moyens. Pour les générations d’aujourd’hui et celles de demain.
Ressource alimentaire et économique très importante pour les ménages ruraux Au Mali, les produits de cueillette dont le karité, représentent environ 8,5% de la production du secteur agricole. Le karité est une ressource exploitée par les femmes. Le potentiel de développement de cette ressource est très important pour le Mali qui possède l’un des plus vastes parcs de karité dans la sous-région. Un arbre fruitier à croissance lente, le karité pousse dans la savane de l’Afrique subsaharienne, à l’intérieur d’une étroite bande de végétation de 5000 km de long. Cette bande s’étend du Sénégal à l’ouest jusqu’à l’Ouganda et l’àthiopie au sud et à l’est. De tous les pays situés sur cette bande, le Mali est celui qui abrite le plus grand nombre d’arbres, soit 74 millions de pieds. Cet arbre fournit annuellement à notre pays une quantité importante de fruits nutritifs et un pourcentage élevé d’huile comestible, connue sous le nom de beurre de karité, qui est une ressource alimentaire et économique très importante pour les ménages et les communautés rurales. Cette ressource unique est cependant encore sous exploitée. Les arbres à karité maliens produisent 1 053 000 tonnes de fruits frais, pour un potentiel d’amandes de 300 000 tonnes. Cependant, seulement 40 % de ces amandes sont réellement exploités, soit 35000 tonnes. Ces quelques chiffres démontrent le travail qui reste à accomplir pour développer la filière du karité et lui permettre d’exploiter de façon optimale le karité, a expliqué Mme Maà¯ga Sina Damba lors de la journée nationale du karité. Un secteur exploité par les femmes Le beurre de karité est l’histoire des femmes au Mali. Elles sont au C’ur de toutes les activités de transformation primaires des amandes et du beurre de karité. Pour la fabrication, les femmes récoltent les noix de karité entre mi-juin et mi-septembre et qui sont ensuite débarrassées de la pulpe. On obtient alors une noix dont on récupère l’amande. On la lave et la laisse sécher. Elle est ensuite concassée, torréfiée, moulue jusqu’à obtenir une pâte épaisse qui est mélangée à l’eau puis vigoureusement barattée. l’immersion dans l’eau bouillante va permettre de séparer le beurre des autres composants de l’amande, notamment les impuretés qui se déposent au fond du récipient. Une fois retiré, le beurre flottant en surface est malaxé avant d’être cuit longuement afin de permettre à l’eau de s’évaporer et aux impuretés de se déposer. l’huile (en fait le beurre liquide) ainsi obtenue sera filtrée avant d’être conditionnée. Développer la filière Karité Conscient du potentiel offert par le karité et les difficultés que développent de la filière rencontre, le gouvernement du Mali a initié une journée nationale du karité pour que les femmes puissent un jour bénéficier des retombées économiques à hauteur de leurs efforts. Aujourd’hui le karité est inscrit sur la liste des filières porteuses avec l’adoption, par le ministère en charge du Commerce, d’une stratégie sectorielle nationale pour le karité au Mali. Les partenaires techniques et financiers sont nombreux pour développer ce secteur afin d’approvisionner la sous région en beurre de karité.