Désobéissance civile : Un rempart démocratique essentiel

Souvent promue par certains acteurs de la société civile pour revendiquer leurs droits, la désobéissance civile est une disposition constitutionnelle qui découle même des principes qui fondent la démocratie, selon les spécialistes. Même si son exercice est garanti par la Constitution, sa mise en œuvre nécessite une conscience politique qui n’est pas encore acquise dans notre société.

« (…) La forme républicaine de l’État ne peut être remise en cause. Le peuple a le droit à la désobéissance civile pour la préservation de la forme républicaine de l’État (…) ». C’est en ces termes que l’article 121 de la Constitution du 25 février 1992 évoque ce « droit politique reconnu depuis le Moyen âge », selon le Dr. Woyo Konaté, professeur de philosophie politique à la faculté de Droit et sciences politiques de Bamako.

Élément déterminant de la démocratie, « ce pouvoir de défiance » en est le second pilier, indispensable. Il est le pendant du principe de confiance qui offre la légitimité nécessaire au détenteur de pouvoir, à qui en réalité le peuple ne fait que déléguer son pouvoir. Ce dernier a le devoir de « penser au bien commun et, dès lors qu’il s’en détourne, le peuple a le droit de désobéir », poursuit le Dr. Konaté.

Alors que certains acteurs évoquent la nécessité d’y recourir maintenant, d’autres estiment que « ce n’est pas nécessaire pour le moment » et surtout remettent en cause la légitimité de ceux qui la préconisent. «Tout le combat que l’on mène aujourd’hui, c’est pour le peuple malien. Mais ceux qui demandent la désobéissance civile et se réclament de la société civile ont aidé des partis dans la conquête du pouvoir. Nous ne nous retrouvons pas dans cela », note M. Kibili Demba Dembélé, porte parole du mouvement « On a tout compris ».

Cependant il n’exclut pas le recours à ce droit constitutionnel lorsque ce sera nécessaire. D’ailleurs, lors des manifestations de «  Antè Abana, nous  avons  dit que si la Constitution était adoptée sans concertation nous allions nous y opposer et appeler à la désobéissance civile. Mais, pour le moment, nous n’en sommes pas là ».

« L’arme » peut en tout cas fonctionner « lorsque le peuple se sentira trahi », prévient le Dr. Konaté. Cependant, il faut « une certaine culture politique » que nous n’avons pas pour le moment. Parce que la démocratie a besoin d’un ensemble de citoyens, le peuple.  Des « individus qui ont une certaine conscience et un engagement politique », ce que nous n’avons pas pour le moment, conclut  le Dr Konaté.

Société civile : Une construction difficile

Face à la crispation de la situation politique, les regards se tournent souvent vers la société civile pour servir de pont entre les différents bords mais aussi constituer un rempart et permettre aux populations de jouir de leurs droits. Un rôle essentiel de plus en plus mis en cause, de l’aveu même des acteurs, à cause de « la précarité » ou de « l’appât du gain ». Si l’espoir reste permis, le chemin vers une société civile malienne consciente semble encore long.

« Malheureusement; les politiques ont acheté la conscience de la société civile. Elle n’est plus capable de jouer son rôle », déclare sans ambages M. Abdoulaye Niang, membre fondateur de Joko ni Maaya, un réseau d’organisations de la société civile. Et ni les religieux, ni les « fondateurs de Bamako », encore moins les jeunes, ne peuvent plus jouer ce rôle. La crise est donc profonde et « très peu de gens peuvent parler », ajoute M. Niang.

Initialement, ce rôle devait lui permettre d’être un partenaire accompagnant la classe politique. Mais, dans le contexte malien, certains hommes politiques estimant qu’il « n’existe pas de société civile tout court », ce rôle n’a pu être mené à bien.

Quoi qu’il en soit, la société civile, dans la nouvelle ère démocratique », se trouve au milieu, entre classe politique et classe économique et elle doit mener des initiatives pour permettre la stabilité, selon M. Niang.

C’est donc une prise de conscience, surtout des jeunes, qui « doivent comprendre que ceux qui dirigent ont échoué », qui s’impose, selon M .Ibrahim Ben Touré, coordinateur d’Activistes TV. Mais pour mener ce combat « déterminant », « les jeunes doivent s’unir malgré leurs difficultés », trouver les moyens nécessaires à leurs actions, « régler leurs problèmes de leadership » et réfléchir à l’intérêt général, selon lui.

