Dialogue : Les ONG à l’œuvre

Récurrents ces dernières années, les différends entre ethnies à l’intérieur du pays rappellent à suffisance que le climat socio-sécuritaire reste fragile. Pour la résolution des conflits et l’instauration d’une entente durable entre les communautés, différentes ONG œuvrent en permanence. Leurs  actions sont centrées prioritairement autour du dialogue.

Search for Common Ground, organisation de peacebuilding dont la vision est celle d’un monde sans violence, est présente au Mali depuis 2014. Avec des outils et activités qui visent le renforcement de la confiance entre les parties prenantes aux conflits, elle s’emploie  à créer des cadres de recevabilité et de dialogue entre les populations et les autorités, à assurer le partage et la diffusion d’informations fiables et de qualité et à soutenir les initiatives communautaires d’inclusion, de rapprochement, de solidarité, de vivre ensemble et de paix.

Entre formations expérientielles en transformation des conflits, sensibilité aux conflits et leadership inclusif, facilitation des cadres de dialogue communautaire inclusifs et d’actions, appui aux initiatives locales de paix menées par les jeunes et les femmes, formation de journalistes et appui technique et matériel aux radios communautaires, ou enfin élaboration d’approches nouvelles et innovantes pour la transformation des conflits et la réduction de la violence, les actions de l’organisation sont diverses et toujours adaptées au contexte et aux résultats escomptés.

Démarches conciliatrices

« Nos dialogues se tiennent au niveau des communes. Ils sont inclusifs et contribuent à réduire les préjugés entre groupes et à les aider à surpasser les stéréotypes. Nous nous focalisons plus sur le processus que sur le contenu », souligne Vianney Bisimwa, Directeur pays de Search for Common Ground Mali. « Grâce aux sessions de dialogue, des groupes se reparlent et réapprennent à se faire confiance et à imaginer collectivement les réponses aux problèmes pour préparer des actions conjointes et inclusives », ajoute t-il.

Par ailleurs, Humanitarian Dialogue (HD), une ONG internationale suisse de médiation pour la paix, a initié également depuis 2014 au Mali un dialogue intra-religieux à Gao, Tombouctou, Ménaka, Taoudéni et Mopti, avec l’objectif d’apaiser non seulement les tensions entre les différentes branches de l’Islam mais aussi de prévenir et de gérer les conflits locaux, qu’ils soient de nature communautaire ou religieuse.

L’organisation a déjà facilité en novembre 2018 la médiation d’un accord de paix entre les communautés Idourfane et Ibogolitane des régions de Gao et de Ménaka. Un autre accord entre éleveurs et agriculteurs du cercle de Djenné  a été également signé durant la même période. HD appuie en outre les parties signataires de l’Accord pour la paix dans sa mise en œuvre, à travers la facilitation de négociations sur les points de mésentente.

Vianney Bissimwa : « Notre vision globale est celle d’un monde sans violence »

Présente au Mali depuis 2014, Search For Common Ground participe aux efforts de consolidation de la paix et de transformation des conflits dans le pays. Face au climat de tensions de plus en plus palpables entre certaines communautés à travers le Mali, l’organisation s’active plus que jamais pour un apaisement social et durable. Son Directeur pays, Vianney Bissimwa, se confie sur la mission de son organisation.

 

Aujourd’hui, quel regard portez-vous à Search For Common Ground sur les différents conflits au sein des communautés au Mali?

Ces conflits violents sont les résultats d’un ensemble d’éléments. Les conflits violents auxquels font face les communautés actuellement sont causées par divers facteurs internes, extérieurs à ces communautés. Ces facteurs sont aussi locaux, nationaux, régionaux et internationaux. Nous faisons un effort pour regarder ces conflits dans ces différentes perspectives. Nous regardons les acteurs à tous les niveaux comme plus une partie à la solution qu’une partie au problème. Bien qu’affligé par les conséquences et le niveau élevé de ces violences, que nous déplorons , nous gardons espoir dans les capacités des femmes, des jeunes et des hommes à tous les niveaux à bâtir le vivre ensemble et la cohésion sociale. Ce sont les hommes (en générale) qui créent les conflits, et ceux sont eux aussi qui les transforment.

