La pauvritude

Elle n’est pas une pensée philosophique.

La pauvritude n’est pas un courant littéraire.

La pauvritude est un constat, le constat d’une attitude, d’un comportement.

Frappé dans son esprit par les colonisations, arabe et occidentale, l’Homme africain au sud du Sahara a perdu conscience de lui-même. N’ayant plus confiance en son savoir-être et son savoir-faire avant le contact avec l’envahisseur, il s’est enrichi de la culture du maître pour devenir pauvre de sa propre culture.

Au Mali, la pauvritude est une brume opaque qui couvre tous les aspects de la vie jusqu’à nous faire perdre le comment dénommer les jours du bout de bois : Dogo-kun, le grand jour du marché, la fête foraine ou foire hebdomadaire.

Le Mali est un pays de culture disent les intellectuels qui, malheureusement, sont les pires freins au rayonnement culturel du pays parce que ce qui se dit et se fait au nom du plus grand nombre est exprimé dans une langue inaccessible à tous.

La culture est cependant politique et économique. En définissant la politique comme l’expression de l’économie d’un pays, il faut noter que l’économie se conçoit à partir d’une culture donnée. C’est la mise en œuvre d’une certaine idéologie. Ainsi, la colonisation est-elle la traduction d’une vision donnée du monde d’un peuple. C’est pourquoi elle a imposé une nouvelle culture aux nouveaux États afin de pouvoir asseoir un modèle économique et social nouveau ne répondant aucunement à la culture des sociétés concernées. Une culture artificielle étant à la base des économies des pays en développement, l’échec des politiques africaines en est la conséquence finale. Le toit d’une case ne saurait couvrir une autre case pour laquelle il n’a pas été construit.

Au Mali, la culture s’exprime dans l’esprit de nos « intellectuels » par le « Don ni tekere », le folklore. Afin de promouvoir la culture dans ce pays où on confond aisément la culture arabe avec la religion qu’est l’islam, il faut en premier lieu travailler à la reconversion des mentalités, la prise de conscience des valeurs traditionnelles maliennes dans les différents domaines de la vie. Il s’agit de joindre le moderne au traditionnel. Il apparait incontournable de militer également pour l’allocation d’un budget conséquent au département de la culture. Pour compléter le tableau : la mise en valeur des différents lieux de mémoire du Sud et du Centre afin d’en faire des destinations touristiques, la nomination de vrais conseillers culturels dans les représentations diplomatiques du Mali aux fins d’organiser des activités autour de la culture malienne : cinéma, théâtre, art culinaire, parure, mariage, etc. ; et enfin la règlementation de la pléthore de festivals à travers le pays, dont la plupart ne sont porteurs d’aucun projet de développement économique pour la localité qui les abrite.

Ces cinq travaux d’hercule pourront contribuer, je l’espère, au rayonnement culturel du Mali pour son développement économique.

 

Le salut dans le patriotisme

Quand les loups se mettent ensemble pour chasser la hyène d’une charogne, il n’est pas surprenant de les voir s’entre-déchirer ensuite pour avoir la part belle ! Ce tableau nous renvoie à la crise qui secoue le football malien depuis le 10 janvier 2015 et qui a connu une évolution (dissolution du Comité exécutif de la FEMAFOOT le 8 mars 2017) dont on aurait pu se passer si, dans les deux camps, la bonne foi était la chose la mieux partagée. Et surtout si les protagonistes se battaient réellement pour le développement du sport roi au Mali.

La crise du football n’est pas liée aux textes qui régissent notre football car nous avons toutes les raisons de croire que cette discipline est régie dans notre pays par l’un des meilleurs textes au niveau de la FIFA. C’est plutôt une crise d’ego et d’intérêts personnels. C’est ce qui s’est passé au sein de l’Alliance contre nature « Tout sauf Kola » (Hamadoun Kolado Cissé, décédé le 27 juillet 2015 après avoir dirigé la FEMAFOOT de 2009-2013), qui a hissé Boubacar Baba Diarra à la tête de la Fédération le 6 octobre 2013 à Sévaré.

