Islam : Une religion à différents courants

Alors que la charia a refait son apparition dans le Nord du Mali depuis 2012, les différents courants de l’Islam ne prônent pas tous une lecture rigoriste des textes du Coran.

« À l’époque du prophète Mohamed (PSL), il n’y avait qu’une seule dénomination, selon les termes du Coran. Nous étions tous des musulmans. Mais vu que les situations évoluent, c’est après le décès du prophète (PSL) qu’une mésentente s’est créée », explique Mahamadou Koné, docteur en droit musulman et chargé des relations extérieures à l’Union des jeunes musulmans du Mali (UJMMA). Une divergence née de la succession du prophète. À ce moment-là, pour une grande majorité de musulmans, Abou Bakr, l’un des fidèles compagnons du prophète, devait lui succéder. D’autres en revanche pensaient que ce droit devait revenir à un membre de sa famille, en l’occurrence son cousin et gendre Ali. Ceci a par la suite donné lieu à une scission et à la naissance des deux grands courants de l’Islam : le sunnisme et le chiisme. « Les 56 pays de l’organisation de la coopération islamique sont tous d’accord sur les principes de l’Islam. La pensée islamique diffère néanmoins en fonction de l’interprétation », précise Thierno Hady Thiam, prêcheur et érudit.

Pratiques divergentes Quelques différences notables se dégagent de la pratique chiite et sunnite. « Les chiites ne se lavent pas les pieds lors des ablutions comme nous le faisons. L’eau ne fait que les effleurer si je puis dire, et ils se prosternent sur une sorte de pierre pour ne pas le faire sur une peau d’animal ou du synthétique qu’ils jugent non conformes », détaille M. Koné. Le courant chiite majoritairement pratiqué en Iran (seulement 10 à 15% dans le monde), est porté au Mali par le prêcheur Chouala Baya Haïdara, mais est très minoritaire. Ces deux courants comprennent également des écoles de pensée. Quatre pour le sunnisme, et une pour le chiisme. « Les écoles hanafite, malikite, shafi’ite et hanbalite, du nom de leurs grands savants, sont celles qui servent de doctrine aux sunnites. Les chiites, eux, ont le djafariya », détaille Thiam. « Il n’est pas donné à tout le monde d’interpréter les textes coraniques, c’est pourquoi certains savants, dont la piété n’est pas à prouver, ont apporté leur interprétation du livre saint », ajoute-t-il. Le wahhabisme qui prend de plus en plus d’ampleur au Mali, est issu du hanbalisme et prône une lecture littérale et une application rigoriste des textes du Coran, comme c’est le cas en Arabie saoudite. Ses fidèles refusent plusieurs pratiques comme écouter de la musique ou se recueillir sur une tombe. « Ils (wahhabites) se font appeler des sunnites, or c’est notre courant à tous, et ils n’hésitent pas à nous traiter, nous les soufis (école malikite), de non musulmans », se désole Koné. Pourtant, le malikisme, qui prône un islam modéré, est dominant au Mali et n’a jamais demandé l’application de la charia. « Tout est une question de conviction. Personne ne représente l’Islam sur terre. Nous sommes des êtres humains avec nos forces et nos faiblesses », conclut l’érudit Thiam.