L’ambassadeur de France au Mali remercié par Fabius

Paris pense de plus en plus à  l’après-guerre au Mali. La première conséquence de ce changement d’optique a été l’annonce brutale jeudi du «rappel» de l’ambassadeur de France à  Bamako, Christian Rouyer. Un mot poli qui cache un débarquement pur et simple de ce diplomate en poste seulement depuis deux ans. Il sera remplacé dès vendredi par Gilles Huberson, qui avait été envoyé en renfort dans le poste malien il y a près de six mois. à€ Bamako la nouvelle a semblé prendre tout le monde de court, y compris au sein de certaines autorités maliennes. «Je viens de l’apprendre et je ne comprends pas très bien ce qui se passe», soulignait ainsi un haut diplomate malien. Tiébilé Dramé, président du Parena, l’un des principaux partis politiques, s’avouait lui aussi «extrêmement étonné». «C’était un ambassadeur compétent qui avait acquis le respect des Maliens, des hommes politiques comme de la société civile», soulignait-il. Dans la communauté française du Mali, le renvoi de Christian Rouyer ne passe pas très bien non plus. «C’est triste et un peu indigne. Il ne faut pas oublier que, si l’action de la France au Mali est bien acceptée, c’est en partie grâce à  lui», affirme un industriel français qui assure qu’au moins une partie des ressortissants manifestera «dans les jours prochains leur mécontentement». L’éditorialiste Abel Thiam estime que les Maliens «vont être choqués». «Il tenait un langage de vérité assez rare, notamment du temps d’ATT (l’ancien président renversé en mars 2012, NDLR), qu’il accusait à  raison de ne pas combattre le terrorisme au nord du Mali.» Un haut responsable gouvernemental malien, qui préfère rester anonyme, assure que son pays n’est pour rien dans cette affaire. «C’est quelque chose de purement franco-français.» Divergences d’approches De fait, le renvoi s’inscrit dans une série de mises à  l’écart de plusieurs diplomates jusqu’alors en charge du dossier malien au Quai d’Orsay. Fin février, Laurent Bigot, sous-directeur de l’Afrique de l’Ouest, avait été démis de ses fonctions. Peu auparavant, c’est Jean Félix-Paganon, éphémère représentant spécial pour le Sahel, qui avait été écarté. Les raisons de cette valse semblent multiples. Au Quai, on reproche à  cette équipe d’avoir une approche trop classique de l’imbroglio malien au moment o๠Paris voudrait peser plus lourdement sur la scène locale en toute discrétion. Les passés de l’ambassadeur et de son successeur sont éloquents. Quand Christian Rouyer affiche un parcours de diplomate policé, Gilles Huberson, spécialiste des questions liées au terrorisme, est volontiers décrit comme proche des services. Son passage par Saint-Cyr devrait aussi faciliter son entente avec les militaires alors que la France a toujours plus de 4 000 soldats sur le terrain. Les changements sont aussi le résultat de tensions entre les militaires et les diplomates, entre les approches sécuritaire et politique des problèmes, très classiques dans les anciennes colonies d’Afrique.

Christian Rouyer : « la sécurisation des institutions était devenue urgente au Mali « 