Des intérêts ? Ces responsables sont pourtant sensés être des bénévoles ! Se limiter à cela, c’est ignorer ou faire fi des enjeux financiers de la gestion du football aujourd’hui. Malgré le fait que les Aigles aient été éliminés au premier tour de la CAN Gabon 2017, la CAF a versé à la fédération près de 360 millions de francs CFA de dividendes sur les droits de télévision, le sponsoring, etc. Une manne financière normalement destinée au développement du football et que la Fédération gère sans rendre compte à qui que ce soit. Ainsi, des centaines de millions de francs CFA tombent régulièrement dans les caisses des fédérations après chaque grande compétition et se volatilisent sans que personne ne sache comment ils ont été dépensés. Pourtant, en Afrique, c’est l’État qui finance le sport, notamment le football. Au Mali, le Trésor public paye les salaires de l’encadrement technique, la préparation et la participation aux compétitions. Même les tickets de métro des joueurs pour venir au regroupement à partir des gares de Paris. Mais il est écarté de la gestion des retombées financières.

Déjà divisés par la mise en place des commissions du Comité exécutif, la rupture a été consommée entre les Alliés de Sévaré à l’issue d’une rencontre (2014) entre les clubs de première division et le président de la FEMAFOOT qui leur a déclaré que la fédération est endettée à hauteur de 300 millions de francs CFA. Une situation incroyable pour le président du CS Dougouwolonfila (CSD), Gaoussou M’Pa Sylla, qui accusa le président de mauvaise gestion et de détournements. Et cela d’autant plus que le nouveau bureau héritait, quelques mois plus tôt, d’une fédération jouissant d’une très bonne santé financière. L’intransigeance des frondeurs et la volonté du président de FEMAFFOT de renvoyer au vestiaire tous ses adversaires nous ont conduits à ce chaos.

Quelle est la solution ? Le meilleur moyen de mettre une discipline à l’abri d’une crise comme celle vécue par le football malien, c’est le respect du mandat. Un principe sacré pour l’olympisme. Ce qui, statutairement, fait de l’Assemblée générale le lieu le mieux indiqué pour débattre de toutes les questions et des décisions idoines à prendre. La réponse fait alors appel au sens du patriotisme et de la responsabilité. Il faut alors que les protagonistes surmontent rapidement leur ego et surtout sacrifient leurs intérêts pour s’asseoir et décider de la levée de toutes les sanctions contre tous les dirigeants et la mise en place d’une commission d’organisation indépendante de l’Assemblée générale élective d’octobre prochain.

Après ce protocole d’accord, le ministère des Sports pourra abroger la décision de suspension du CE de la FEMAFOOT entraînant du coup la levée de la suspension de la FIFA. Utopie ?

 

 

Réformer pour l’emploi des jeunes

La question de l’emploi en général, et précisément celle des jeunes, s’est toujours posée avec la même acuité depuis des années, et ce, aussi bien au Mali que dans d’autres pays du monde. Pour le cas précis du Mali, le problème s’est intensifié à la faveur de la crise multidimensionnelle que le pays a connue. C’est pourquoi, chaque année près de 200 000 nouveaux jeunes arrivent sur le marché de l’emploi, dont l’écrasante majorité est en milieu rural et ne dispose pas de qualification. Face à ce phénomène, sachant que la solution ne peut venir que d’une réflexion bien mûrie de la part des experts, nous avons proposé des pistes de solutions. Nous estimons que le département de « l’emploi » doit être positionné de façon transversale, c’est-à-dire, être rattaché soit à la Présidence soit à la Primature ou à défaut à l’Économie pour lui permettre d’agir sur tous les segments de l’économie.

L’organisation des concertations locales, régionales et nationales sur l’emploi est nécessaire compte tenu du fait que les réalités de l’emploi changent d’une localité à une autre, suivi d’un forum annuel pour capitaliser les bonnes pratiques. Les autorités devraient procéder à un recensement de l’ensemble des demandeurs d’emplois et à la mise en place d’un système de suivi de leur insertion. Il nous paraît aussi important d’instituer une journée nationale de lutte contre le chômage pour marquer la solidarité avec les demandeurs d’emploi.

