Kidal : Le retour de l’administration pose question

Les forces de la CMA et de la Plateforme ont observé sur la ligne de front, ces 15 derniers jours, dans un climat de méfiance mutuelle, le cessez-le-feu, sans quitter leurs positions, même pour fêter la Tabaski. Alors qu’à Bamako on s’évertue à trouver un consensus entre ces deux signataires de l’Accord pour parvenir à la signature d’une paix définitive et envisager le retour de l’administration. La CMA a fait montre d’une certaine volonté d’accélérer les choses en accueillant le Gouverneur de Kidal, fin août. Mais son installation prochaine et le possible retour de l’administration sont aussi souhaités que redoutés dans la capitale de l’Adrar des Ifoghas.

Je retournerai à Kidal en début de semaine prochaine », confirme Sidi Mohamed Ag Ichrach, Gouverneur de la région. « Une fois là-bas, je vais travailler à l’installation de l’administration, à la réouverture des écoles, qui est une priorité, et à la réconciliation entre les différentes communautés. Ce ne sont vraiment pas les occupations qui vont me manquer », ajoute-t-il, enthousiaste.

Si le court séjour du gouverneur fin août s’est bien passé, certains à Kidal ne sont pas encore convaincus du changement que son installation pourrait apporter. « Il va prendre ses fonctions à Kidal en tant que gouverneur, mais pour gouverner qui et quoi ? Pourra-t-il seulement prendre des décisions ici ? », s’interroge un sympathisant de la Plateforme. « Vous savez, les notabilités qu’il a rencontrées ici ne sont pas reconnues par toutes les communautés. Ce sont les mêmes visages, des leaders de la CMA qui deviennent chefs de fractions quand ils le veulent, chefs de tribus, etc. Durant son séjour, il n’a pas parlé de la Plateforme, or on ne peut parler du retour de l’administration sans la Plateforme. Ag Ichrach, c’est plus un bonus concret et officiel pour la CMA ! », poursuit-il

Adhésion populaire ? Sur l’installation du gouverneur et le retour de l’administration, les Kidalois sont eux aussi divisés, entre les pro-Mali, qui espèrent que son installation marquera le début du changement tant espéré, et ceux qui conservent encore le souvenir vivace de la lutte pour un État de l’Azawad libéré du Mali. « Au sein de la CMA, il y a aussi des divisions. Il y a beaucoup de clash à ce sujet sur les réseaux sociaux. Ils insultent leurs chefs. Beaucoup leur reprochent, maintenant que le GATIA a été chassé, de ramener le Mali. Pour eux, c’est le royaume des Ifoghas qu’ils veulent construire avec l’État malien. Le Mali redevient fréquentable, son gouverneur revient, son armée va revenir, certains jurent que cela ne se fera pas », confie cette source. Pour Almou Ag Mohamed, porte-parole du HCUA, « comme partout il n’y a jamais d’unanimité. Mais je peux vous affirmer que ceux qui ne sont pas dans la logique de la CMA aujourd’hui ne sont pas très nombreux. Elle a pris un engagement au nom des populations qu’elle représente dans l’accord qu’elle a signé. Cet engagement, même s’il n’a pas l’adhésion de tous, la CMA fera en sorte de l’honorer ».

À Kidal, il est notoire que les populations suivent toujours la décision des chefs. Pour autant, est-ce que cela marchera ? « Ça dépend. Le gouverneur sera là-bas sécurisé par les forces de la CMA. Donc la CMA joue le rôle de la force publique et celle de l’État. Si l’État ne veut exister que par procuration, ça marchera un temps, mais ça ne va pas tenir », objecte une humanitaire basé à Kidal. « Cette installation peut être le début d’une nouvelle dynamique positive, qui risque d’être aussi influencée par des troubles ou des affrontements sur le terrain. Mais il y a quand même le début d’une nouvelle dynamique » admet un officiel malien sous couvert d’anonymat.

Autre élément de réponse qui penche en faveur d’un retour facilité de l’administration, la ferveur des entreprises de BTP à Kidal, qui voient dans la mise en œuvre de l’Accord des contrats juteux, avec tous les marchés qui ne manqueront pas de tomber. « Ça se joue aussi au niveau économique, avec toutes les reconstructions qu’il y aura. Ces marchés seront généralement attribués aux entreprises de BTP des différents chefs de la CMA et de quelques combattants. Ils bénéficieront de ces retombées sans les partager avec les autres entrepreneurs de la Plateforme. Ça motive leur volonté d’un retour de l’État et de l’administration. Ce qui est recherché, c’est le contrôle du terrain, mais aussi de capter les dividendes de la paix », souligne avec malice cette source proche des mouvements armés.

