Mali: l’enquête sur l’assassinat des journalistes de RFI n’avance pas

C’’est le constat de Suliman Baldo, l’expert indépendant des Nations unies chargé des droits de l’homme. Exemple de cette impuissance : l’enquête sur l’assassinat de Ghislaine Dupont et Claude Verlon. Il y a quatre mois, le 2 novembre dernier, les envoyés spéciaux de RFI au Mali, Ghislaine Dupont et Claude Verlon, ont été assassinés aprés avoir été enlevés à  Kidal en plein jour par des hommes armés et cagoulés. Les assassins sont toujours dans la nature. Une enquête a été ouverte à  Bamako et à  Paris, mais jusque là , elle a bien du mal à  avancer. A Bamako, l’enquête sur l’assassinat de Claude Verlon et Ghislaine Dupont a été confiée à  un juge d’instruction, Mahamadou Kassogué, un homme à  la réputation de sérieux qui travaille déjà  sur des dossiers de jihadistes. Récemment, un mandat d’arrêt a été lancé contre le seul suspect identifié Baye ag Bakabo, le propriétaire du véhicule de l’enlèvement. l’homme est un trafiquant proche d’Ansar Dine, soupçonné de travailler pour l’islamiste Abdelkrim al-Targui. Raisons de sécurité Mais les magistrats maliens chargés du dossier sont pessimistes. « l’enquête n’avance pas », confie sous couvert d’anonymat un magistrat du parquet. Tout s’est joué à  Kidal et dans la région or, pour des raisons de sécurité, le juge ne peut pas se rendre sur place. Les auditions contenues dans le dossier malien ont été effectuées en présence des enquêteurs français. « Les gendarmes maliens ont interrogé les témoins dans le camp Serval mais les conditions n’étaient pas satisfaisantes », considère un autre magistrat malien : il faudrait que l’on reprenne tout en détail. Mais depuis plus rien n’a été fait. « Je crains malheureusement que la justice malienne ait du mal à  opérer les investigations utiles localement, commente Maà®tre Christophe Deltombe, l’avocat de la famille de Ghislaine Dupont. Kidal est peut-être encore en distance par rapport au pouvoir d’Etat malien et je me demande si la justice malienne a tous les moyens pour pouvoir mener sereinement des investigations, voire même les mener tout court ». De nombreuses zones d’ombre Quant à  l’identité des assassins, il ne cache pas son inquiétude. Les zones d’ombre sur les circonstances et les mobiles de l’assassinat restent nombreuses. « Il y a au moins un homme qui a été reconnu, notamment par le chauffeur, un certain Baye ag Bakabo, confirme Christophe Deltombe. Pour les autres, on a commencé par nous annoncer qu’on avait repéré les quatre personnes, puis ensuite on nous a dit qu’on ne les avait pas repérées. Bref, on est un peu dans le flou. Il y a des interrogations à  la fois sur la manière dont cela s’est passé et sur les circonstances. Par exemple, on a parlé d’un hélicoptère, dans les débuts, de l’intervention de Serval, puis on en a plus parlé après. Quel est véritablement le but de ce rapt ? On en saura peut-être plus le jour o๠on pourra mettre la main sur les personnes qui ont procédé au rapt. Mais à  ce jour, on n’a arrêté personne ». Peut-on espérer voir un jour les assassins arrêtés ? Pour l’avocat, « cela va dépendre bien sûr de la volonté politique malienne, de la capacité de la justice malienne à  mener ses actions efficacement, des capacités de la police malienne à  agir. Donc ça dépend d’un contexte politique compliqué, et en même temps on est totalement dépendant du Mali ». Côté français, les familles, qui se sont portées parties civiles, attendent toujours la saisine d’un juge promis par le parquet antiterroriste de Paris. « Le parquet de Paris nous avait annoncé qu’il avait l’intention de saisir un juge fin janvier ou début février, mais à  ce jour, à  ma connaissance, aucun juge d’instruction n’est encore désigné ».