Dans le même ordre d’idées, l’institution des concepts « opération coup de poing pour le chômage KO » et « clinique emploi » pour marquer la volonté hautement politique pour juguler le phénomène. Il est important aussi de positionner l’entrepreneuriat comme un véritable outil de création massive d’emplois, à travers la création d’un ministère dédié à cet effet et l’enseignement du module dans les établissements d’enseignement professionnel et supérieur. Pour ce faire, les concours de projet peuvent continuer à être organisés, mais il faut penser à le faire par catégorie, c’est-à-dire entre femmes, jeunes en situation de handicap, jeunes diplômés, jeunes ruraux, etc. Enfin, il faut communiquer sur les grandes réformes à opérer compte tenu du fait que les outils actuels de promotion ont montré leurs limites.

 

Des déclarations d’intention aux actes concrets !

La société malienne est une société fortement patriarcale dans laquelle l’autorité politique, économique et religieuse est détenue par les hommes. En général dans les traditions de la société malienne, l’exercice du pouvoir est une question d’homme, le débat et la prise de décision par rapport à la vie de la cité y compris celles affectant la vie des femmes et filles a lieu dans le vestibule du chef, ou sous l’arbre à palabres (sans les femmes bien sûr), alors que dans la constitution malienne il n’existe pas de discrimination basée sur le sexe. Les droits des femmes et filles sont reconnues et protégés par plusieurs instruments juridiques.

Malgré l’existence de ces textes, des programmes et politiques sur le genre, il existe encore des discriminations fondées sur le sexe.

En 2002, le ministère de la Promotion de la Femme, de l’Enfant et de la Famille a commandité une étude sur les violences faites aux femmes. Cette étude a identifié une vingtaine de formes de violences : les injures, les coups et blessures, le gavage des jeunes filles en vue du mariage précoce, les viols, les sévices et excès sexuels au sein du couple, l’excision, le harcèlement sexuel, la répudiation, le lévirat et ou le sororat, les mariages forcés ou précoces, le rapt de femmes, etc. L’étude a conclu que toutes les femmes maliennes sont victimes d’au moins une de ces formes de violence identifiées. La situation n’a pas beaucoup évoluée depuis. Or, pour que les femmes puissent s’épanouir, elles ont besoin de jouir de l’ensemble de leurs droits humains et de vivre dans la dignité.

Nous avons aujourd’hui besoin de changement à tous les niveaux pour que l’émancipation des femmes soit une réalité au Mali. Ce changement est social, mais aussi institutionnel.

La société pourrait se montrer réticente car ces changements viennent bouleverser leur quotidien, les habitudes, les croyances. Il faut les convaincre du bien fondé d’un tel processus qui permettra non seulement aux femmes de s’épanouir, mais à la société elle-même d’en tirer partie.

Il faut que les femmes soient des partenaires égales, libres de réaliser leur plein potentiel. L’émancipation sociale, politique, économique de la femme est essentielle à l’essor de la démocratie et au développement durable des nations. Le renforcement des institutions démocratiques est impossible si la couche la plus signifiante de la population est marginalisée et privée de toute participation.

Les autorités doivent s’assumer et passer aux actes concrets en commençant par rendre conforme les textes et pratiques du Mali à ses engagements régionaux et internationaux et ainsi changer les lois discriminatoires et initier des politiques qui encouragent et facilite l’émancipation des femmes. Au niveau communautaire, il faut renforcer le dialogue sur les droits de la femme pour susciter une prise de conscience. Il est également nécessaire d’œuvrer pour la scolarisation et le maintien des filles à l’école et vulgariser les textes relatifs aux droits de la femme.

 

Les valeurs à l’école pour une école de valeur

Les politiques publiques au Mali traduisent la volonté des plus hautes autorités de dispenser une éducation de masse et de qualité afin de transformer le jeune enfant malien en adulte conscient et motivé en faveur du développement social et économique du pays. Malgré cette volonté politique, le secteur est en proie à des difficultés structurelles. Pour offrir une éducation inclusive, équitable et de qualité pour tous les enfants du Mali, il n’y a pas mille solutions.

