Monseigneur Jean Zerbo devient le premier cardinal du Mali

Monseigneur Jean ZERBO fait partie des 5 nouveaux cardinaux créés par le Pape François le 21 mai dernier. La cérémonie a eu lieu ce 28 juin au Vatican. Le consistoire composé des 120 cardinaux s’est réuni cet après-midi pour l’occasion. Les doutes qui avaient plané sur la présence du nouveau cardinal au Vatican pour raison de santé, ont été dissipés par le Saint siège qui a confirmé ce lundi que Monseigneur Jean ZERBO sera bien le premier cardinal du Mali.

Son nom avait été cité parmi ceux de trois responsables de la Conférence épiscopale dans des documents révélés par le journal français Le Monde. Des documents indiquant que l’Eglise détenait 7 comptes en Suisse d’un montant de 12 millions d’euros. Des allégations démenties par la conférence épiscopale.

Si sa nomination est une surprise pour certains, elle traduit la volonté du Pape François de procéder à un « rééquilibrage au sein du conseil cardinal » avec la nomination de 5 cardinaux venus de 4 continents, selon l’Abbé Zufo Alexis DEMBELE, doyen du département de journalisme et communication à l’Université Catholique d’Afrique de l’Ouest.

Né le 27 décembre 1943, à Segou -diocèse pour lequel il sera ordonné en 1971 –, Jean Zerbo a effectué une grande partie de sa formation en France, à Lyon. Nommé évêque auxiliaire de Bamako, en 1988, il y retourne dix ans plus tard, après avoir été évêque de Mopti (1994-1998). Archevêque depuis près de vingt ans, il est réputé pour engagement pour le dialogue interreligieux. Les 5 nouveaux cardinaux ont été renvoyés à leurs nouvelles missions. Il faut ajouter que parmi les cardinaux certains sont astreints à rester au Vatican, quant aux autres, ils continueront à assumer en même temps leurs anciennes fonctions.

 

David Dembélé : « Nos révélations sont basées sur des faits, des documents, après des mois d’enquête »

Après les révélations de l’enquête des journalistes David Dembélé et Boubacar Dicko, à partir des documents SwissLeaks, qui révèlent l’existence de sept comptes bancaires offshore détenus par la Conférence épiscopale du Mali (CEM) chez la banque HSBC de Genève, des réactions négatives ou mettant en doute les affirmations des deux journalistes n’ont pas manqué de suivre. David Dembélé a expliqué au Journal du Mali ses motivations, son travail durant cette enquête ainsi que la situation qui prévaut dans la gestion financière de la CEM.

Avez-vous délibérément voulu sortir cette enquête sachant que l’Archevêque Jean Zerbo était nommé cardinal ?

Beaucoup de gens font le lien entre la sortie de cet article et la nomination comme cardinal de l’archevêque Jean Zerbo. Cette enquête a commencé plusieurs mois avant sa nomination, et lui-même ne savait pas qu’il serait nommé cardinal. Pour preuve, lors de la dernière rencontre que nous avons eu, avec mon collègue Dicko, avec l’archevêque Jean Zerbo, je lui ai demandé si le Mali pourrait avoir un jour un cardinal, parce que au-delà de ces questions sur les comptes offshores, nous avions avec l’archevêque des échanges très cordiaux. Il m’a répondu que ce n’était pas possible vu la minorité des chrétiens au Mali, que la nomination d’un cardinal respecte la dimension, la représentativité des chrétiens dans le pays. Il ne savait donc pas qu’il allait être nommé. C’est une semaine après cette entrevue qu’il a été nommé. Ça a été une véritable surprise pour lui. Donc, c’est vraiment un concours de circonstances, car nous avions déjà prévu de publier cet article la semaine qui a suivi sa nomination.

Donc, contrairement à ce que dit le communiqué de la CEM et le ministre du Culte qui a eu des propos très durs envers votre collègue et vous, il n’y a pas eu volonté de nuire au futur Cardinal Zerbo ?

Pas mal de réactions que j’ai lu sur les réseaux sociaux et pas mal d’appels téléphoniques vont dans ce sens. L’archevêque et ses collaborateurs savent eux-mêmes que nous ne savions pas qu’il allait être nommé, donc ce n’est pas du tout un calcul visant à nuire à Mgr Jean Zerbo. Je comprends la réaction du ministre elle aurait pu être plus sobre.

Comment en êtes-vous venu à enquêter sur les comptes offshore de la CEM ?

