US-Afrique: les temps forts d’un sommet avec Grant Harris de la NSC

Au cours d’un briefing, Grant Harris, de la Nacional Security Council, une institution américaine qui aborde les grandes questions de sécurité et de politique étrangère, a fait le point des grandes lignes du sommet US-Afrique tenu à  Washington les 5 et 6 Août et à  l’issue duquel, de nombreuses annonces ont été faà®tes pour renforcer le partenariat entre les USA et le continent africain. Objectif à  long terme : jeter les bases d’un développement harmonieux du continent. Entretien. Journaldumali.Com : Quelles ont été les grandes annonces faà®tes lors de ce sommet ? Grant Harris : La plupart des grandes annonces de sommet portent sur la sécurité alimentaire, le changement climatique, la santé mondiale, la résilience, mais aussi le renouvellement des termes de l’AGOA (l’African Growth opportunity Act). A travers l’Africa Business Forum, en partenariat avec le département du commerce et la Bloomberg Philanthropies, nous avons mis l’accent sur l’engagement croissant des entreprises américaines sur les marchés africains avec des volumes de plus en plus importants de transactions commerciales, et portant sur plusieurs milliards de dollars. Le gouvernement américain est déterminé à  accroà®tre l’investissement privé en Afrique. Plusieurs thèmes notamment la sécurité régionale ont aussi été discutés lors de ce sommet? Pendant le sommet, il y a eu trois discussions majeures tenues par les leaders africains, d’abord sur l’« Investissement sur les générations futures », une deuxième sur la santé mondiale, et comment contenir des épidémies comme la fièvre Ebola actuellement. Ces discussions ont aussi porté sur la sécurité alimentaire avec l’appui aux programmes nationaux des pays sur l’agriculture, de pair avec l’Union Africaine. Il ne faut pas oublier la grande session sur la paix et la sécurité régionale qui a mis en exergue les grandes menaces transnationales qui affectent la stabilité du continent. A ce sujet, le président Obama a réaffirmé l’engagement des Etats-Unis pour le programme des Peace-keepers(soldats de maintien de la paix) afin d’assurer un déploiement plus rapide sur les terrains de conflit et sauver le plus de vies possibles. Cela demande un effort plus grand mais aussi l’appui de donateurs. La « Security governance initiative » est aussi une nouveauté du président Obama, pour créer des institutions militaires et civiles plus fortes, de pair avec une collaboration plus accrue en termes de renseignements. Eco One, est une autre de ces initiatives au sein des économies africaines, pour lutter plus efficacement contre les menaces. On a beaucoup entendu le président Obama mentionner la bonne gouvernance J’aimerais à  ce sujet mentionnel le panel sur la gouvernance et la lutte contre la corruption, qui a débouché sur un engagement des Etats à  bannir ces pratiques anti-démocratiques, puisque ce sont des milliards de dollars qui sortent du continent, et pourraient permettre d’accélérer le développement à  plusieurs niveaux. Les Etats-Unis peuvent aujourd’hui être fiers d’avoir accompagné de nombreux pays africains sur la voie du développement à  travers des investissements majeurs et un agenda sur le long terme. Nous allons continuer à  honorer cet agenda, cette relation de longue durée, avec d’autres sommets, d’autres échanges et voyages et des forums réguliers. En termes de chiffres, il s’agit d’un engagement à  hauteur de 37 milliards de dollars, comme l’a annoncé le président Obama. 