Quelles sont les principales actions que vous menez pour le retour de la paix et de l’entente ?

Notre vision globale est celle d’un Monde sans violence. Pour le Mali, « Une société malienne juste et en sécurité ». Au travers notre mission, nous aidons les hommes, les femmes, les jeunes, les institutions et les communautés en situation de conflit à choisir la collaboration et non la confrontation. Nos outils et nos activités visent à créer et/ou à renforcer la confiance entre acteurs, à créer des cadres de recevabilité et de dialogue entre les populations et les autorités, à assurer le partage et la diffusion des informations fiables et de qualité et à soutenir des initiatives communautaires d’inclusion, de rapprochement, de solidarité, de vivre ensemble et de paix. Nos actions sont diverses selon le contexte et le résultat. Nous organisons des formations expérientielles en transformation des conflits, Sensibilité au conflit et leadership inclusif ; nous facilitons des cadres de dialogue communautaire inclusifs et d’actions ; nous appuyons des initiatives locales de paix menées par les jeunes et les femmes ; nous formons les journalistes en journalisme sensible aux conflits et appuyons techniquement et matériellement des radios communautaires. Nous imaginons des approches nouvelles et innovantes pour la transformation des conflits et la réduction de la violence.

Vous privilégiez le dialogue dans vos approches de gestions de conflits. Quels sont les résultats déjà obtenus au Mali grâce à vos conciliations ?

Nos dialogues se tiennent au niveau des communes et sont inclusifs. Nous nous focalisons plus sur le processus que le contenu. Nos dialogues contribuent à réduire les préjugés entre groupes et les aider à surpasser les stéréotypes. Grâce aux sessions de dialogue, des groupes se reparlent et réapprennent à faire confiance. Le dialogue permet aux différents groupes d’imaginer collectivement les réponses aux problèmes et de préparer des actions conjointes et inclusives.

Spécifiquement pour le conflit entre Peulhs et Dogons, notamment au Centre du Mali, que proposez-vous pour la fin des différends ?

Il est important que ce conflit, qui s’est assis sur le lit communautaire, soit regardé comme un mélange explosif d’amalgames, des préjugés, des stéréotypes, de peur, de recherche d’attention et des conflits du passé non résolus. Dans un contexte d’instabilité et de retour difficile de l’État. Il est urgent de créer des espaces sûrs de gestion de trauma intra-groupes adaptés aux communautés et aux différents groupes d’âges et de sexe. Il est urgent de faire entendre et d’amplifier la voix des leaders inclusifs et acteurs de paix. Il faut combattre la rumeur par la bonne information et en renforçant des médias et une communication sensible au conflit. Il est important de créer des cadres inclusifs et neutres où la parole va se libérer et où les différents groupes (y compris les jeunes et les femmes) vont créer une vision commune de leur avenir et imaginer les voies et moyens pour la réaliser. Il est important de renforcer des mécanismes locaux inclusifs pouvant répondre aux risques élevés des violences. Il faut redonner des outils, des moyens mais surtout de l’espoir aux uns et aux autres afin qu’ils agissent pour leur réussite et réalisation commune.

Le vivre-ensemble des peuples du Mali est-il aujourd’hui menacé ?

Le vivre ensemble des peuples du Mali est menacé de plus en plus par la tendance au repli sur soi, la recherche permanente du bouc émissaire, le développement des approches et actions exclusives et le focus sur ce qui divise.

Comment le sauvegarder ?

Pour sauvegarder le vivre ensemble, il faut le célébrer, le chanter, et le soigner là où il demeure. Il faut puiser dans la richesse du passé pour le réinventer et creuser dans la richesse de l’imaginaire collectif pour le créer dans les plus petites comme dans les grandes choses. Il faut utiliser l’art dans sa diversité ; l’éducation de plus jeunes et la sensibilisation des adultes. Il faut aider les jeunes et les femmes à rêver ensemble et à gagner ensemble. Collectivement, il faut le courage de la remise en question individuelle et l’audace des petites actions qui font la différence.