D’abord, il faut travailler sur les déterminants de la qualité, à savoir : les infrastructures, les enseignants et les manuels. Des infrastructures adaptées en nombre suffisant pour accueillir le nombre sans cesse croissant d’enfants en âge de scolarisation devrait être la première priorité. La mise à disposition d’enseignants bien formés et motivés devrait être une autre priorité. La dotation des enseignants et apprenants en manuels adaptés aux objectifs de scolarisation, à l’orientation politique du pays, au contexte mondial marqué par son corollaire de compétition et la nécessaire ouverture au monde.

Ensuite, il faudra veiller à ce que les ressources soient transformées en résultats. Les efforts publics en termes de construction de salles de classe n’auraient aucun sens tant que l’on ne se réfère pas à la démographie et aux statistiques scolaires des différentes circonscriptions. Autrement, on ferait des éléphants blancs. Dans un souci d’efficacité, le mécanisme de formation initiale et continue des enseignants devrait s’appuyer sur les technologies de l’information et de la communication. Il y a aussi un impératif dans la planification des sessions de formation continue : préserver le temps réel d’apprentissage. Le suivi des enseignements devrait aussi être de mise à tous les niveaux : central, déconcentré, opérationnel. Les ressources destinées à l’alimentation scolaire, à l’entretien courant des écoles, à l’acquisition de matériels didactiques devraient connaître une gestion rigoureuse, conformément aux dispositions réglementaires en la matière, et non être à la discrétion des élus locaux qui se livrent à un usage détourné.

Enfin, il faut s’appuyer sur une vision et des valeurs. Quel est le type de citoyen que nous voulons former pour le Mali de nos rêves ? Quels sont les principes et les valeurs qu’il faudrait lui inculquer à cet effet ? Déjà, il faut sortir du passéisme béat qui ne profite malheureusement pas aux générations actuelles. Il faut une vision qui ferait de notre école un lieu d’acquisition de savoirs théoriques, de savoirs pratiques et de savoirs procéduraux ; un lieu d’acquisition de valeurs comme le respect de soi, des autres, du bien public. Sans ces principes, nous continuerons malheureusement à former des jeunes qui ne se préoccuperont pas de l’intérêt général, mais plutôt des hommes et des femmes qui détourneront sans scrupules les maigres ressources destinées au bien-être de tous.

En somme, les problèmes de l’école malienne ne sont pas insolubles. Bien au contraire ! Il faut juste se convaincre et accepter que les enfants qui y vont devront acquérir des connaissances nouvelles, des compétences et des comportements au service du Mali. Mission possible !

 

 

Corruption : un combat multidimensionnel

« Ceux qui ont le privilège de savoir ont le devoir d’agir » (Albert Einstein). La lutte contre la corruption se situe à la connexion de ce privilège de savoir que « l’argent public est au cœur de l’État de droit et de la démocratie », et du devoir d’agir pour que cela soit.

« La corruption est une triste et dure réalité qui sévit au Mali. Elle est endémique et systémique sans autant être une fatalité. Elle découle de la cupidité d’une minorité d’hommes qui profitent de leur situation sociale et/ou administrative pour abuser des finances de l’État », déclarait devant la 2è réunion du groupe de suivi international des donateurs du 15 mai 2013 à Bruxelles, le ministre de la Défense de l’époque.

Jamais l’attelage justice, médias, citoyens, partenaires conscients de leurs droits et devoirs, n’a été placé au cœur de la lutte, demeurée le domaine exclusif du pouvoir exécutif, alors qu’elle devrait concentrer en priorité les efforts sur trois domaines : les citoyens et partenaires en agissant pour demander des comptes, en travaillant avec les partenaires et les dirigeants, en protégeant les activistes, la prévention, l’application des lois et la justice en promouvant la prévention et l’application des normes anti-corruption, en exigeant la justice pour mettre fin à l’impunité, un mouvement fort en partageant des connaissances, en donnant l’exemple, en améliorant la présence stratégique.