 

 

Sidi Mohamed Ag Ichrach : « Après la Tabaski, je m’installerai définitivement à Kidal »

Sidi Mohamed Ag Ichrach, gouverneur de Kidal, a enfin foulé mercredi 23 août, le sol de la capitale du Nord pour un séjour de 3 jours. Sa venue, peut-être considéré comme la volonté des différentes parties d’avancer sur la mise en oeuvre de l’Accord. Le gouverneur de Kidal, peu avant son départ pour Gao, a répondu aux questions du Journal du Mali, sur ce séjour qui pourrait être le point de départ vers un retour de l’administration à Kidal, qui n’a jamais été effectif depuis les événements de mai 2014.

Ce déplacement à Kidal était-il de votre initiative ?

Depuis que j’ai été nommé gouverneur, je ne suis pas arrivé à Kidal de façon satisfaisante, la dernière fois que je suis venu ça ne s’est pas bien passé. Depuis lors, j’ai essayé d’entretenir de bons rapports avec la CMA et la Plateforme pour rejoindre Kidal et rapprocher les points de vue, afin que l’on puisse avancer dans le domaine de le réconciliation et de l’Accord de paix. Il y a eu une succession d’événement qui sont intervenus et qui ont permis ma venue à Kidal. Le premier, c‘est le cessez-le-feu déclaré par la Plateforme il y a une semaine, le deuxième c’est la déclaration de Bilal Ag Chérif qui a affirmé que l’administration pouvait revenir à Kidal et parallèlement à ça, depuis deux mois, je suis en train d’échanger avec la CMA, la Plateforme et les notabilités, pour rapprocher les points de vue. Je leur ai dit que la région ne pouvait pas vivre sans administration. C’est la conjugaison de tout ces efforts qui ont rendu possible ma venue à Kidal. 

Quel bilan faites-vous de ces 3 jours à Kidal ?

Le bilan est très positif de mon point de vue. Il y avait une armoire à glace qu’il fallait bouger vis-à-vis des populations, je crois que cela a été fait. Nous nous sommes parlés, nous avons compris comment chacun est en train de se positionner pour l’avenir. Ces échanges avec la populations ont été très importants. Je ne pense pas qu’habituellement les gouverneurs entretiennent des concertations satisfaisantes avec les populations de le région de Kidal et c’est ce cadre-là que j’aimerais instaurer : toujours échanger avec les populations, le société civile, les chefferies, pour essayer d’avancer ensemble et permettre le retour progressif de l’administration. Cette première étape était très importante à franchir. Ce que j’ai aussi constaté lors de ce voyage, c’est que la population de Kidal a de grandes attentes, aussi bien vis-à-vis de l’administration que vis-à-vis des partenaires au développement, parce que la région est dans un état de délabrement avancé, les activités économiques sont arrêtées, les administrations sont délabrées. Il faudrait remettre tout ça en place pour permettre le redémarrage économique de la région. Enfin, ce qui me paraît aussi important, après mes discussions avec les populations, c’est leur désir de paix dans la région, cette préoccupation est ressortie au niveau de tous les groupes que j’ai rencontré, que ce soit la CMA, la société civile, les femmes, les jeunes, les opérateurs économiques. C’est vraiment la préoccupation essentielle des populations de Kidal. Ce sont les trois éléments que je tire de mon voyage là-bas.

Les chefs de fraction et les notabilités ont exprimé des doléances à L’imam Dicko, parmi lesquelles, le changement du gouverneur pour un autre plus «neutre», qu’en est-il aujourd’hui ?

J’ai eu des échanges avec la coordination des chefs de tribus de la région de Kidal et je peux vous dire que cette doléance semble être dépassée. Ils ont une exigence forte, c’est de disposer d’une administration impartiale et neutre entre les deux groupes. Cela cadre parfaitement avec ma vision du problème parce que je considère que dans la situation de la région de Kidal, pour bien faire les choses, vous devez observer une certaine équidistance entre les parties . Je pense donc que c’est une question dépassée.

