Formations musicales : Que sont-elles devenues ?

La décennie 70 fut l’apogée de plusieurs formations musicales. Très populaires, elles enflammaient les soirées et faisaient le bonheur des mélomanes.  Bien des années plus tard, le nom de ces groupes résonne encore, non sans une certaine pointe de nostalgie et d’amertume pour ceux ayant connu cet « âge d’or ».

C’est en 1969 que voient le jour deux orchestres mythiques, que l’on se plait souvent à comparer : le Rail Band et les Ambassadeurs. Porté par « The Voice » Salif Keita, le Rail Band égaye les soirées des amateurs, voyageurs et hommes d’affaires à la gare de Bamako. En 1973, Salif Keita rejoint l’orchestre concurrent, les Ambassadeurs du Motel. Le Guinéen Mory Kanté prend sa place. Les Ambassadeurs, orchestre privé d’une dizaine de membres dirigé par Kanté Manfila, devient l’autre figure de proue du « tradi-moderne » à la malienne. D’autres grands noms font sa notoriété, Idrissa Soumaoro, père du rappeur des Tata Pound Ramsès, Cheick Tidiane Seck « Black Buddha » ou encore Amadou Bagayoko, du mythique duo « Amadou et Mariam ». En 1978, le groupe s’installe à Abidjan, mais les fonctionnaires qui le composent restent au Mali. Par la suite, plusieurs entameront des carrières en solo, avec plus ou moins de succès. 46 ans après, le groupe s’est reformé pour une tournée européenne. Dans une interview au site Africavivre, Soumaoro motive cette initiative par le « plaisir de se retrouver, l’amitié et l’envie de rendre hommage à ceux partis trop tôt ». Si, il y a quatre ans cela avait fait le bonheur de plus d’un, l’espoir de les revoir ensemble un jour s’aménuise. La faute notamment aux emplois du temps des uns et des autres. « Pour l’heure nous n’avons pas de projet avec les Ambassadeurs. Nous avons sorti un album et nous serons sur scène pour le promouvoir », explique Christian Syren, manager à l’international de Salif Keita.

Éternel Super Biton       

Le groupe formé dans lors des frénétiques Semaines nationales de la jeunesse et composé aujourd’hui de septuagénaires est encore aujourd’hui l’un des meilleurs ambassadeurs de la musique malienne. Formation phare des années 70 et 80, il participe aux Biennales nationales et triomphe en 1972, 1974 et 1976, année où l’orchestre est déclaré hors compétition. Dans nos colonnes, en 2017, alors que le groupe devait se produire à l’Institut français de Bamako, Mama Sissoko, l’un des trois membres encore en vie, regrettait le manque de reconnaissance des autorités. « Le pays n’a pas été reconnaissant envers nous pendant le Cinquantenaire. Les artistes maliens ont été médaillés par le Président ATT pour service rendu à la Nation, sans penser au Super Biton. Cela nous a énormément touchés », confiait-il, amer.

Mali : L’industrie culturelle peine à décoller

Le Mali, l’un des pays les plus riches culturellement, peine encore de nos jours à peine à se faire reconnaître. Certains acteurs du monde de la culture malienne se sentent délaissés par les autorités, mais, malgré les difficultés, ils restent tous motivés.

Compte tenu de la richesse culturelle du Mali, le paysage culturel connaît toujours des difficultés par rapport à la promotion artistique et à la création musicale et théâtrale. Kary Bogoba Coulibaly, feu Teneman Sanogo, Adama Traoré, Malick Tiénan Dramé se sont donné les mains pour former la première troupe théâtrale privée du Mali, le « Nyogolon », en 1980, à côté du Kotèba national. Sur le plan musical, il y a aussi le Badema national, l’Ensemble instrumental et certains orchestres nationaux comme le Super Biton, qui se sont toujours investis dans la promotion de la culture malienne. « Il fallait un autre souffle pour ce développement culturel, musical et théâtral, et nous nous avons donné le ton pour que les autres puissent inspirer de nous », déclare Kary Bogoba Coulibaly, Secrétaire général de la Fédération des artistes du Mali et Président de l’Union nationale des comédiens du Mali.

