Festival Reggae : 2016 sous le signe de la paix

Les amoureux de la musique reggae du Mali s’apprêtent à  célébrer pour la 11ème fois leur festival dans la capitale malienne. Placé sous le signe de la paix, l’édition 2016 s’ouvre au Carrefour des Jeunes ce jeudi 4 jusqu’au 6 février, avant le grand show du samedi 13 février qui se déroulera sur la pelouse du Musée national du Mali à  Bamako. Lancé en 2005 par Mariam Sangaré alias Sista Mame, le Festival Reggae est le seul événement qui regroupe sur une même scène tous les grands noms du reggae malien tels que Koko Dembele, Pheno, Queen Mamy, et l’initiatrice elle-même, entres autres. Au programme du festival, il faut aussi noter des conférences débats, des concours de chant et des défilés de mode. Les festivaliers découvriront les créations de Mali Mode, Souki style et Tamacali de la célèbre créatrice de bijoux Tetou Gologo. Hommage sera également rendu à  Kalory Sory, qui « a toujours été présent sur la scène du festival, c’est pourquoi nous souhaitons lui rendre hommage à  travers une projection d’images », a déclaré Sista Mame. Avec un budget prévisionnel d’environ 14 millions de francs CFA, le Festival Reggae est organisé chaque année dans des conditions difficiles. « Mes amis et mes parents sont mes premiers partenaires car ce sont eux qui financent en grande partie ce festival » déplore l’initiatrice qui appelle le gouvernement à  beaucoup plus d’investissement dans l’organisation. « Nous souhaitons que le gouvernement nous aide comme c’est le cas en Côte d’Ivoire ». Quant à  la désormais traditionnelle question de la sécurité, Sista Mame assure que la police, la garde nationale et la gendarmerie veilleront au grain. Africa Scène, partenaire logistique, s’est engagé à  faire de l’édition 2016 une édition pleinement réussie.

Sista Mam : « Les rastas sont très mal vus au Mali »

Journaldumali.com : Pourquoi avez-vous choisi d’être rasta ? Sista Mam  : Depuis l’enfance J’ai été bercée dans la musique reggae grâce à  mes parents. Tous les problèmes de la société sont traités par le reggae : l’économie, la gouvernance, la santé, la politique. Le rasta est dépositaire d’un certain nombre de valeurs universelles. Il prône la liberté, l’égalité, la dignité. Le «Â rastapharisme » met en valeur la culture africaine qui a tendance à  disparaitre de nos jours. Voilà  pourquoi je suis rasta de C’œur. Journaldumali.com : Quelle est la différence entre le mouvement rasta et la musique reggae ? Sista Mam  : Un «Â reggaeman » n’est pas forcément un «Â rastaman ». Tous les rastas ne font pas du reggae et on peut être rasta sans porter de «Â dreadlocks ». Le reggae est une musique qui qui permet au «Â rastamen » de s’exprimer. à‡a leur permet de dire tout haut ce que le bas peuple ne peut affirmer. Journaldumali.com : Quel héritage Bob Marley a-t-il légué ? Sista Mam  : l’homme a laissé un grand héritage au monde entier. Nous sommes tous héritiers de Bob Marley. Ses textes sont encore d’actualité et sont repris par les chanteurs de reggae à  travers le monde. C’’est comme s’il avait écrit ses chansons aujourd’hui. Il prônait par exemple le droit, une thématique plus que jamais d’actualité dans la mesure o๠au Mali, les droits humains sont violés à  longueur de journée. Il prônait également l’unité de l’Afrique, notamment à  travers sa chanson «Â Africa Unite ». C’’est pour cela qu’il était apprécié par certains chefs d’Etat comme Mouammar Kadhafi, qui voyaient dans l’unité africaine un facteur de développement. Journaldumali.com : Existe-t-il un mouvement rasta au Mali ? Sista Mam  : Il se résume à  l’existence du Mouvement des Rastas du Mali (MOURASMA). C’’est la seule association qui prétend défendre les valeurs rastas, mais elle n’a pas les capacités réelles pour s’implanter sur l’ensemble du territoire national. Il y a encore du chemin à  faire. Journaldumali.com : Comment sont perçus les rastas au Mali ? Sista Mam  : Ce n’est facile d’être rasta au Mali. Nous sommes vus d’un mauvais œil. Nous sommes assimilés à  des drogués ou des soulards. Le mouvement rasta recèle en son sein des hommes valables qui prônent le bien être social. Mais nous sommes très souvent marginalisés dans l’administration. C’’est vrai qu’une dérive est en train de s’installer. Aujourd’hui n’importe qui se déguise en rasta. C’’est ce qui me fait mal. Un vrai rasta ne consomme pas d’alcool, ne fume pas la cigarette et ne mange pas de viande rouge. Journaldumali.com : Vous êtes l’initiatrice du Festival Reggae. Quels sont ses objectifs ? Sista Mam  : J’ai initié ce festival pour combler un vide. Cet événement, qui en est à  sa 7ème édition, vise à  promouvoir le mouvement rasta à  travers des concert, des conférences et des débats sur des thèmes d’actualité. C’’est aux membres de notre mouvement de démontrer l’intérêt de notre combat. Nous devons mener des actions concrètes sur le terrain, comme l’ont toujours fait Bob Marley et les siens en Jamaà¯que. Cela pourra amener plus de gens à  s’intéresser à  la musique reggae. Le ministère de la Culture pourrait également favoriser sa promotion, ne serait-ce qu’en accordant des financements aux artistes.

