Froid et climatisation : un marché en mouvement

Dans un pays comme le Mali, en pleine zone sahélienne, il va de soi qu’une offre comme celle de produits réfrigérants et refroidissants ne puisse que prospérer. S’il y a quelques années, avoir un climatiseur chez soi était un véritable luxe, le jeu de la concurrence favorise le consommateur qui a aujourd’hui l’embarras du choix, qu’il cherche du neuf ou des appareils d’occasion. Le secteur n’en est pas moins confronté à des défis, telle que la formation d’une main d’œuvre qualifiée ou encore la protection de l’environnement.

Le marché du froid a évolué de façon fulgurante au cours des dix dernières années. Réfrigérateurs, congélateurs, climatiseurs, et autres humidificateurs ont envahi le marché et changé les habitudes de consommation des Maliens en termes d’énergie. « Tout le monde a son climatiseur, c’est pourquoi la demande a ainsi explosé », assure, pince-sans-rire, Amadou Togo, frigoriste. En effet, si l’on en croit les chiffres des importations, ce sont près de deux millions de climatiseurs qui rentrent au Mali chaque année. La plupart sont des « seconde main », ce qui a entraîné la floraison d’ateliers de réparation et de maintenance de ces équipements. « Les gens regardent surtout le prix et pas forcément la qualité du produit. Quand il est de seconde main, il est souvent largement amorti par les anciens utilisateurs, ce qui fait qu’il tombe régulièrement en panne. Je ne vais pas m’en plaindre », poursuit Togo.

Démocratisation.  « Auparavant, un congélateur coûtait dans les 500 000 francs CFA et un climatiseur pas loin de ça. Ce n’était pas tout le monde qui pouvait en acheter un. Aujourd’hui, avec l’élargissement de la classe moyenne et les prix abordables sur le marché, les gens peuvent maintenant s’équiper facilement », explique Oumar Sangaré, technicien. Sur le marché, deux grandes marques se livrent une guerre acharnée, à coup de nouveaux produits, de baisses régulières des prix et de campagnes publicitaires. Samsung et LG se talonnent et proposent toutes les deux des équipements « adaptés au climat chaud du Mali », comme le revendiquent les vendeurs dans les boutiques qui ont essaimé aux quatre coins de Bamako et même dans les capitales régionales. À côté des deux géants sud-coréens, des marques comme Sharp, Océan, Daikin, et le français Airwell de retour sur le marché, entres autres, se battent pour se maintenir, en usant d’ailleurs d’arguments similaires, mais certainement avec moins d’agressivité commerciale. Certains, comme Daikin, se sont spécialisés dans les grands travaux. « Nous nous occupons surtout des chantiers d’hôtels, de grandes résidences ou de bureaux et sommes moins dans la vente au détail », explique le directeur administratif d’Effica, qui représente la marque japonaise au Mali.

Les produits de seconde main ont toujours autant de succès. Ils constituent d’ailleurs la grande majorité des importations. Les « casses » proposent aujourd’hui plus de choix que par le passé, histoire de tenir face à la « concurrence » du neuf. « Nous faisons venir des réfrigérateurs américains de très bonne qualité. Neufs, ils peuvent coûter plusieurs millions alors qu’à partir de 500 000 francs CFA, nous avons des offres. Cela nous permet de continuer à attirer une clientèle qui connait maintenant les équipements mais n’a pas forcément les moyens d’investir dans du neuf », justifie Babouya, gérant d’une boutique de « casse américaine ». Et ça marche ! Chaque jour, des conteneurs livrent leurs trésors à la soif des ménagères comme des patrons d’entreprise qui veulent climatiser leurs bureaux à moindre coût en cette période de canicule.

Technologies nouvelles et services Le marché du froid est sans cesse en transformation du fait de l’évolution des réglementations liées à la lutte contre la destruction de la couche d’ozone et l’effet de serre. Les années 2000 ont été marquées par une révolution : l’abandon du gaz fréon, utilisé dans les compresseurs pour produire le froid. Les acteurs du secteur ont largement pris part et aujourd’hui, selon la Direction nationale du contrôle des pollutions et nuisances, au Mali, « il y a zéro fréon interdit ». Des contrôles sont d’ailleurs régulièrement effectués sur les marchés afin de décourager les contrevenants. L’autre nouveauté est l’arrivée sur le marché de produits solaires. « Avec le coût de l’énergie, il est intéressant de proposer une offre d’équipements qui fonctionnent à l’énergie solaire », explique Boubou Diagouraga, représentant d’Airwell, qui propose des congélateurs solaires. « Nous faisons face à deux défis majeurs : la contrefaçon et le manque de main d’œuvre bien formée pour nos services à la clientèle » déplore-t-il. En effet, il n’est pas rare de tomber sur des copies de marques en tout point similaires « mais dangereuses pour le client, car ils ne sont pas soumis à tous les tests et peuvent exploser, par exemple », explique le frigoriste Togo. Ce dernier emploie trois jeunes diplômés de l’ECICA qui est l’un des premiers établissements à offrir une formation dans les métiers du froid. Le chef d’atelier déplore lui aussi l’insuffisance de la main d’œuvre qualifiée alors que le marché explose. « Nous sommes obligés en ce moment de refuser des clients parce que la demande est forte et le personnel manque. Les jeunes qui cherchent du travail devraient s’intéresser aux métiers du froid parce que c’est un marché qui va encore grossir ».