Vous êtiez à Kidal pour préparer le retour de l’administration, y’a-t-il un chronogramme élaboré ?

Il n’y a pas de date précise pour le moment, il y a des propositions. La société civile a identifié les services qu’elle juge prioritaire comme le secteur de l’eau, de l’électricité, de l’éducation, de la santé. Ses services-là, la population en a immédiatement besoin. Nous allons essayé d’établir un chronogramme que nous allons soumettre aux autorités nationales, qui vont l’apprécier et essayer de démarrer le retour de l’administration à Kidal. Il n’y a pas pour le moment de papier écrit. Vous savez, les acteurs sur place ne voulaient même pas que je reparte, ils pensaient que j’étais venu pour rester. Ils disent qu’à chaque fois les gens viennent, ils disent qu’ils vont revenir mais ils ne reviennent pas.

Justement, quand retournerez-vous à Kidal ?

Après la Tabaski, je m’installerai définitivement à Kidal ! Pour moi c’est une installation définitive, je n’attendrais pas les protocoles et autres, le reste de l’administration me trouvera là-bas.

Le gouvernorat est vétuste et délabré, comment ferez-vous pour siéger avec votre administration ?

Vous savez, je suis de Kidal, je suis un nomade, si on me donne une paillote, j’irai habiter là-bas, il n’y a pas de souci, que le gouvernorat soit en bon état ou pas ce n’est pas un problème. L’essentiel pour moi, c’est qu’il y ait la paix à Kidal.

Une trêve de 15 jours a été signée entre le CMA et la Plateforme, mercredi 23 août, jour de votre arrivée à Kidal. Pourquoi une paix définitive n’a-t-elle pas été signée entre ces deux mouvements ?

Lorsque les groupes armés ont convenu de la trêve de 15 jours, les notables m’ont aussi demandé « mais pourquoi 15 jours et pas une paix définitive ?». Je comprends aussi les groupes armés qui ont leurs éléments à gerer, il faut pouvoir les rassembler, les sensibiliser, les ramener dans certaines positions. Mais je peux vous dire que les gens avec qui j’ai échangé sont vraiment engagés en faveur du processus de paix, c’est vraiment l’élément essentiel, tout le monde est d’accord pour dire que la situation ne peut pas perdurer et qu’il faut aller vers la paix. Donc je ne m’arrête pas vraiment à ces 15 jours. Après la fête de Tabaski, on va les pousser encore pour essayer d’aller à plus de 15 jours. La société civile à Kidal est d’ailleurs en train de discuter de ça.

Qui a assuré votre sécurité à Kidal, vous aviez refusé de vous rendre dans la capitale du Nord si la CMA s’occupait de votre sécurité sur place ?

C’est la CMA qui a assuré ma sécurité. Elle a monté le mécanisme de sécurisation avec la Minusma. Je logeais dans le ville de Kidal même. Je peux vous dire que ça s’est bien passé, il n’y aura pas de problème. Nous sommes entre nous vous savez, nous avons nos solutions.

 

Nouvelle trêve entre CMA et Plateforme

Le gouverneur nommé par l’Etat malien pour la région de Kidal (nord-est) a annoncé aujourd’hui avoir rejoint son poste, une première depuis 2014 dans ce fief des ex-rebelles touareg, qui ont accepté d’observer une nouvelle trêve avec les groupes armés pro-gouvernementaux.

« Je suis bien arrivé à Kidal. Tout se passe bien pour le moment », a déclaré par téléphone à l’AFP le gouverneur, Sidi Mohamed Ag Icharach. « On peut effectivement dire que c’est un début de retour de l’Etat sur place », a ajouté M. Ag Icharach, venu de Bamako, à plus de 1.500 km de Kidal.

« Le gouverneur de région est arrivé en tenue d’apparat. Il a été reçu royalement par les populations et par la CMA », la Coordination des mouvements de l’Azawad, formée d’ex-rebelles touareg, a déclaré à l’AFP un responsable de la coordination.

L’Etat malien n’avait pas repris pied à Kidal depuis mai 2014, lorsque des combats qui ont éclaté au cours d’une visite du Premier ministre de l’époque, Moussa Mara, s’étaient soldés par une lourde défaite de l’armée face aux ex-rebelles de la CMA. Nommé en juin puis dépêché à Kidal pour une campagne de sensibilisation, le gouverneur Ag Icharach s’était vu interdit l’accès de la ville depuis deux mois par la CMA.