« Sista Mam », une reggae-woman au service du continent

Le cursus scolaire et universitaire emprunté par la jeune dame ne la prédestinait point à  une carrière musicale. Mais sa passion pour le métier a pris le dessus. Et du coup, Mariam Sangaré est devenue la première femme chanteuse reggae en Afrique de l’Ouest. Diplômée en droit public international (de la Faculté des sciences juridiques et politiques du Mali), Mariam Sangaré est assistante parlementaire à  l’Assemblée Nationale. Connue sous le sobriquet de «Â Sista Mam », elle n’est pas moins une artiste de grande valeur. «Â Sans être contre ma volonté d’embrasser la carrière de chanteuse, mes parents m’ont imposé de terminer mes études. Je voulais tellement ressembler à  Oumou Sangaré, confie Sista Mam, quand je l’ai vu au laboratoire o๠travaille ma mère, je ne me suis pas gênée de lui demander de m’apprendre à  chanter. Mais, elle ne s’est pas aussi gênée de me demander de chercher d’abord à  terminer mes études pour ne pas commettre la même erreur qu’elle. Sa franchise m’a tellement impressionnée que J’ai décidé de mettre en veilleuse ma volonté de devenir chanteuse ». Artiste depuis toujours Animatrice depuis 2004 d’une émission reggae intitulée «Â Kingston Road », sur les antennes de la radio «Â Kayira » de Bamako, Mariam Sangaré est devenue l’une des voix du reggae sur lesquelles il faut désormais compter. Sa carrière de chanteuse remonte à  l‘enfance. C’’est ainsi qu’elle a participé à  des chœurs en studio dans un album du reggaeman Koko Dembélé. Elle a également été aux côtés des artistes reggae comme Ousmane Maà¯, Aziz Wonder, I Jah man Eselem, Sunday et tant d’autres pour des concerts. C’’est aussi à  cette période que Sista Man va devenir adepte de la culture « rastafarienne ». Elle va laisser ses cheveux pousser naturellement. Elle pense que C’’est à  cette époque qu’elle a commencé à  faire la musique avec beaucoup de sérieux. Choriste exceptionnelle, elle a été sollicitée par la plupart des grands noms de la musique reggae du Mali. En 2005, au lieu d’intégrer un orchestre qui fait la musique reggae, Sista Man décide d’intégrer une chorale chrétienne dénommée «Â Ba Antoine ». Cette initiative l’aide à  parfaire ses techniques de chants. Et depuis, en plus du reggae, Sista Man a d’autres cordes à  son arc. Elle a la capacité de faire la musique traditionnelle de son pays. La même année, elle prépare un single «Â Wari Bana », une reprise de son idole Alpha Blondy. Mais, C’’est en 2006, qu’elle va franchir la porte d’un studio pour l’enregistrement de son premier album «Â Mama », dédié à  sa mère. Après avoir enregistré 6 morceaux, dont «Â Afrique et Finkoro », un beau matin, elle constate que son ingénieur de son a disparu de la circulation avec les enregistrements. l’album «Â Afrique » fait découvrir son talent Pour autant, cette mauvaise aventure n’entame en rien la détermination de la jeune artiste. A 26 ans, son premier album, «Â Afrique », sort dans les bacs de en février 2010. Il consacre le début d’une carrière prometteuse pour Mariam Sangaré. Composé de 9 morceaux et parrainé par le reggae man Koko Dembélé, cet album est une interpellation face au sous-développement du continent. Mélange de reggae, dance-hall et de rap avec des influences traditionnelles maliennes, «Â Afrique » est un album au service du combat de son auteur : la revendication de la justice, et de la tolérance. Meurtrie par des décennies d’esclavage et de colonisation, l’Afrique doit se réveiller, pense Mariam Sangaré. Dans cet album, l’artiste établit le paradoxe entre le sous-développement du continent et les richesses dont elles regorgent. l’or, le diamant, l’uranium, la bauxite, le cacao, les forêts, les étendues d’eau, etc. les potentialités sont inestimables, chante l’artiste. Qui interpelle les dirigeants. En clair, nous dit-elle, l’album «Afrique» est comme un cours magistral o๠je parle des richesses du continent, et o๠je dénonce l’image des guerres, des famines, des pandémie, etc. qu’on lui colle. Comment faire en sorte que l’Afrique sorte la tête de l’eau ? En réponse à  cette question, l’artiste recommande une prise de conscience de la jeunesse à  participer aux débats.