Sadou Diallo : on ne volera pas la victoire du peuple

Le maire sortant de la ville de Gao, Sadou Harouna Diallo a animé une conférence de presse, samedi dernier pour prendre à témoin, l’opinion publique nationale et internationale, de la volonté affichée du parti au pouvoir de lui voler la victoire, suite aux communales du 20 novembre dernier.

Les résultats provisoires des communales du 20 novembre continuent de susciter des débats au sein de l’opinion publique malienne. De contestations, il y en a beaucoup, à travers le pays. Le cas particulier de Gao, la plus grande ville nord attire des attentions et interpelle tout un chacun pour la stabilité des régions du nord.

Deux partis se disputent la victoire dans la ville. Il s’agit du RPM, le parti présidentiel et ses alliés et le PDES du maire sortant Sadou Diallo. Pour ce dernier, il n’y a pas de doute, lui et son parti ont gagné les communales du 20 novembre à Gao. « Les élections se sont bien passées, à 2 heures du matin, j’ai quitté mon QG, après les calculs, j’étais gagnant avec 12 conseillers contre 10 pour le RPM, mais à 7 heures, on m’a fait savoir qu’on était à égalité 11 à 11 », explique-t-il. « On ne peut pas imposer un homme au peuple. Il n’y a pas de doute, j’ai gagné ces élections à Gao. Cette victoire, n’est ni une victoire du PDES, encore moins une victoire personnelle, c’est celle de la population de Gao qui m’a fait confiance », a-t-il ajouté.

Pour le maire sortant, les élections communales sont des élections de proximité donc différentes de celles des présidentielles ou des législatives. À ce titre, souligne-t-il, le maire, doit être l’expression de la volonté populaire et non le diktat d’une quelconque puissance. Pour une commune de 48 milles habitants, ils ont investi 300 millions pour acheter des voix. Comme trafic d’influence, on ne peut même imaginer ce qu’ils ont fait ou dit au nom du président IBK que je connais depuis plus de 30 ans. Malgré, ces moyens je les ai battu jusque dans leur bureau de vote », explique-t-il. Ainsi, poursuit-il, « ils ont fait croire à la population que le président a dit qu’il ne se rendra jamais à Gao tant que la ville sera dirigée par un maire de l’opposition » . Pire, le secrétaire général de la section, colonel de son état, a laissé entendre sur les radios (dont l’audience a écouté la version audio en songhoi), que le président a dit que sans un maire RPM, Gao n’aura ni eau, ni nourriture encore moins de développement. « Comme l’argent n’a pas suffi, ils ont bourré les urnes et le peuple réclame sa victoire. On a introduit des requêtes auprès des tribunaux. On est en train de calmer les gens qui veulent protester, mais j’ai leur ai dit de faire confiance à la justice malienne qui par expérience m’a prouvé qu’elle était indépendante », conclu-t-il.

Gao : Sadou Diallo, « J’avais averti le gouvernement il y a deux mois »

Le 12 juillet dernier à Gao, une manifestation de jeunes contre l’installation des autorités intérimaires et demandant leur intégration dans le processus de DDR, a dégénéré en affrontements avec les forces de l’ordre, faisant 4 morts et 52 blessés. les deux jours qui ont suivi, les manifestants n’ont eu de cesse de réclamer le limogeage des hauts fonctionnaires, responsables, selon eux, de cette tuerie. Sadou Diallo , maire de Gao, connaît bien ces jeunes. Joint au téléphone, depuis le Brésil où il se trouve depuis 10 jours pour des conférences, il a répondu aux questions du Journal du Mali.

Avez-vous été surpris de la tournure des événements à Gao lors de la manifestation de mardi dernier ?

Non pas du tout ! sur ce qui s’est passé, j’avais averti le gouvernement il y a deux mois. Tout ce qui s’est passé je l’ai prévu il y a 2 mois, et c’est arrivé.  J’ai dit faite attention, j’ai fait une proposition de sortie, mais je n’ai pas été écouter, parce que chaque fois que je parle on me prend pour un opposant or je ne suis pas un opposant au Mali, je ne m’oppose pas à mon pays.

Quelle était votre proposition de sortie ?

Ma proposition de sortie est que ces jeunes méritent d’avoir la même considération que ceux qui ont des armes aujourd’hui, parce qu’ils ont été désarmés par le concours des notables de Gao, les chefs de village et par moi. On les a désarmé, donc il faut que L’État comprenne qu’ils ont les mêmes droits que ceux qui sont armés, ils doivent avoir même plus, d’ailleurs, parce qu’ils ont accepté d’être désarmé sans pression. On ne peut pas aujourd’hui leur demander de présenter une arme, avant d’être pris en considération pour le cantonnement. Ce serait vécu comme une immense injustice.

Quel est votre avis sur le recours à la force pendant la manifestation ?

Le gouverneur en faisant sortir les militaires et les policiers a bafoué le travail que j’ai fait pendant 4 ans. Parce que la population avait perdu confiance en l’armée, depuis 4 ans je travaillais à réconcilier la population et l’armée, à les sensibiliser tous les jours. Avant si un policier sifflait pour arrêter un habitant de Gao, il ne s’arrêtait pas, je suis arrivé à leur dire respecter la police et ils l’ont fait. On était arrivé à leur faire respecter l’État. Faire tirer les forces de l’ordre contre la population c’est revenir à zéro, je regrette vraiment ce qui s’est passé.