Pour s’y frotter, il faut un réarmement civique, politique, et patriotique, prenant en compte, et en charge, le lien de causalité existant entre le déficit de transparence et le manque d’accès à l’information, les situations de conflits d’intérêt des agents publics et la corruption pouvant en résulter, et la formulation de mesures et d’outils de politique pouvant concourir à davantage d’intégrité et de transparence par un meilleur accès du public à l’information.

L’adoption du « Document Cadre de Politique Nationale de Transparence au Mali » qui définit et propose un cadre référentiel dans lequel s’inscriront et convergeront toutes les initiatives du gouvernement constitue une avancée certaine. Mais, il faut plus. Avons-nous hérité de nos ancêtres, des pères fondateurs de la République (res publica : la chose publique) du Mali, de nos parents le phénomène de la corruption, et de l’impunité comme nous les vivons, et les subissons aujourd’hui, avec le péril grandissant de compromettre pour toujours notre devenir commun ? Les institutions démocratiques et républicaines dont nous disposons sont-elles à la dimension d’inverser la situation, et de nous faire emprunter le chemin de la vertu ? Les processus et procédures qui définissent comment le pouvoir est conquis et exercé, sont-ils en phase avec la société réelle ?

Au demeurant, la lutte au Mali se doit d’être accompagnée par des démarches permettant d‘établir les bases pour construire un « arsenal » juridique et institutionnel innovant et performant fondé sur les dispositions de la Constitution, les institutions créées (contrôle général des services publics, inspections ministérielles, cellule d’appui aux structures de contrôle de l’administration , Vérificateur général, pôles économiques … ), la Loi n° 2014-015 du 27 mai 2014 portant prévention et répression de l’enrichissement illicite…

Ce qui requiert l’apport  des médias et des journalistes d’investigation par le renforcement de leurs capacités de professionnels, de mise en pratique des compétences acquises, d’établissement d’un cadre d’échange entre les capacités des organisations de la société civile, politique et les médias, de conscientisation des responsables des médias sur le rôle de leur secteur dans la lutte contre la corruption.

C’est dire que pour lutter contre la corruption au Mali, comme l’argent public, il faut placer l’information, la communication, le plaidoyer, les séances de sensibilisation des citoyens sur les rapports de vérification et de contrôle, la transmission des valeurs, des principes et des règles du jeu de la bonne gouvernance, au cœur de la démocratie et de l’État de droit vers lesquels aspirent les populations, notamment laborieuses.

 

 

 

Comment faire face à la menace terroriste

La situation politique, sociale et sécuritaire du Mali n’est guère réjouissante. Les secteurs fondamentaux comme la santé et l’éducation connaissent des lacunes structurelles, la mise en œuvre de l’accord et la réelle sortie de crise avancent trop lentement, la jeunesse est en manque d’idéal et de perspectives professionnelles, chaque jour de nouvelles attaques dans le Nord, le Centre et parfois le Sud du pays font de nouvelles victimes militaires et civiles compromettant l’économie local. Malgré ces réalités, des solutions existent. À l’occasion du deuxième anniversaire de Journal du Mali l’hebdo, nous avons choisi de faire intervenir quelques « solutionneurs ». Ils sont chercheurs, militants associatifs, enseignants, journalistes, entrepreneurs et proposent leurs solutions pour faire émerger le Mali. Cette semaine, ce sont eux qui font l’Événement.

Depuis la signature de l’accord pour la paix en 2015, la situation sécuritaire au Mali reste toujours alarmante. Face à un déficit de réaction forte, les groupes terroristes se réorganisent au sein d’une nouvelle alliance Nusrat al-Islam Wal Muslimin. Aussi, au moment où de nombreux analystes pensent qu’ils sont acculés, Amadou Kouffa du Front pour la libération du Macina (région centre du Mali), l’Algérien Yeyia Abou Hamam d’Aqmi et Iyad Ag Ghaly, du groupe Ansar Dine, ont surpris dans une vidéo de propagande, début avril 2017, revendiquant des attaques contre l’armée malienne, le 29 mars (tuant deux gendarmes et un civil maliens) et du poste de Boulikessi, près de la frontière burkinabè, où 11 militaires maliens avaient été tués le 5 mars.