7 milliards seront consacrés aux exportations vers le continent. Les ONG américaines sont également mobilisées dans le développement du continent à  hauteur de 4 milliards de dollars sur les trois prochaines années. Mais il ne s’agit pas seulement d’une relation de gouvernement à  gouvernement, mais de liens profonds entre le peuple américain et les sociétés africaines, vers une croissance active et dynamique du continent. Quelles sont les mesures prises pour pousser les investisseurs américains vers le continent ? Il faut évidemment avoir un climat des affaires sain, un environnement o๠les investisseurs auront toutes les garanties de retour sur leurs investissements. Il faut donc entretenir environnement légal adéquat. Le problème majeur des économies africaines, en dépit du fait que beaucoup de pays aient assaini leur climat des affaires, reste la corruption rampante. Pas seulement en Afrique mais dans le monde entier. C’’est pourquoi les leaders africains ont pris l’engagement à  Washington de faire appel aux experts de la question, afin de se donner toutes les chances d’attirer l’investissement international. A propos de l’AGOA, les termes du contrat doivent être redéfinis. En quoi sera-t-il bénéfique aux petites et moyennes entreprises dans le futur ? Le président Obama encore une fois a réaffirmé l’engagement de son administration sur ce programme phare de la politique africaine. Nous travaillons d’ores et déjà  avec le congrès américain pour renouveler les termes de l’AGOA afin qu’il bénéficie à  davantage de pays africains. En effet, jusqu’ à  aujourd’hui, l’AGOA a aidé très peu de pays du continent et nous ne sommes pas encore satisfaits des volumes de transactions liés à  l’AGOA. Cela passe pour nous par la création de centres de commerces et d’investissements sur le continent, pour encourager l’utilisation de l’Agoa comme un instrument fort de l’économie et permettre aux exportateurs africains d’être plus compétitifs sur les marchés mondiaux. Cela concerne notamment les petites et moyennes entreprises tout comme, nous soutenons les femmes entrepreneurs pour les outiller en termes de business. La question du virus Ebola a dominé ce sommet ? Quel rôle joue le Centre pour le contrôle des maladies (CDC) ? Nous avons sur le continent près d’une quinzaine de centres de contrôle issus du CDC, et des experts sur le terrain, qui font remonter l’information en temps réel sur les épidémies. Nous venons tout juste d’envoyer une équipe spéciale, pour répondre à  l’urgence actuelle, comme vous le savez, en Sierra Léone et dans d’autres pays touchés par le virus, ainsi que du personnel médical pour répondre rapidement à  l’épidémie et la contenir le plus possible. Grâce à  des équipements, des mesures de prévention et bien sûr la sensibilisation sur les moyens de se protéger contre la contamination. Evidemment, cette crise est l’une des plus graves que le continent ait connu et nous avons par ailleurs fait appel à  nos partenaires européens et internationaux pour nous aider avec plus de moyens. La question a aussi été évoquée avec les présidents nigerian et sierra-léonais pour identifier leurs besoins et leur donner la bonne expertise pour contenir la maladie. Quant à  un traitement médical pour le virus Ebola, nous ne pouvons pas encore nous prononcer là -dessus. Sur la sécurité, comment pallier les menaces nombreuses au Sahel notamment ? Elles sont vastes et s’étendent sur une grande partie du continent. Il y a aujourd’hui Boko Haram, les Shebabs, les trafics de drogue, d’animaux sauvages. Je l’ai dit plutôt, nous avons formé plus de 250 000 soldats de maintien de la paix, et appuyé de nombreuses missions sur tout le continent. Mais plus important, les africains doivent développer le renseignement avec l’initiative Eco One. Nous aidons le gouvernement nigerian à  agir sur le terrain de Boko Haram, tout comme nous aidons aussi la France au Mali. Ce sont évidemment de gros challenges pour contrer la menace terroriste.

