Seyni Nafo: « Nous ne sommes pas tous égaux face aux changements climatiques »

La planète ne cesse de nous montrer à  quoi peut ressembler un changement climatique dangereux et pour tous les pays du monde. Les impacts de ce changement climatique, nous les vivons quotidiennement au Mali depuis longtemps déjà  : sur notre sécurité alimentaire, notre accès à  l’eau, et sur la paix entre nos communautés. Mais désormais, le changement climatique n’épargne plus personne. Cet été, les Etats-Unis subissaient des sécheresses sans précédent et perdaient une large partie de leurs stocks de graines, avec des répercussions sur la sécurité alimentaire dans les pays les plus vulnérables. Il y a quelques semaines, à  quelques heures des élections américaines, le pays affrontait l’ouragan Sandy d’une force décuplée par les changements climatiques. Du Mali aux Etats-Unis, les populations souffrent des conséquences des évènements climatiques extrêmes. Mais les récentes catastrophes ont aussi démontrées qu’une fois de plus, nous ne sommes pas tous égaux face aux changements climatiques. Un pays comme les Etats-Unis, par la puissance de son économie et de ses systèmes d’assurance, et la résilience de ses infrastructures, ne souffrira pas longtemps des ravages de l’ouragan Sandy ou de la sécheresse de l’été dernier. A la différence d’un pays comme le Mali dont une large partie de la population vit sous le seuil de la pauvreté et sans alternatives: quand un éleveur perd des têtes de son cheptel de chèvres par manque d’eau et de pâturage, il n’a pas les moyens de racheter des bêtes. Parce qu’avant d’être frappé par le changement climatique, il était déjà  frappé par la pauvreté. C’est justement pour renforcer la capacité des plus vulnérables à  faire face aux impacts du changement climatique qu’en 2009, au Sommet de Copenhague, les pays développés s’étaient engagés à  verser 30 milliards de dollars entre 2010 et 2012 pour le climat. Nos pays ont avant tout salué ce premier engagement financier chiffré parce qu’il devait poser les jalons vers un deuxième engagement plus significatif encore: celui de mobiliser 100 milliards de dollars par an d’ici, en vue d’abonder le Fonds vert des Nations unies pour le climat. Mais depuis, c’est le silence-radio. Alors que le 18e sommet des Nations Unies sur les changements climatiques au Qatar sonnera le glas des 30 milliards, nos gouvernements n’ont obtenu aucun nouvel engagement financer à  partir de janvier 2013 pour abonder le Fonds vert ou le Fonds pour l’adaptation, et aucune visibilité sur la trajectoire vers les 100 milliards d’ici à  2020. Notre inquiétude est croissante : les engagements financiers pour le climat sont de plus en plus flous et l’aide publique au développement ne cesse de baisser. Résultat : les plus pauvres doivent choisir entre construire une digue et une école. C’est inacceptable. Ne vous méprenez pas, nous sommes pleinement conscients de la crise économique qui frappe les pays développés et qui amaigrit les budgets publics. Mais nous sommes aussi conscients que la crise climatique est systémique et qu’elle a des répercussions sur la stabilité mondiale. Qu’en aggravant les crises alimentaires et en modifiant les dynamiques migratoires, elle augment les risques de tension entre les populations et qu’elle coûte de plus en plus cher en aide humanitaire d’urgence. Accroà®tre les budgets publics et additionnels dès aujourd’hui pour augmenter la résilience des populations face à  la crise climatique, c’est aussi diminuer les dépenses pour les crises alimentaires et humanitaires de plus en plus extrêmes. Nous sommes convaincus que ce ne sont pas tant les financements publics qui font défaut que le courage et la volonté politique pour les mobiliser et les affecter. Pourquoi les 11 Etats en voie de créer leur taxe sur les transactions financières n’ont-ils pas encore prévu d’affecter une partie des recettes au climat? Ou encore, pourquoi les 27 Etats membres ne redirigent-ils pas déjà  une partie des recettes issues de la mise aux enchères des quotas C02 sur le marché européen vers la lutte internationale contre les changements climatiques ? C’est exactement ce type d’engagement prévisible et transparent que nous attendons à  Doha.