Mardi, lors d’une conférence de presse relative au projet d’appui à  la mise en place d’un centre de presse sur le front de Mopti, Christian Rouyer, l’ambassadeur de France au Mali, n’y est pas allé avec le dos de la cuillère en condamnant les agitations perpétrées par des groupuscules les jours précédents l’intervention militaire au Mali. Selon lui, il devenait urgent de prendre des mesures pour sécuriser les institutions maliennes. Stabilité institutionnelle à  Bamako Pour Christian Rouyer, il n’y avait plus de calme à  Bamako :  » On ne pouvait pas se réveiller un jour sans savoir quelles manifestations allaient entraver la vie publique. L’activité économique était au ralenti et des gens brûlaient des pneus sur les routes. Il y avait d’autres qui criaient des slogans contre le Président ou le Premier ministre», a rappelé le diplomate. Partageant l’idée de beaucoup d’observateurs, que la reconquête du nord dépend de la stabilité politique du sud, Christian Rouyer approuve le plan de sécurisation des Institutions et des organes de transition chargés de conduire le pays aux nouvelles élections.  » Ils n’ont pas besoin d’être soumis tous les jours à  une pression de la rue », a déclaré Christian Rouyer. « L’Etat d’urgence était nécessaire. l’heure n’est plus aux chicanes ni aux discussions vaines. l’heure est à  l’unité. La nation est en danger, le pays doit s’unir contre un adversaire commun ». La France soutient un projet du centre de presse mobile à  Mopti Au delà  de leurs contributions aux efforts de guerre au Mali, la France à  travers son ambassade va appuyer la presse malienne pour la mise en place d’un futur centre de presse mobile susceptible de se déplacer pour couvrir des événements notamment à  Mopti. Selon l’ambassadeur, il s’agit aussi de contribuer à  la formation des journalistes à  la couverture de périodes de crise, grâce à  des sessions de formation qui seront progressivement mises en place en ce début d’année 2013. La question des nouveaux medias et du rôle des réseaux sociaux sont importants et propres à  véhiculer au niveau national et international des messages en faveur de la paix, de la démocratie et du respect des droits de l’homme, estime encore le diplomate : « Nous pouvons donc nous féliciter de l’exemplarité de la coopération entre le Mali et la France dans le secteur des médias, à  des moments ou certains organes de presse ont mis en cause la France dans le conflit du Nord Mali.

La colère du diplomate

Invité à  participer aux activités du «Forum pour une transition apaisée» organisé par la presse malienne ce week-end, le diplomate a très mal pris les propos de certains intervenants. On le sait, depuis le début de la crise au nord du Mali, la France est régulièrement accusée de soutenir les indépendantistes du Mouvement National de Libération de l’Azawad (MNLA). Cette thèse s’est invitée lors des échanges au cours de la rencontre qui a regroupé plus de 200 participants. « C’’est faux, ce sont des mensonges ! » Au premier jour de la rencontre qui avait pour but de sensibiliser et mobiliser autour de la lutte contre la violence et pour une transition apaisée au Mali, plusieurs communications ont été présentées. Au nombre desquelles, celle portant sur les causes et les responsabilités dans la crise au nord. Le conférencier, l’ancien Ministre de l’Agriculture, Seydou Traoré, membre de l’ADEMA, a fait un rappel des derniers évènements ayant conduit à  l’occupation du nord par le MNLA. Il a notamment mentionné la responsabilité de la France et de la communauté internationale dans l’annexion des régions du nord. Tout en passant en revue les massacres d’Aguel hoc, sous les yeux médusés de l’assistance, Seydou Traoré a situé la complicité de la France surtout quand celle-ci n’a condamné que mollement les exactions perpétrées sur les populations civiles et militaire, et a reçu les représentants du MNLA au Quai d’Orsay. Quand, soudain, une voix s’éleva dans l’assistance : «C’’est faux, ce sont des mensonges !». l’auteur de cette interruption n’était autre que l’ambassadeur de France au Mali, Christian Rouyer. Ulcéré par les propos du conférencier, il n’a pu garder son calme et s’est lancé dans une joute verbale avec le conférencier, qui lui a rétorqué : « C’’est vrai Monsieur ! ». En ajoutant « pouvez-vous nier que la France a reçu des représentants du MNLA au Quai d’Orsay ? ». Une question qui a été accueillie par un tonnerre d’applaudissements dans la salle. Il a fallu l’intervention énergique du président de séance, Ali Nouhoum Diallo, pour ramener le calme et faire reprendre les travaux. Cet incident illustre le malaise qui existe entre la France et les populations du Mali qui ne comprennent pas pourquoi les représentants du MNLA ont été reçus par les plus hautes autorités françaises. Et pourquoi la France n’affiche pas une position plus offensive quant à  la reconquête du Nord.