Il a pu enfin gagner son poste après l’annonce de la signature mardi d’une trêve entre groupes armés. « La Mission de l’ONU au Mali (Minusma) a joué un grand rôle » pour aboutir à cette trêve, a affirmé Almou Ag Mohamed, chargé de communication de la CMA.

L’information a été confirmée de source proche du Groupe d’autodéfense touareg Imghad et alliés (Gatia), un mouvement pro-gouvernemental rival de la CMA.

Le gouverneur Ag Ichrach ce mercredi à Kidal

Mercredi 23 août, Sidi Mohamed Ag Ichrach, gouverneur de Kidal, devrait se rendre dans la capitale des Ifoghas pour, pendant quelques jours, préparer le retour de son administration, alors que les tensions subsistent toujours entre la Plateforme et la CMA, qui entreprend d’avancer dans le processus de paix sans son frère ennemi pourtant signataire de l’Accord.

Sidi Mohamed Ag Ichrach, le gouverneur de Kidal, qui n’a toujours pas pu prendre fonction dans la capitale du Nord depuis sa nomination, devrait arriver demain à Kidal, pour préparer sa prise de fonction définitive dans la ville. « je serai demain à Kidal, si la réservation d’un vol de la Minusma est possible dans ce cours délai », a confirmé Sidi Mohamed Ag Ichrach au JDM.

À Kidal, cela fait quelques semaines qu’on entend dire que le gouverneur viendra s’installer. « Ça va se faire d’une manière ou d’une autre, la CMA pousse pour cela, elle essaie de poser des actes et des actions qui vont aller dans le sens de l’apaisement avec l’État et pour montrer à la communauté internationale qu’elle est de bonne foi dans la mise en œuvre de l’Accord », explique ce sympathisant de la coordination joint au téléphone. « La CMA veut montrer qu’elle fait avancer l’Accord pour continuer sa stratégie d’évincement de la Plateforme de la mise en œuvre de l’Accord. C’est un geste politique, ça arrange la CMA ainsi que le gouvernement, qui pourra dire à l’opinion nationale que l’administration recommence à se déployer à Kidal, c’est une façade tout ça », maugrée cet habitant de Kidal.

Toujours est-il que cette future installation du gouverneur à Kidal, pose des questions pour le moment sans réponses : Où sera-t-il logé, sachant que les bâtiments du gouvernorat de Kidal sont vétustes ou délabrés ? Qui assurera sa sécurité, alors qu’il refusait encore récemment de siéger à kidal si la CMA devait le sécuriser ? Comment parviendra-t-il à travailler avec les autorités locales, sachant que les chefs de fraction et les notabilités, acquises à Mohamed Ag Intalla, l’aménokal de Kidal, souhaitent changer ce gouverneur qui est un membre de la Plateforme ? « Si le gouverneur s’installe à Kidal ce sera certainement au camp de la Minusma », indique cet employé humanitaire de la région, « mais à quoi cela va servir puisqu’il n’y a aucun local en ville ou il pourra travailler ou s’abriter avec toute son administration qui est à Gao », poursuit-il.

La venue du gouverneur à Kidal intervient plus d’une semaine après la déclaration de « cessez-le-feu unilatérale » de la Plateforme et alors que la CMA a décidé d’avancer dans la mise en œuvre de l’accord sans pour autant inclure son adversaire. Une rencontre dimanche dernier a eu lieu à Anéfis entre des émissaires de la Plateforme et Alghabass Ag Intalla, Bilal Ag Chérif et Mohamed Ag Najim de la CMA. Selon nos informations, malgré un premier échec dans ces tractations, un accord pour une trêve serait en passe d’être trouver, même si certains ne semble pas vouloir s’inscrire dans cette dynamique : « On est pas dans le cadre de la recherche d’une paix durable. La CMA essaie de nous diviser et de nous exclure de la mise en œuvre de l’Accord . Tant qu’il y aura cette idée d’exclusion, ça ne pourra pas fonctionner. », souligne ce cadre de la Plateforme.

KIDAL : Installation du MOC et retour de l’administration à partir du 20 juillet

Pour accélérer la mise en œuvre de l’accord dans le cadre de la feuille de route remise au premier ministre, Abdoulaye Idrissa MAÏGA a regroupé les parties maliennes (CMA, Plateforme et institutions chargées de la mise en œuvre de l’accord) lors d’une journée d’évaluation de la mise en œuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation nationale.

