Saori TERADA : « Le genre n’est pas le sexe »

C’’est dans le cadre d’un séminaire de formation sur les droits des femmes et l’intégration de la dimension Genre, que nous avons rencontré Saori Terada. D’origine japonaise, et avec un parcours dans plusieurs organisations internationales, Saori Terada s’est spécialisée dans les questions de Genre. Qu’est-ce que vraiment le genre? l’analyse de genre, le langage sensible au Genre, l’équité de genre, autant de thématiques développées durant deux jours face à  la société civile malienne et grâce à  un atelier conjointement organisé par la Minusma, le Haut commissariat aux droits de l’homme du 2 au 3 juillet, avec l’appui financier de l’organisation internationale de la Francophonie. Journaldumali.com : Bonjour Saori, présentez-vous à  nos lecteurs ? Saori TERADA : Je travaille au Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme en tant que Conseillère sur l’intégration de la dimension Genre. J’y travaille depuis 4 ans. Je suis venue à  Bamako pour cette formation, suite à  une demande des acteurs de la société civile malienne, qui souhaitaient avoir des outils concrets en matière de droits des femmes et sur les perspectives de genre dans toutes les activités qu’ils mènent. Et grâce au financement de l’organisation internationale de la francophonie, cette formation a pu avoir lieu. Journaldumali.Com : Comment doit-on percevoir la question du Genre ? Pour moi le genre, C’’est pas le sexe. Le genre C’’est pas être juste homme ou femme ou autre, sans oublier ceux qui ne rentrent pas dans cette catégorie. C’’est plutôt essayer de déconstruire ces rôles qui sont assignés aux hommes et aux femmes du fait de leur origine biologique. Il s’agit de travailler pour l’intégration de la dimension du genre, C’’est de faire en sorte que tout ce qu’on fait, on se pose la question des conséquences, de l’impact de l’action sur les hommes et les femmes. Le Genre peut s’appliquer à  plusieurs domaines en fait ? Oui partout. Même dans la construction des ponts par exemple, dans les finances, et même dans l’achat de fournitures des bureaux. Et si vous mettez vos lunettes genre, vous seriez surpris des résultats que ça peut donner. Qu’est ce que l’analyse de Genre ? C’’est très simple. Il s’agit de vêtir une paire de lunettes et de voir d’un côté la réalité des hommes, de l’autre côté, la réalité des femmes et voir quel impact n’importe quel incident de la vie, en l’occurrence la violation des droits et C’’est le mandat de notre commissariat, peut avoir sur les hommes et les femmes d’une manière différente. Je vous donne l’exemple d’une arrestation sommaire, qui va affecter les hommes et les femmes. Mais une femme dans une prison est plus susceptible d’être violentée sexuellement. Elle aura des besoins plus accrus en termes d’hygiène par exemple, elle aura besoin de prendre des dispositions par rapport à  ses enfants, ses parents. Donc si les droits sont bafoués, l’impact n’est pas le même sur l’homme ou la femme. l’analyse Genre permet donc de prendre des dispositions par rapport à  cette inégalité. Et à  propos du langage sensible au Genre? Il semble que chacun d’entre nous puisse faire une distorsion ? Surtout vous les journalistes. Vous êtes le plus à  mêmes de véhiculer des stéréotypes. Mais vous aussi les premiers acteurs à  pouvoir les changer. Je vous donne un exemple, on a tendance à  dire « hommes politiques », alors qu’il y a aussi des femmes politiques, il faudrait donc plutôt parler de « personnalités politiques ». Au lieu de toujours dire «les infirmières », essayons de parler de « personnel infirmier ». C’’est un tas d’exemples qui peuvent paraà®tre anodins, mais qui à  la longue, influencent notre manière de penser et de percevoir la réalité des choses.

Les travailleuses du « Sexe » face aux islamistes

Une fois de plus, les musulmans maliens ont tenté de descendre dans les rues de Bamako pour dénoncer certaines pratiques qui selon eux, déshonorent l’islam, mais aussi le Mali, un pays fondé sur les valeurs sociales très fortes. Ils étaient plus de 200 personnes sous la houlette de Mohamed Kibiri, membre du haut conseil Islamique du Mali à  débarquer au centre international de conférence de Bamako ou se tenait la conférence des travailleurs des sexes la semaine dernière. Rentrés en fracas, les membres des associations musulmanes ont même tenté de sceller la porte de la salle o๠se déroulait la conférence sous les yeux impuissants des forces de sécurité. Les participants n’ont eux pas paniqué mais simplement plié bagages pour chercher d’autres locaux à  leurs travaux. Sur place, certains religieux surexcités ont failli en venir à  la violence pour dissuader les participants de cette conférence venus des différents pays de la sous région. D’autres brandissaient même des chapelets en critiquant cette conférence, jugée scandaleuse et relevant de l’irresponsabilité de l’Etat qui l’a autorisé. Appel au dialogue et à  la compréhension Avant la tenue de la conférence, les familles fondatrices ( Les Niaré, Touré, Dravé ) de Bamako avaient évité le pire, car les musulmans s’étaient réunis la veille, devant la grande mosquée de Bagadadji avec pour seul objectif de boycotter les travailleurs du «Â sexe » présents à  la conférence. La conférence a elle été organisée par le réseau francophone sur le thème «Â projet travail du sexe » et qui vise à  développer une stratégie commune pour la santé et les droits humains en améliorant les conditions de vie des travailleuses du sexe et de leurs enfants ». Selon les organisateurs, la conférence visait aussi la formation d’une alliance regroupant les travailleuses du sexe et les organisations soutenant les personnes de ce métier. En gros, faire du plaidoyer actif pour les droits des travailleuses et travailleurs du sexe. Les participants venaient des pays membres du Réseau que sont le Mali, le Sénégal, la Côte d’Ivoire, la République Démocratique du Congo, le Cameroun, le Madagascar, l’Algérie et le Maroc. Stratégie de plaidoyer A l’issue de la conférence, se dégagera donc une stratégie et un plan d’action pour le Réseau. Promouvoir une compréhension commune du cadre sociopolitique, juridique, culturel et économique du travail du « sexe »Â dans les pays représentés. Chaque participant donnera ainsi une vue d’ensemble de son travail concernant son pays. Et n’eut été la grogne des musulmans, cette conférence, particulière en son genre, aurait planché dans la sérénité sur les droits des travailleurs du sexe, concernés par ailleurs, par la sensibilisation sociale en matière de VIH Sida. La tolérance doit rester une valeur commune entre êtres humains, quelque soit leur confession religieuse !