Pour pouvoir montrer les savoirs du Mali et s’inspirer de ceux des autres pays, Adama Traoré, Directeur artistique d’Acte Sept, comédien, metteur en scène, auteur et entrepreneur culturel, a initié le festival Théâtre des Réalités en 1996. « C’est ainsi que nous avons découvert que nous manquions de tout, de techniciens au niveau de l’écriture, en son, en lumière », nous a-t-il confié.

Peu ou pas d’aides Malgré la présence d’un Institut national des arts qui est une référence en Afrique, et du Conservatoire multimédia Balla Fasseke Kouyaté, les artistes maliens n’ont pas de fonds d’aide à la création. « Pour tout ce que vous voyez comme produits et créations artistiques, les artistes font des miracles en partant de rien », affirme Kary Bogoba Coulibaly. Certains d’entre eux vivent d’ailleurs dans des conditions extrêmement difficiles. Kary Bogoba estime que la jeune génération doit s’inspirer des œuvres du terroir afin de les valoriser. « Nous avons tellement de richesses que nous n’avons pas besoin de nous laisser perdre dans des choses qui ne collent pas avec notre identité culturelle ».

Avec la crise de 2012, certains partenaires de la culture malienne sont partis et elle ne reçoit plus d’aides venant de certaines coopérations internationales, comme l’UE. « Il n’y a pas d’aide à la création, ni à la diffusion. Il n’y a pas d’aides non plus pour les structures indépendantes comme la mienne », dit Adama Traoré. « Nous sommes dans le sauve-qui-peut, dans la débrouillardise ».

En cinéma, avec Souleymane Cissé, Cheick Oumar Sissoko et Abdoulaye Ascofaré, entre autres, le Mali a remporté de grands prix à travers le monde en 1975, 1983 et 1978. Mais de 2003 à nos jours, les films maliens n’ont plus brillé. « En 2017, nous avons acquis des matériels de dernière génération en grandes quantités, pour que la production cinématographique puisse reprendre partout à travers le Mali », assure Moussa Diabaté, Directeur général du Centre national de la cinématographie du Mali. Renaissance du cinéma malien ? En outre, d’ici 2019, Bamako sera dotée de deux nouveaux complexes cinématographiques sur les rives droite et gauche. Avec des longs-métrages comme le Pari, Cheitane, Noguchi, Zabou, des films d’école ainsi que des courts-métrages, le Mali sera bien présent au FESPACO 2019. « Le CNCM compte bien remporter l’Étalon de Yennenga et entrer à Cannes par la grande porte, avec des longs-métrages et un film de création artistique qui sort de l’ordinaire. Nous sommes très confiants », s’enthousiasme Moussa Diabaté.

De nombreuses salles de spectacles ne répondent plus aux besoins du monde culturel d’aujourd’hui et certaines activités sont confiées à des structures étrangères au pays. « Il est temps que l’on fasse confiance à la jeunesse malienne pour l’évènementiel », estime Ismaël Ballo, promoteur de Prestige Consulting. Il est en train de travailler avec d’autres organisateurs de grands évènements et des producteurs à définir une programmation culturelle et à s’entraider pour la réussite des projets.

Kary Bogoba Coulibaly, de son côté, interpelle l’État, qui doit protéger et promouvoir les créations artistiques afin d’aider les artistes maliens à accéder aux marchés, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, et surtout à garantir leurs droits d’auteurs. Les humoristes et leurs émissions doivent également bénéficier d’un fonds annuel d’aide à la création. Pour cela, il appelle tous les artistes à l’union sacrée. « Il faut que la Convention de Florence et celle de l’Unesco de 2003 et 2015 soient appliquées, pour que les acteurs de la culture ne soient pas taxés comme n’importe quelle marchandise », ajoute Adama Traoré.