Le Mécanisme Opérationnel de Coordination (MOC) sera présent à Kidal ce 20 juillet. Cette force constituée de 600 hommes sera composée par 200 Hommes de chaque partie prenante, à savoir, la CMA, la Plateforme et l’armée malienne. Une décision issue de la journée d’évaluation de la mise en œuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation au Mali tenue le 23 juin à la Primature. Une étape essentielle dans le processus du retour de l’administration dans le Nord du Mali où Kidal reste la dernière ville à recevoir les autorités intérimaires. D’autant que cette étape doit être suivie de l’installation du gouverneur de Kidal (Sidi Mohamed Ag Ichrach, résidant actuellement à Gao) le 31 juillet et celle des autorités intérimaires. Seront ensuite installés le gouverneur ainsi que les autorités intérimaires de Taoudénit.

De l’espoir et des inquiétudes

Cette rencontre entre Maliens (la CMA, la Plateforme et la partie gouvernementale) suscite en tout cas l’espoir des autorités. Le premier ministre Abdoulaye Idrissa MAÏGA estime qu’ « il est vital que les Maliens se parlent, car nous défendons la même cause ensemble, le Mali ». Avant d’ajouter la nécessité de surmonter les blocages et autres incompréhensions pour aboutir à la paix.

Mais ce nouveau calendrier ne rassure pas tout le monde. Selon Oumar Alassane Touré du réseau des patriotes du Nord « on ne peut pas retourner à Kidal comme ça. Il faut une commission de retour de l’administration indépendante du gouvernement et de la primature, qui est rattachée au président de la République qui sera composée de l’ensemble des mouvements et d’experts qui peuvent mettre en place une stratégie ».

Azarock Ag Innaborchad, président du congrès pour la justice dans l’AZAWAD, souhaite que l’on envisage le retour de la paix au delà du retour symbolique de l’administration à Kidal. « C’est vrai que Kidal symbolise le retour de la souveraineté de l’Etat. Mais il n’y a pas qu’à Kidal que l’Etat n’est pas souverain. Il faut faire ce que l’on peut faire facilement et attendre quand les échéances arrivent pour Kidal, faire Kidal, il faut essayer de reprendre stratégiquement les choses en main, pas seulement à Kidal. », conclut-il.

Sidi Mohamed Ag Ichrach : « Dépasser mon appartenance tribale pour préserver et défendre les intérêts de l’État »

Sidi Mohamed Ag Ichrach, inspecteur des douanes, était secrétaire général du ministère du Commerce avant d’être nommé gouverneur de Kidal lors du Conseil des ministres le 17 février. Sa nomination, considérée comme une provocation par les leaders de la CMA, a entraîné la suspension de l’installation des autorités intérimaires à Kidal. Le nouveau gouverneur de la région septentrionale a reçu le Journal du Mali chez lui à Bamako, au moment où les négociations avec la CMA ont repris pour tenter de trouver une porte de sortie.

Qu’est-ce qui a concouru à votre nomination à la fonction de gouverneur ?

La région de Kidal n’étant pas dans une situation normale, il a fallu faire des compromis et les compromis c’est respecter les équilibres. Les pourparlers politiques ont abouti à la nécessité de jouer l’équilibre entre les différentes tendances. Je veux parler des 3 parties : la CMA, le gouvernement et la Plateforme. Nous avons cherché les hommes capables d’être consensuels, qui peuvent faire cet équilibre, dans une situation difficile, entre les exigences d’une administration normale et la situation anormale que vit la région de Kidal. Du côté de la CMA, on a choisi des hommes qui peuvent s’entendre avec les deux autres tendances. On a fait la même chose du côté de la Plateforme. Je crois que je suis rentré dans cet équilibre que le gouvernement recherchait et aussi parce que les décideurs ont estimé que je pouvais jouer ce jeu d’équilibre au niveau régional pour ramener la paix et aider à remettre ensemble les différents acteurs.

Malgré cette volonté d’équilibre, la CMA n’accepte pas votre nomination. Votre nomination n’est donc pas si consensuelle ?

Je pense qu’il y a eu une mauvaise circulation de l’information. Il y a eu aussi une peur, quelque part, parce qu’il y a des gens qui estiment que je suis plus proche d’un côté que de l’autre. Mais je suis heureux que chaque côté estime que je suis plus proche de l’autre. Cela me réconforte un peu. Je m’estime proche des deux camps.