Éducation civique

Mais si la société civile ne peut plus s’adresser à la classe politique, jugée « indigne », de quelle alternative dispose t-elle ? « La désobéissance civile », répond M. Niang. « Un droit constitutionnel qui ne mène pas au coup d’État. Avec une société civile digne, le Mali serait l’un des pays les plus riches! Il n’y a pas de raison que ses populations soient à la 182ème place de l’Indice de développement humain ». Pour y arriver, « il faut une ’éducation civique », préconise M. Niang. Mission à laquelle s’attelle son organisation. « Nous formons les citoyens dans ce sens, même si, à la moindre occasion, ils détruisent ce que l’on a construit », note M. Niang. Cependant l’espoir est permis, car il s’agit d’un travail scientifique dont les fruits seront récoltés plus tard.

Redécoupage administratif : L’inclusivité, le nœud du problème ?

L’avant-projet de découpage administratif qui a fuité sur les réseaux sociaux fait beaucoup jaser. Des associations se sont créées contre et certaines, déjà existantes, ont également fait part de leur opposition au projet.

Les nombreux messages hostiles sur les différents supports de communication témoignent du mal-être de la population vis-à-vis de cet avant-projet, jugé par certains comme étant la concrétisation de la partition du pays. L’année dernière déjà, une grande partie de cette population avait manifesté, tout de rouge vêtue, contre la réforme constitutionnelle. Des mouvements qui avaient conduit l’État à mettre le projet « en stand-by ». Kibili Demba Dembélé, du mouvement Waati Sera On a tout compris, a été de toutes les oppositions. « Nous avons alerté, depuis la signature de l’Accord pour la Paix, sur le fait qu’il devait être plus inclusif. Mais nous n’avions pas d’armes, donc pas voix au chapitre », regrette- il. Avant de ruminer que les contours de l’Accord ont été dessinés dans des réunions fermées « par quelques experts ».  Le politologue Boubacar Bocoum, dans nos colonnes la semaine dernière, pointait du doigt le manque d’inclusivité de la part de l’État. « L’Accord, dans certaines de ses dispositions, indique qu’il  fallait aller à une Conférence d’entente nationale, pour que les gens soient suffisamment consultés et écoutés, pour ensuite aboutir à cet avant-projet. On sent nettement que le travail a été fait dans un bureau », affirmait –il.

Difficultés prévisibles

Pour l’analyste politique Salia Samaké, ces difficultés étaient prévisibles. « Les Maliens ne sont pas appropriés l’Accord pour la paix. Les partis politiques n’ont pas joué leur rôle et l’État s’est contenté de démonstrations qui ne suffisent pas », constate-t-il. « Il y a plusieurs points saillants de l’Accord dont les Maliens n’ont pas connaissance, alors que certaines de ses dispositions demandent une réforme institutionnelle qui serait impossible sans un redécoupage », ajoute Samaké. En outre, selon lui, les concertations régionales, annoncées du 13 au 17 de ce mois, ne suffiront pas pour aplanir tous les angles. « Il n’est pas possible d’épuiser en cinq jours tous les contours de la question, d’autant que la fuite de l’avant-projet compliquera davantage les négociations ». Jugeant que l’inclusivité est une nécessité démocratique, le Dr Badiè Hima, Directeur résident du National Democratic Institute (NDI Mali), se dit confiant en la capacité de la classe politique malienne et des acteurs de la société civile à trouver des solutions. « Le Mali a la meilleure expérience de la décentralisation. Il a culturellement et politiquement les ressources et les ressorts pour trouver des solutions consensuelles, qui doivent toujours être la résultante d’un débat public large », assure-t-il.

Paul Ismaël Boro : « Se rassembler pour faire face aux maux du pays »

Le Front pour la sauvegarde de la démocratie (FSD) a été lancé le 6 octobre pour mettre fin aux dérives du régime d’IBK selon le manifeste de cette nouvelle coalition. Paul Ismaël Boro, qui a lu la déclaration liminaire de ce front qui doit encore trouver sa structure et son organisation, a répondu aux questions de Journal du Mali.

Comment en êtes-vous arrivés à mettre en place ce front ?

Avec tous les maux que connait le pays, il nous fallait impérativement nous rassembler pour y faire face. Il est vrai que nous étions dans la dynamique de remettre le candidat Soumaïla Cissé, dans ses droits, mais nous nous sommes dits que nous devions aller plus loin. Nous ne pouvons pas que revendiquer pour Soumaïla, nous ne pouvons non plus rester indifférents aux problèmes que connaît notre pays. Pour ne pas que ces problèmes deviennent des obstacles à notre démocratie, des personnalités et des Maliens lambda se sont mis ensemble pour sauvegarder cette démocratie.