Christian Rouyer, ambassadeur de France: « Comment croire… »

Comment croire… … un seul instant que la France puisse cautionner une entreprise qui porterait atteinte à  l’unité et à  l’intégrité territoriale du Mali ? Comment croire un seul instant que la France ne soit pas attachée aux institutions maliennes, si proches des siennes ? Comment croire un seul instant que la France ne soit pas soucieuse de préserver la stabilité du Mali, alors qu’elle consacre, chaque année, des millions d’euros au soutien de son développement et accueille sur son sol des dizaines de milliers de Maliens ? Comment croire un seul instant que la France puisse s’associer à  une entreprise qui compromettrait le processus électoral, à  trois mois des élections, alors que des candidats de valeur se sont déjà  déclarés ? Comment croire un seul instant que la France puisse ne pas se sentir solidaire du peuple malien, quand une partie de la population est jetée sur les routes de l’exil et menacée d’une crise humanitaire grave ? Comment croire un seul instant que la France qui a contribué à  sauver la population de Benghazi, qui se pose en défenseur de celle de Homs, puisse ne pas condamner un massacre qui serait perpétré sur le sol malien ? Comment croire un seul instant que l’Ambassade de France à  Bamako, du seul fait qu’elle s’efforce d’entretenir des contacts avec toutes les composantes de la vie politique malienne et de la société civile, chercherait à  « déstabiliser le pouvoir actuel » ? Alors, de grâce, que cessent les procès d’intention, les jugements à  l’emporte-pièce, les récupérations fallacieuses, les spéculations gratuites et les accusations sans fondement, dont les auteurs ne mesurent pas les conséquences ! La visite, le 9 février, du Ministre français de la coopération est venue rappeler, à  point nommé, la solidité des liens qui unissent la France et le Mali, le souci de la France que l’intégrité territoriale du Mali soit respectée, et la nécessité de parvenir le plus tôt possible à  un cessez-le-feu au Nord Mali, en préalable à  l’ouverture d’un dialogue ouvert et sans tabou entre tous. Cela seul compte ! Christian Rouyer Ambassadeur de France

Christian Rouyer: Nouvel ambassadeur de France au Mali

Diplômé de la prestigieuse Ecole nationale d’administration de France, le nouvel Ambassadeur de la République française aura la mission de poursuivre l’approfondissement des relations diplomatiques entre le Mali et la France. Agé de 61 ans, le successeur de Michel Reveyrand De Menthon, est un administrateur chevronné doublé d’un diplomate averti. Après avoir été consul général à  Munich en Allemagne (1996-2000) et à  Barcelone, en Espagne (200-2003, puis délégué à  l’action humanitaire (2003-2005), Christian Rouyer est détaché auprès du ministère de l’intérieur et a exercé successivement les fonctions de préfet du Jura (2005-2008) et de l’Aube (2008-2010). Le nouvel ambassadeur de France au Mali aura donc comme mission prioritaire de coordonner l’ensemble du dispositif d’aide public au développement française (APD) en faveur du Mali, aide qui provient de plusieurs ministères et programmes français et qui prend différentes formes : appui budgétaire, bourses d’études, prêts aux entreprises, projets ou programmes, subventions aux organisations de la société civile, expertise technique, etc. l’aide française est également présente à  travers la coopération décentralisée, la prise en charge des frais d’écolage des élèves et des étudiants maliens en France, la coopération communautaire (dont le FED qui est mis en œuvre par la Délégation de la Commission européenne au Mali) ou la coopération multilatérale. Le programme spécial pour la paix, la sécurité et le développement dans le Nord Mali constituera un volet majeur dans l’agenda de Christian Rouyer. Ce projet participe de l’effort de l’Etat français en appui à  la stratégie nationale de notre pays de rétablissement de la sécurité dans les régions Nord. Centré sur le développement économique et social, cette intervention suppose le rétablissement préalable d’une présence des forces armées et de sécurité nécessaire maintien au de la paix et de la sécurité, mais également la création d’emplois et de richesses déterminant la stabilité sociale. Nous souhaitons bon vent au diplomate. Quant à  l’ancien ambassadeur, Michel Révérend de Menthon, il a été affecté au Tchad.