On vous dit néanmoins très proche du GATIA.

Je ne cache pas ma proximité avec le GATIA, parce que dans la situation de tiraillement dans laquelle se trouve la région de Kidal aujourd’hui, chacun est obligé de choisir son camp. Mais je ne suis pas, si vous voulez, collé à un côté. Je pense que je comprends les positions des deux camps et de mon point de vue, je pense que je peux faire le lien.

Donc, en tant que gouverneur de Kidal, vous travaillerez à ce que le GATIA et la CMA ne s’affrontent plus ?

Je ne peux pas garantir que les affrontements ne reviendront pas mais j’y travaillerai, je travaillerai à rapprocher les points de vue. Dans les deux camps, il y a des gens qui me font confiance et d’autres qui se méfient.

Certains se méfient de vous du côté de la Plateforme ?

Oui bien sûr. Je ne suis pas un acteur très connu. C’est une réalité. Je pense que des deux côtés il y a des méfiances et j’en suis conscient mais il faut travailler à rapprocher les points de vue, il faut travailler à être centrale, à développer autour des intérêts de la Nation, des intérêts du pays, parce que la situation que nous vivons aujourd’hui est une situation malheureuse, transitoire, qui plombe le développement économique.

Vous ne représentez donc ni la CMA, ni la Plateforme, mais plutôt l’État ?

Le gouverneur représente l’État et de mon point de vue, c’est cette logique que l’autorité a voulu remettre en selle par ma nomination. Je suis fonctionnaire de la République et j’ai la capacité de dépasser mon appartenance tribale et mon appartenance régionale pour préserver et défendre les intérêts de l’État parce que les intérêts de l’État, ce sont les intérêts de tout le monde. Une administration impartiale, une administration qui s’intéresse à tout le monde, une administration qui prône la justice mais aussi une administration capable d’apaiser et de regrouper, de parler aux uns et aux autres, donc une administration ouverte vers les populations. C’est comme ça que je conçois le rôle de gouverneur dans la situation de la région de Kidal.

La CMA dit qu’il y a déjà un maire du GATIA et un député du GATIA à Kidal, ce qui provoquerait justement un déséquilibre ?

Donc la région de Kidal se borne à la ville de Kidal ? C’est le genre de positionnement qui est dangereux. La région de Kidal, c’est 11 communes, 4 cercles et même 5 avec un cercle qui vient d’être créé, un conseil régional et environ 200 à 300 fractions nomades. On ne peut pas faire une fixation sur la seule ville de Kidal. On dit que le maire est GATIA. Je ne sais pas s’il est GATIA ou pas, de même pour le député. Je pense que c’est le genre de chose qu’un cadre se doit de pouvoir dépasser. Je ne vois pas le maire de Kidal comme appartenant au GATIA, je le vois comme le maire de la commune urbaine ou rurale de Kidal, donc maire de toutes les communautés de Kidal. Le député est avant tout le député de la circonscription électorale de Kidal. Ce genre de classement n’est pas constructif. Les populations ont le droit d’élire qui elles veulent. Mettre les représentants de l’administration dans le même sac que les élus, c’est ne rien comprendre au monde moderne, parce que les administrateurs représentent l’État, et les élus, les populations.

Vous aurez dans vos nouvelles fonctions de gouverneur à travailler avec Hassan Ag Fagaga , le président du conseil régional de Kidal, le connaissez-vous et comment voyez-vous cette future collaboration ?

C’est une personne que je connais très bien, c’est un ami intime, avec qui j’ai partagé des moments très difficiles pendant les premières rébellions, nous avons une confiance réciproque, c’est quelqu’un, sans aucun doute, avec qui je peux très bien travailler.

Hassane Ag Fagaga est un militaire, qui n’a pas forcément les qualités requises pour diriger un conseil régional, pensez-vous que sa nomination comme président du conseil régional de Kidal est un bon choix ?

C’est un officier supérieur de l’armée malienne, il a quitté l’armée malienne avec le grade de colonel. Il a l’expérience parce qu’il a été commandant de troupe pendant plus de 10 ans. Qu’il soit compétent ou non n’est pas tellement une préoccupation pour moi, il a été désigné par la CMA pour être le président du conseil régional de Kidal et je suis tout à fait en conformité avec ce choix. Je n’ai pas à apprécier ni sa compétence ni son incompétence mais je dirai que sur le plan humain, c’est quelqu’un avec qui je peux travailler.