Vous abandonnez le combat pour Soumaïla Cissé au profit de nouveaux objectifs ?

Dans notre manifeste, nous avons un passage qui évoque les fraudes enregistrées lors des élections. Laisser le combat pour Soumaïla au profit d’autres combats, j’y réponds non. Nous étions avec Soumaïla Cissé au second tour. D’autres tels qu’Oumar Mariko et Housseini Amion Guindo ne l’ont pas soutenus mais sont dans le FSD. Les magistrats qui sont engagés dans un bras-de-fer avec le gouvernement peuvent aussi se retrouver dans le front. Il faut nous mettre ensemble pour défendre tous ceux qui peuvent mettre en péril les valeurs de notre pays.

Tous les leaders d’opinion n’ont pas adhéré au front. Des consultations sont-elles prévues?

Nous avions les représentants du chérif de Nioro et de Mahmoud Dicko au lancement. Moi-même j’ai été directeur de campagne de Modibo Koné lors de la présidentielle, mais je ne peux engager le Mouvement Mali Kanu sans son accord. Nous avons Tiebilé Dramé et Soumaïla Cissé. Ce qui est compliqué c’est d’amorcer le départ. Après, pour ceux qui ne sont pas au parfum, nous nous organisons afin de faire comprendre aux uns et aux autres que nous ne pouvons faire le Mali seuls. Ceux qui doivent être contactés le seront, et ce travail est déjà en cours.

Comment comptez-vous mener la lutte ?

Je ne sais pas pour le moment. Nous avons un siège, c’est celui qui servait de cadre à Soumaïla Cissé durant la présidentielle. Nous voulons nous retrouver dans la semaine afin de tout finaliser, et de commencer le travail au plus vite.

Élections 2018 : La société civile dans l’arène politique

 

 

A l’aube des scrutins de 2018, c’est à un véritable essor de mouvements de la société civile que l’on assiste. Leurs initiateurs souhaitent influencer les prochaines échéances. Déclarations, prises de position et évènements s’organisent, sur un air de précampagne…

Mais ce ne sont pas tant ces positions et ambitions affirmées qui attirent l’attention. En politique en général, et dans le contexte malien en particulier, chaque échéance électorale voit à la fois un renouvellement et une continuité de son échiquier politique, avec l’arrivée de nouvelles têtes, de bonne ou de mauvaise foi.

La singularité,  aujourd’hui, réside dans la forme adoptée. La communication donne l’impression qu’une véritable guerre de stratégies électorales a lieu dorénavant sur la scène politique, afin de mettre fin aux méthodes traditionnelles, pour ne pas dire pernicieuses.

Est d’abord prôné l’amour de la Patrie, comme le fait « Mali Kanu », avec pour tête de file l’expert-banquier Modibo Koné, ex PDG de la CMDT (Décembre 2015 – Octobre 2016), qui affirme vouloir mener une véritable refonte de la politique agricole du pays. Toutefois, ce potentiel candidat de 59 ans, cadre de la BOAD, qui n’est pas encore fixé sur la recevabilité de son dossier de candidature, ne semble pas véritablement innover sur l’arène politique.

Responsabiliser les citoyens

Certains mouvements font un choix complètement différent de ceux qui proposent d’ores et déjà des candidats – messies. Aujourd’hui, ils exhortent d’abord leurs adhérents à être individuellement le dirigeant qu’ils souhaitent avoir. Un nivellement par le bas, par l’éducation civique, consistant à « donner pour recevoir ».

C’est ce que prône le mouvement « Wele wele » de Mohamed Salia Touré et Alioune Ifrane N’Diaye, lancé le samedi 21 Octobre 2017 après des formations intercommunales en éducation civique, à Faladié Sema. Ces deux acteurs de la société civile malienne prônent ainsi la définition selon laquelle la noblesse de la politique c’est d’essayer d’améliorer le fonctionnement de la société sans se contenter de s’indigner. Le but, selon Mohamed Salia Touré, étant de « passer d’un cercle vicieux à un cercle vertueux ».

Les adhérents au cœur du choix..