Mali: évaluation de la situation des droits de l’homme

Il a été mandaté par le Conseil des droits de l’homme des Nations unies pour examiner et faire un rapport sur la situation des droits de l’homme au Mali. Après avoir effectué sa première mission officielle du 21 octobre au 3 novembre 2013, l’expert indépendant est revenu au Mali o๠il a séjourné du 17 au 26 février 2014. Le but est de procéder à  une évaluation de la situation des droits de l’homme au Mali. M. Suliman Baldo a également examiné la situation politique et sécuritaire ainsi que les réformes institutionnelles entreprises au Mali depuis la sortie de crise. Il a donc présenté le rapport de sa première mission, et rencontré plusieurs personnalités civiles, politiques et militaires. Son rapport porte sur la période comprise entre le 1er juillet et le 30 décembre 2013. Son rapport est fondé sur des informations collectées auprès des autorités gouvernementales et religieuses, des institutions spécialisées du système des Nations Unies, des organisations non gouvernementales ainsi que des témoins et victimes des violations des droits de l’homme. « Bilan mitigé du gouvernement de transition » D’après les observations de l’expert, le gouvernement de transition a eu un « bilan mitigé et une attitude ambivalente dans le domaine de la lutte contre l’impunité. D’une part, il a saisi la Cour pénale internationale en vue de traduire devant la justice internationale, les auteurs présumés des crimes internationaux commis au nord. D’autre part, une décision du Conseil des ministres du 14 août 2013 va dans le sens contraire en procédant à  la nomination au grade de général de corps d’armée, à  titre exceptionnel, du capitaine Amadou Haya Sanogo, malgré les différents rapports faisant état de son implication dans des violations des droits de l’homme dans le pays ». Pour ce qui concerne l’annulation des mandats d’arrêt lancés contre certains chefs rebelles touaregs parmi lesquels quatre anciens membres du parlement affiliés au MNLA et au HCUA, l’expert « note avec préoccupation que cette disposition ouvre une brèche susceptible de consacrer l’impunité et de constituer une amnistie de fait pour actes, commis dans le nord du pays par les groupes armés, qui potentiellement peuvent être qualifiés de crimes internationaux ». Présentation du rapport détaillé le 26 mars prochain D’une manière générale, « le fonctionnement de la justice est confronté à  divers défis qui limitent ses capacités à  mener à  bien ses missions. Ces difficultés sont notamment l’insuffisance des ressources financières et matérielles, l’indépendance relative des acteurs du système judiciaire, la corruption, le coût élevé des frais de justice, l’éloignement des juridictions, le déficit de formation et le manque de formations s’agissant des droits de l’homme » poursuit le rapport. Les défis majeurs que le Mali devra relever en 2014, selon Suliman Baldo sont la consolidation de la sécurité au nord et le renforcement de l’ordre constitutionnel. « Le Mali devra renforcer aussi l’état de droit et la lutte contre l’impunité et faire des efforts importants pour réformer le secteur de la justice et de la sécurité. En créant la commission vérité, justice et réconciliation, le Mali s’est engagé sur la voie de la justice transitionnelle en cherchant à  obtenir justice, avec des réparations et des garanties de non répétition, pour les victimes des violations massives des droits de l’homme » indique-t-il. Un rapport détaillé sur les résultats de sa mission sera présenté au Conseil des droits de l’homme le 26 mars prochain.

Mali: l’ONU va examiner la situation des droits de l’homme

Cette mission est la première effectuée par un expert indépendant mandaté par le Conseil des droits de l’homme des Nations unies pour examiner et faire un rapport sur la situation des droits de l’homme au Mali. D’après le communiqué, il s’agira aussi d’identifier les domaines d’assistance techniques et de renforcement des capacités qui permettront au Mali de respecter ses obligations internationales de protection et de promotion des droits de l’homme. Plusieurs rencontres au programme Durant deux semaines, Suliman Baldo va rencontrer des membres du gouvernement, le président de la Commission dialogue et réconciliation, la Commission nationale des droits de l’homme, les autorités locales, les représentants de la société civile et du corps diplomatique. Il visitera aussi des centres de détention à  Bamako et dans d’autres localités du pays. A la fin de sa mission, il fera part de ses observations et recommandations préliminaires. En mars 2014, un rapport détaillé sur les résultats de sa mission sera présenté au Conseil des droits de l’homme.