Vous pensez, comme le réclament les manifestants, que le gouverneur doit être limogé  ?

Je suis entièrement d’accord  il doit être limogé ! Moi quand j’étais à Gao, les gens ont marché il y a 15 jours, il y a un mois les mêmes jeunes ont marché,  j’ai refusé de leur donner l’autorisation de marcher,  mais je leur ai dit : faites le pacifiquement c’est votre droit, mais je refuse de prendre la responsabilité de vous donner l’autorisation parce qu’on est en état d’urgence, marchez sans  casser parce que si vous cassez, c’est vos biens que vous cassez ; ils m’ont dit d’accord, ils ont organisé eux-mêmes leur marche, ils ont amené leur revendication à la MINUSMA et au gouvernement. Rien ne s’est passé. Pourquoi, alors qu’ils ont voulu faire la même chose,  le gouverneur s’y est opposé ? Si j’avais été là, je vous assure, je ne suis pas le bon Dieu ni le prophète, mais les choses se seraient déroulées autrement, parce que la jeunesse m’écoute.

Mali : l’opposition a battu le pavé contre la gouvernance actuelle

Des milliers de manifestants ont envahi la rue de Bamako pour dire non aux dérives du gouvernement et à la mauvaise gouvernance.

Annoncée en grande pompe, la marche de l’opposition a mobilisé des milliers de manifestants de la Place de la Liberté au Boulevard de l’indépendance, samedi 21 mai 2016. Ils étaient 50 000 Maliens à battre le pavé selon les organisateurs et seulement un millier selon les sources gouvernementale. La manifestation a démarré vers 09 heures sous la direction des chefs de file de l’opposition : l’honorable Soumaila Cissé, de l’URD, Tiebilé Dramé du PARENA, Sadou Diallo du PDES, Daba Diawara du PIDS et Djibril Tangara du FCD.

Cette marche était renforcée par la participation de centaines d’associations comme ‘’Ras-le-bol’’, ‘’An Ta Yafa’’, ‘’An Toro la’’, pas moins de 300 associations avaient répondu à l’appel. Les marcheurs ont quitté la Place de la liberté, en passant par la place de l’OHVN pour rallier le Boulevard de l’indépendance. Tout au long de leur itinéraire, ils ont dénoncé les maux qui minent le quotidien des Maliens, comme « la vie chère », « la corruption généralisée », « la mauvaise gouvernance», « la pénurie d’eau et les coupures d’électricité », « les surfacturations », « l’insécurité », etc. Sur les banderoles, on pouvait aussi lire « Halte à la dilapidation des ressources publiques, non aux autorités intérimaires ».

Au cours de la marche, nombre de manifestants exprimaient leur désaveu de la gouvernance actuelle, « le Mali est devenu la boîte privée du Président IBK et de sa famille avec la bénédiction de certains partis dits de la majorité ». « Ça suffit. Nous marchons pour dénoncer ces malversations financières », ont martelé certains opposants marcheurs.

Un jeune du mouvement « Ras-le-bol », enchaînait : « On en a marre d’un régime qui a montré ses limites dans la gestion du pouvoir ». Au bout d’une vingtaine de minutes de marche, Tiebilé Dramé, Président du PARENA a pris la parole pour dénoncer les dérives du pouvoir : « Cette marche n’est pas une marche de l’opposition, mais une marche du Mali. C’est une marche pour le retour du Président Amadou Toumani Touré. Les 33 mois de pouvoir d’IBK sont émaillés de scandales. C’est cet immobilisme qui a conduit l’opposition à la marche ».

Sur le haut de la tribune du Boulevard de l’indépendance, en face des milliers de marcheurs, le chef de file de l’opposition a pris à témoin les Maliens. « Nous sommes là parce que ça ne va pas ! Et pourtant nous avons alerté ! Sans cesse alerté ! Oui nous avons toujours dénoncé toutes les dérives qui caractérisent la gouvernance de notre pays ! Et pour toute réponse nous avons eu le mépris des autorités et la diffamation publique. Nous avons été traités d’apatrides, de « hassidi » ! Or, notre peuple n’aspire qu’à la paix, à la quiétude dans la solidarité et le partage », a tancé Soumaila Cissé.

Poursuivant son intervention, le chef de l’URD a déclaré que cette marche était la réaction du peuple malien face aux souffrances et au désespoir : « Le cri du peuple est notre cri à tous et c’est ensemble que nous devons désormais nous engager au chevet de notre pays pour le bien-être des populations, au-delà de tous les clivages politiques. Le temps est venu de sortir de l’immobilisme actuel et redonner espoir à nos populations. Les Maliens attendent un État fort, un État solide, stable et juste, un État stratège, capable de donner une direction au pays…»

Et l’honorable Soumaila Cissé d’inviter le public à « Dire non à la mauvaise gestion de la question du Nord, à la mauvaise gouvernance, à la corruption généralisée, à la dilapidation de nos maigres ressources, à l’arrogance et au mépris, à l’absence de dialogue social…».

Cette démonstration de force de l’opposition, visant le régime actuel, à assis, par cette mobilisation populaire, la légitimité réelle des opposants à la gouvernance actuelle, et permettra d’en apprécier l’ampleur et l’éfficacité lors des prochaines échéances électorales.