Face à la recrudescence des attaques au nord et au centre, certains Maliens n’hésitent plus à parler de négociation avec les terroristes. C’est aussi l’une des recommandations de la Conférence d’entente nationale. Pour autant, l’idée n’est pas nouvelle, comme l’avait préconisé l’opposition malienne (à travers Tiébilé Dramé du PARENA), il y a deux ans. Comme en Afghanistan, si la perspective d’une discussion avec les terroristes se dessine, alors, il est préférable quelle ait lieu avec des djihadistes moins radicalisés. Pour autant, la France s’y oppose, comme l’avait notifié le ministre des Affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault. Celui-ci refuse tout dialogue avec Iyad Ag Ghaly et Amadou Kouffa. Pris en tenaille entre la volonté française et le souhait de la Conférence d’entente nationale d’établir un dialogue, le président malien préfère jouer la carte de la prudence, car sans Barkhane et la France, plus de la moitié de son territoire échapperait à son contrôle. Cependant, si le redéploiement des forces de Barkhane s’opère de plus en plus à l’intérieur des terres, vers  le centre (Douentza), force est de reconnaître que cette opération a montré ses limites au Sahel et au Sahara. La menace terroriste s’étant élargie chez les voisins (Burkina Faso, Niger, Tchad), les terroristes et leurs chefs se jouent de la porosité des frontières sans se faire repérer.

Au-delà du débat sur le retour définitif de la paix et de la polémique sur le statut de l’Azawad, il est aujourd’hui nécessaire de procéder à plusieurs actes sans lesquels la situation durera quelques années. Le premier serait de désarmer tous les groupes signataires de l’accord pour la paix avec le soutien de la communauté internationale. Ces groupes ne participeront pas aux patrouilles mixtes sans une véritable formation, car seul l’État doit avoir le monopole de la violence. Le deuxième axe d’actions est la révision du mandat de la MINUSMA, dotant les forces de l’ONU des outils capables de lancer des opérations, au lieu de subir les groupes armés. Ensuite, renforcer le contre-terrorisme par des initiatives judiciaires, régionales (comme la force du G5 Sahel, afin de combler le vide sécuritaire) et internationales (soutien des USA : installer Africom au Nord-Mali, pour des raisons géopolitiques et géostratégiques). Troisième axe : la transformation du MNLA en force politique et démocratique, comme en Colombie où les FARC (Forces armées révolutionnaires colombiennes) de tendance marxiste, ont accepté d’abandonner la lutte armée au profit du combat politique. Et enfin, organiser un référendum pour une nouvelle constitution, s’agissant de la gestion des territoires considérés comme étant ceux de « l’Azawad politique ».

Globalement, les Maliens ont besoin d’un État fort, juste et démocratique, doté de véritables institutions indépendantes, capables de leur apporter la fierté, l’honneur perdu et le sens des valeurs républicaines. À défaut, ils subiront le terrorisme et la pauvreté.

 

 

Crise malienne : Changeons de grille de lecture

La situation politique, sociale et sécuritaire du Mali n’est guère réjouissante. Les secteurs fondamentaux comme la santé et l’éducation connaissent des lacunes structurelles, la mise en œuvre de l’accord et la réelle sortie de crise avancent trop lentement, la jeunesse est en manque d’idéal et de perspectives professionnelles, chaque jour de nouvelles attaques dans le Nord, le Centre et parfois le Sud du pays font de nouvelles victimes militaires et civiles compromettant l’économie local. Malgré ces réalités, des solutions existent. À l’occasion du deuxième anniversaire de Journal du Mali l’hebdo, nous avons choisi de faire intervenir quelques « solutionneurs ». Ils sont chercheurs, militants associatifs, enseignants, journalistes, entrepreneurs et proposent leurs solutions pour faire émerger le Mali. Cette semaine, ce sont eux qui font l’Événement.