US Africa-Summit : Les femmes, un investissement pour la paix et la prospérité

Ce panel  » Investing in Women for peace and Security » était modéré par Samantha Power, ambassadrice des Etats Unis aux Nations Unies. Il a réuni le président malien Ibrahim Boubacar Keita, Nkosazana Dlamini Zuma, présidente de la commission de l’Union Africaine et Jim Yong Kim, le président de la Banque Mondiale. Le panel a d’abord été introduit par Mme Valérie Jarret, conseillère spéciale du président américain Barack Obama, qui a rappelé tout l’engagement de son gouvernement pour la cause des femmes : « Ce sommet mettra en relief l’importance des femmes dans toutes les sphères du développement. En assurant une éducation aux filles et dans les domaines comme la science, les technologies, l’ingénierie, les mathématiques nous les préparons à  occuper les futurs postes de demain. Nous pensons aussi qu’inclure les femmes à  une plus grande échelle dans le domaine de la sécurité, de la prévention des conflits et de la diplomatie est nécessaire. Mais aussi, investir sur la participation des femmes dans le monde politique comme candidates et électrices et je peux vous dire, que notre congrès ici aurait été bien plus efficace s’il y avait plus de femmes représentées. (Applaudissements). Ces objectifs font écho au « Partenariat d’égalité pour le futur », a poursuivi Valérie Jarrett, une initiative du président Obama, qui vise à  faire tomber les barrières faà®tes aux femmes et encourage les leaders du monde entier à  prendre des mesures dans ce sens. 24 pays ont déjà  signé ce partenariat dont 5 pays du continent africain, à  savoir la Sierra Léone, le Sénégal, le Bénin, le Maroc et la Tunisie et nous espérons que davantage de pays africains signeront ce partenariat pour le futur », a-t-elle rappelé. IBK encense les femmes Non sans humour, le président malien Ibrahim Boubacar Keita, qui s’est exprimé en anglais a rappelé à  l’assistance, les souffrances dont les femmes maliennes ont été victimes durant l’occupation de 2012 au Nord du Mali. « Viols, souffrances, les femmes ont subi beaucoup et d’ailleurs l’une des femmes maliennes, originaire de Gao, a été distinguée ici à  Washington en raison de son courage inouà¯. En ce temps là , porter un jean était puni, écouter de la musique, chanter, aimer même, étaient des crimes. On pouvait vous fouetter pour cela, et même vous lapider, enterré jusqu’au cou, en vous jetant des pierres jusqu’à  ce que mort s’en suive. Pendant cette période, les femmes se sont battues et ont mérité d’être louées ». « Je ne peux être ingrat envers elle, puisqu’elles ont soutenu ma candidature d’une manière extraordinaire, et parmi les 77% qui ont voté pour moi, je peux dire qu’il y avait au moins près de 45% des femmes », a confié Ibrahim Boubacar face à  son auditoire. « Durant toute ma vie politique, J’ai eu à  tâcher de les honorer. Les femmes demandent à  être considérées, et à  être traitées avec justice », a souligné le président IBK, qui a aussi cité le combat de la militante kenyane Wangari Maathai, récipiendaire du Prix Nobel de la Paix. Face à  Samantha Power, qui avait posé la question lors d’un séjour au Mali, le président malien a admis le fait que le gouvernement malien avait trop peu de femmes, et qu’un effort était à  faire dans ce sens. Il a cependant souligné que le portefeuille clé de l’économie était dévolu à  une femme. Et de citer l’exemple du Rwanda o๠la moitié du parlement est féminin. Le président a appelé les autres leaders à  faire de même en dépit du fait que les pesanteurs socio-culturelles freinent l’avancement des femmes. Notamment dans les partis politiques, o๠les femmes sont souvent marginalisées sur les listes électorales. A Washington, le président Keita a appelé à  un changement des mentalités, en raison du droit des femmes à  prétendre à  de meilleures positions. Pour lui, la micro-finance et les initiatives locales sont des outils majeurs pour aider la femme à  émerger et à  obtenir une capacité financière, pour s’occuper de la scolarisation de leurs filles notamment. Le président malien a aussi fait mention d’une loi adoptée la semaine dernière en conseil des ministres et qui encourage la promotion des femmes dans tous les domaines de nominations ou d’élections, pour pousser les partis politiques à  mieux considérer les femmes dans leurs stratégies de conquête du pouvoir. La présidente de la commission de l’Union Africaine, Mme Nkosazana Dlamini Zuma, a rappelé le rôle clé de l’éducation et de la scolarisation des filles, et le fait que cette éducation renforce et donne de l’espoir à  la famille, en dépit du poids des traditions.