Quelles seront vos premières actions quand vous prendrez vos fonctions de gouverneur ?

La première action que je ferais c’est de prendre attache avec toutes les grandes notabilités pour expliquer ma mission et la manière dont je compte l’accomplir. Ensuite, je prendrai contact avec les élus, les députés, les chefs de fractions, pour avec eux, tracer et convenir du canevas dans lequel nous allons travailler, parce que c’est une mission qui ne peut pas être réussi individuellement. Elle nécessite l’implication de tout le monde et la participation des notabilités et des cadres de la région de Kidal, leur participation est indispensable pour réussir la mission.

Quelle sera votre politique à la tête du gouvernorat de Kidal durant votre mandat ?

Premièrement mettre ensemble les communautés, les différentes fractions, je suis conscient de la difficulté mais c’est par là qu’il faut commencer. Il faut que les populations puissent fréquenter dans la paix, les mêmes marchés, les mêmes puits, les mêmes pâturages, les mêmes routes, sans s’affronter. Si on n’arrive pas à faire cela, on ne peut pas lancer des actions de développement, sans développement le problème restera toujours tel qu’il est aujourd’hui. La deuxième chose, c’est faire redémarrer l’administration dans la région. On ne peut pas imaginer des zones entières de la région qui échappent au contrôle total de l’État, il faut donc travailler au retour de l’administration et avec l’administration, les services sociaux de base. Dans la région de Kidal, ça fait bientôt 6 ans que les enfants ne vont pas à l’école, cela fait 6 ans que les femmes accouchent dans des situations très difficiles, ça fait 6 ans que les malades ne sont pas soignés, 6 ans que les points d’eau ne sont pas entretenus, il faut relancer cela dans l’intérêt des populations.

La CMA fait la pluie et le beau temps sur Kidal, ses leaders sont contre votre nomination. Comment appliquer votre politique dans ces conditions ?

Ces chefs de guerre que vous avez cité, je les classe tous parmi les notables de Kidal de quel bord qu’ils soient. Ce sont des gens que je connais très bien car je suis de Kidal. Je sais qu’il y aura une glace à casser, il faudra la casser pour faire passer le message, pour parler. C’est aussi le travail du Comité de suivi de l’Accord. Au niveau régional il y a aussi un travail à faire pour calmer les différentes ardeurs. Ça ne va pas être facile mais c’est mon devoir de pouvoir les mettre ensemble, parce que s’ils ne sont pas ensemble, on ne peut pas avancer.

Serez-vous un peu le garant de la mise en œuvre de l’Accord dans la région de Kidal ?

Non, je ne serai pas le garant, la mise en œuvre de l’Accord incombe au Comité de suivi de l’Accord ici à Bamako, mais au niveau local il y a des apaisements à faire. Le terme de facilitateur serait mieux choisi.

Contrairement à votre prédécesseur qui était basé à Gao, siégerez-vous à Kidal quand vous serez gouverneur ?

Je le souhaite, si la sécurité des administrateurs n’est pas assurée à Kidal on ne pourra pas ramener l’administration. La sécurité de l’administration à Kidal ne peut pas être assurée si les différents groupes, je veux parler de la CMA et de la Plateforme, qui contrôlent la ville de Kidal où qui sont autour de la ville de Kidal, ne s’entendent pas pour la sécuriser. D’où l’importance de mettre ensemble les groupes armés qui sont sur le terrain, les rassembler autour de l’essentiel pour apporter l’accalmie dans la région, accepter le retour de l’administration, sécuriser l’administration, faire démarrer les autorités intérimaires, car elles représentent les populations, c’est comme cela que je vois une porte de sortie à cette situation.

Partez-vous bientôt pour Kidal ?

Moi je veux bien, mais pour aller à Kidal, il faut qu’il y ait l’entente entre les parties pour être sûr que l’administration pourra aller à Kidal. Si je vais à Kidal, c’est en tant que représentant de l’État. J’attends que tous les acteurs envoient des signaux pour le retour de l’administration à Kidal. Ce retour de l’administration doit être sécurisé, soit par les mécanismes du MOC soit par l’entente des différents groupes sur le terrain.