L’intervention militaire française de janvier 2013 imposa, en quelque sorte, une lecture de la crise malienne en mettant de l’avant les aspects dits « terroristes » et transfrontaliers des menaces sécuritaires pour la région du Sahel et au-delà. Bien que considérée comme un succès militaire à court terme, Serval et Barkhane n’ont jamais eu la prétention d’offrir une solution politique, seulement de mettre en place les conditions pour celle-ci. Autorisée en avril 2013, la MINUSMA s’est déployée pour appuyer le processus politique et effectuer des tâches timides d’ordre sécuritaire, tout en payant un lourd tribut dans les annales des opérations de maintien de paix. Toutefois, notamment avec la reconquête ratée de Kidal en 2014 par l’armée malienne, il est devenu clair pour tous les acteurs que la recherche de solutions passe par un engagement politique sur le long terme.

Depuis, le processus d’Alger s’est soldé par un compromis, l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale, signé par tous les acteurs « éligibles » il y a bientôt près de 24 mois, dont la mise en œuvre souffre de soubresauts fréquents consécutifs à des scissions dans les mouvements signataires et au développement du communautarisme armé.

Dans un tel contexte, interroger la pertinence de l’importance donnée à la lutte contre le terrorisme et les effets de cette grille de lecture sur les possibilités de résolution des conflits au Mali est plus que tentant.

Le regain actuel de la conflictualité dans les régions dites du Nord et du Centre du Mali est consubstantiel, d’abord, à la problématique de la capacité de l’État à investir valablement le territoire par un maillage administratif allié à l’existence et la disponibilité des offres de services sociaux de base ; ensuite, de la légitimité de l’autorité qui représente l’État et les populations et, enfin, de la moralité des systèmes de répartition et d’accès des ressources et des pouvoirs. Or, la seule lutte contre le terrorisme ne prend pas suffisamment en compte ces dynamiques locales, et pourrait même amplifier ces enjeux.

Pour une meilleure sortie de la crise, les divers intervenants doivent prendre en considération les dynamiques politiques locales, à savoir le poids des tensions locales, notamment celles issues des tensions inter ethniques et intra ethniques, qui tournent autour de l’accès aux ressources, qui sont en partie « embrayées » précisément par le jeu identitaire. De nombreux cadets sociaux sont totalement ou partiellement exclus de l’accès aux ressources, ou encore de postes électifs locaux et nationaux, et de positions de leadership politique et/ou religieux, en raison de leur appartenance aux groupes statutaires des « anciens esclaves » ou d’autres catégories subalternes (certains groupes sociaux, les gens des castes, les femmes, les jeunes).

Il importe donc de comprendre les enjeux politiques locaux, notamment les dynamiques d’inégalités et les mécanismes d’inclusion et d’exclusion, que ce soit au niveau des institutions officielles ou des institutions informelles (autorités politiques, religieuses et traditionnelles). Paradoxalement, ces autorités locales sont, à la fois, contestées et incontournables et il serait hasardeux de se limiter aux seuls officiels. Elles peuvent être elles aussi (re)productrices de relations très inégales au sein des communautés. Un effort de représentativité requiert donc que soient aussi inclus dans toute action locale, des citoyens issus de catégories sociales marginalisées par les systèmes politiques, les arrangements socioculturels.

Tous les intervenants doivent donc chercher à bien comprendre la société malienne en lieu et place de raccourcis analytiques pour aborder ce pays, de même que des Maliens qui puisent à leur tour dans un répertoire de stéréotypes lorsqu’ils se représentent les autres régions et groupes ethnoculturels du pays. La méconnaissance de l’Autre constitue un problème réel. La construction d’un vivre-ensemble requiert donc que l’on brise les murs d’incompréhension, et qu’on use du canapé du psychologue pour apaiser les « mémoires douloureuses » en phase de transmission : la voie royale, me semble, pour déconstruire les préjugés sur l’Autre est une étape importante vers la sortie de crise.