Sommet YALI 2014 : pari sur les générations de demain

l’Afrique parie t-elle assez sur sa jeunesse ? Nos Etats donnent-ils toutes les opportunités et ressources pour permettre aux jeunes d’impulser un développement durable sur tout le continent ? Pour le savoir, prenez 500 jeunes leaders africains et réunissez-les autour d’un sommet unique à  Washington, capitale politique des Etats-Unis, cela vous donne un évènement d’une envergure exceptionnelle. Le YALI Summit ou « Young African Leadership Initiative » est un programme initié en 2010 à  Soweto par le président américain Barack Obama. Le défi était de faire venir des jeunes de tout le continent africain, en Amérique pour les outiller dans divers domaines d’activité et en faire les leaders de demain, les nouveaux entrepreneurs et success stories, mais aussi des membres actifs et influents de la société civile africaine. Ces heureux « fellows » passent ainsi six semaines aux Etats-Unis au sein de différentes universités pour apprendre puis transmettre leurs expériences. Ils participent durant leur séjour à  un sommet de trois jours à  Washington, avec une session spéciale dite « Town Hall » face au président américain Barack Obama. «Investing in the Next Génération », C’’est tout l’esprit de ce sommet 2014 qui se veut le moteur d’une jeunesse dynamique, motivée et créative et non plus assistée ou plainte. Pour le secrétaire d’Etat américain, John Kerry, qui a ouvert la session ce 28 juillet, à  l’Omni Shoreham Hôtel, «il ne s’agit plus de regarder le continent américain comme un continent de ressources, mais de l’envisager comme un continent d’opportunités et de talents ». Avec près de 65% de sa population qui est jeune, l’Afrique, a tout intérêt à  parier sur cette jeunesse pour impulser le changement tant prôné. Une vision que partage résolument Barack Obama qui s’est livré à  un exercice oral mémorable face aux 500 jeunes leaders. Le Mandela Washington fellowship En hommage au héros de la lutte anti-apartheid disparu le 5 décembre 2013, le YALI fellowship programme s’appellera désormais, le « Mandela Washington Fellowship ». C’’est l’annonce qu’a faite Barack Obama à  l’entame de ses propos. Car le programme porte en lui un esprit d’optimisme, de persévérance et de créativité. Mieux, ce seront près de 1000 jeunes africains qui seront sélectionnés pour participer au prochain YALI d’ici deux ans, promet Obama, qui s’apprête à  recevoir près d’une quarantaine de leaders et chefs d’Etats Africains début Août. Autant dire que l’Amérique a compris que l’Afrique était le continent de toutes les espérances. Agriculture, renforcement du secteur privé, entrepreneuriat des jeunes, impact des nouvelles technologies, bonne gouvernance politique, lutte contre la corruption, parité et bien sûr les grands défis liés à  la santé avec l’éradication de maladies comme le paludisme ou le SIDA ne sont pas en reste, autant de sujets abordés par les jeunes leaders africains face au président Obama. Et Obama d’évoquer l’exemple d’Abigail Muleya, cette jeune zimbabweenne qui a fait 18h de trajet en bus simplement pour participer à  une interview et faire partie du programme auquel près de 50000 jeunes Africains se sont inscrits. Bannir les pratiques néfastes « Vous ne pourrez jamais éliminer la corruption à  100% dans vos pays, mais la différence, C’’est qu’aux Etats-Unis la corruption est bien plus une aberration qu’une norme. Aux USA, les lois sont respectées à  95%, alors les jeunes leaders que vous êtes, doivent être plus conscients et responsables pour demain », a déclaré Obama en réponse à  certaines préoccupations. Tout il prône l’abandon définitif de pratiques traditionnelles telles que l’excision, jugée barbare et sans avenir. Pour Obama, en définitive, le problème des sociétés africaines réside dans les inégalités criardes de chance entre citoyens. ; « Si le minimum, lié à  l’éducation la santé, l’accès aux ressources n’est pas assuré à  tous, alors, il ne peut exister un sentiment de justice au sein de la société ». Orateur incroyable et visionnaire exceptionnel, Barack Obama a terminé la session en invitant les jeunes leaders à  se connaà®tre davantage entre eux et à  profiter de cette opportunité pour transformer le continent, et apporter le changement tant attendu en somme !