La troisième singularité de ces mouvements, à l’instar de « Mali kanu », est que leurs initiateurs  affirment ne pas encore avoir effectué le choix définitif de leur potentiel futur candidat. Choix qui sera fait par les adhérents eux-mêmes après concertations, et fidèle à un « portrait-robot », selon l’activiste Ras-Bath de « Alternance 2018 ». Ces nouveaux profils différents, qui laissent présager d’un changement  dans l’arène politique, passeront-il du côté obscur de la force ?

 

Mise en œuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation au Mali : La société civile se veut une sentinelle

Le mouvement patriote pour le Mali (MPM) qui regroupe plusieurs organisations de la société civile ont mis en place un comité de veille et d’alerte pour la mise en œuvre de l’Accord paix.

Cette rencontre, en cours à la maison des aînés pour l’élaboration des activités d’observation, se veut une de veille d’alerte des outils de l’accord. C’était à la faveur d’un atelier organisé par la mouvement patriotique pour le Mali et financé par le National Democratic Institute (NDI).

Selon le représentant du NDI, son organisation a joué pleinement sa participation dans la mise en œuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger, et permettra aux acteurs de la société civile de ne pas se sentir exclus du processus.

Le mouvement patriote pour le Mali (MPM), par la voix de son président Ahmed Mohamed Ag Hamani, ancien premier ministre, a déclaré qu’il s’agit à renforcer les capacités des acteurs de la société civile afin qu’ils soient à même d’interpeller les parties censées mettre en œuvre l’Accord pour éviter toute dérive. La participation de la société civile est même encouragée par l’Accord dans son articles 51 qui indique que : « les parties demandent à la classe politique ainsi qu’à la société civile, notamment les organisations de femmes et de jeunes, les medias, communicateurs, traditionnels et les autorités traditionnelles et religieuses d’apporter leur plein concours à la réalisation des objectifs de l’accord».

Cette initiative de la société civile pourrait éviter tout blocage dans la mise en œuvre de l’Accord qui a pris un certain retard.

Mise en œuvre de l’accord : les organisations de la société civile vers un cadre unitaire

La société civile au Mali s’inscrit dans un cadre unitaire pour parler de la même voix dans le cadre de la mise en œuvre de l’accord de paix.

L’accord pour la paix et la réconciliation a été signé les 15 mai et 20 juin 2016 à Bamako, à l’issue d’un long et laborieux processus, sous le leadership politique de l’Algérie rejoint par tous les pays voisins du Mali, les organisations africaines, les Nations unies, la France et l’Union Européenne. Au Mali cet accord divise classe politique et société civile qui ne parviennent pas à s’accorder sur cet accord. C’est pour que la société civile s’exprime d’une seule voix qu’un forum a été initié.

Selon, l’article 51 de l’Accord,  « les parties demandent à la classe politique, ainsi qu’à la société civile, notamment les organisations de femmes et de jeunes, les medias, les communicateurs traditionnels et les autorités religieuses et coutumières, d’apporter leur plein concours à la réalisation des objectifs de l’Accord ».

C’est dans cet esprit que le mouvement patriotique pour le Mali (MPM), Global Mali 2025, la Plateforme et les leaders Kel Tamasheq pour l’unité nationale du Mali, la fondation Balanzan pour la gouvernance et la stabilité, le réseau Handi actions développement et perspectives et les organisations de la société civile, ont organisé les 13 et 14 mai dernier un Forum au CICB en vue de partager et d’échanger sur la contribution de la société civile à la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger.

A la suite des travaux de ce forum, l’une des fortes recommandations est que les organisations de la société civile parlent d’une seule voix, en mettant en place un seul organe répondant au nom de toutes les organisations de la société civile du Mali.

Selon le président du forum des organisations de la société civile, Ahmed Mohamed Ag Hamani, il s’agit de réfléchir de manière plus approfondie à l’organisation et au fonctionnement d’un mécanisme de la société civile. Il ajoute que cette réflexion peut prendre la forme d’un observatoire de veille et d’alerte pour permettre à celle-ci de disposer d’un organe fédérateur qui serait l’interlocuteur de tous les partenaires de la société civile . « Nous voulons créer une synergie des efforts pour rehausser la contribution de la société civile malienne dans la mise en œuvre de l’accord pour la paix », a déclaré Ahmed Mohamed Ag Hamani président du forum des organisations de la société civile, lors d’une conférence de presse, mercredi dernier à l’hôtel Salam.

Signalons que certaines organisations de la société civile malienne ne se reconnaissent pas dans ce forum pour raison d’exclusion ou de marginalisation. Il faut souligner l’appui de l’USAID à travers le NDI pour l’organisation de ce forum.