Le clergé au Mali a toujours géré ses comptes comme bon lui semble. Sa gestion financière a toujours été opaque. Il n’y a pas de transparence mais les fidèles n’ont pas le courage non plus de réclamer cette transparence, de demander des comptes. Je suis ces pratiques depuis longtemps. Je travaille dans un consortium ( International Consortium of Investigative Journalists – NDLR ) qui traitent des fuites comme les Panama Papers ou Swissleaks. Dans les scandales de ce genre, on dispose de nombreux documents. Pour l’affaire Swissleaks, ces documents très volumineux sont tombés entre les mains du Journal Le Monde. Ils ont été envoyés au niveau du consortium qui a des collaborateurs classiques dans différents pays. Ce sont donc les documents et données du Mali que je traite et j’essaie d’en tirer la substance. J’émets une hypothèse d’enquête et c’est sur cette base que je me lance. Quand j’ai vu la CEM sur cette liste noire, je me suis tout de suite demandé pourquoi elle était dans cette liste-là et ce qu’elle avait à faire avec de l’argent caché en Suisse. C’était ma seule motivation, j’ai travaillé sur ce cas de façon méthodique, en fonction des priorités et de la consistance des éléments que j’avais. L’article expose des faits, il donne la parole aux intéressés, questionne sur la provenance de ces fonds et pourquoi ils ont été mis à l’abri.

Votre enquête porte sur des malversations entre 2002 et 2007, mais qu’en est-il aujourd’hui ?

À partir des documents disponibles, nous avons constaté qu’entre 2006 et 2007, ces comptes ont disparu et les documents établissent que l’argent a été partagé entre 3 personnes. Quand l’actuel gestionnaire des finances de la CEM, Noël Somboro, nous dit que ces comptes n’existent pas, les bras nous en tombent, parce que nous avons essayé de faire une simulation sur ces comptes avec l’aide d’un journaliste du site d’information Médiapart, qui nous a aidé sur ce plan et il s’est avéré que ces comptes existent encore à la HSBC. Maintenant sont-ils crédités et de combien, ça reste un mystère.

Vous êtes vous-même chrétien, vous faites partis d’une paroisse à Bamako, avez-vous observé un changement dans le train de vie de ces personnes, une certaine opulence ?

C’est le sentiment de pas mal de chrétiens. On les voit souvent avec des grosses cylindrées, ils sont dans le confort. Il y a pas mal de réactions sur le niveau de vie des prêtres et on se demande d’où vient l’argent. Ce n’est pas un problème pour moi mais je me dis que l’argent recueilli auprès des fidèles devrait être géré dans la transparence et un compte-rendu effectif pourrait être établi s’il y avait cette volonté de transparence.

Vous décrivez l’un des protagonistes de cette affaire, Cyprien Dakouo, comme le « point focal » de la gestion de ces comptes offshore, dont la gestion financière de la CEM était décriée, pouvez-vous approfondir ?

On trouve cette confirmation auprès du personnel actuel, des gens qui nous ont parlé en off, qui ont vraiment souhaité garder l’anonymat, ils disent que Dakouo tripatouillait les comptes et on nous a confié que quand son successeur, l’abbé Somboro, est arrivé, il n’y avait plus rien. Ce dernier a dû relancer les finances de l’église à son arrivée. Il se dit dans le milieu des prêtres qu’il est parti sur la pointe des pieds parce qu’il a été viré. Pas mal de gens s’interrogent sur le pourquoi de son départ. Ça ne semble pas dû à sa volonté d’aller étudier en France. La réalité est cachée.

Quelles ont été les réactions suite à la publication de cet article, au sein des fidèles de l’église du Mali ?

Certains m’ont félicité pour avoir eu le courage de publier une enquête comme ça. C’est comme si une partie de la communauté s’attendait à des révélations et une autre partie, constituée de tous ceux qui bénéficient de ces financements, de ce système, ne voulait pas en entendre parler. Suite à l’article, les bailleurs de la CEM pourraient être amenés à exiger plus de transparence dans la gestion financière de la CEM. Du coup ça pourrait menacer certains projets qui étaient en cours.

Avez-vous été soumis à des pressions voir des menaces après la publication de votre enquête ?

J’ai eu 2 à 3 appels qui sont assimilables à cela. Une personne de mon entourage a aussi été appelée par des proches de l’archevêque pour lui demander que je cesse ces affirmations gratuites. Mais quel intérêt aurais-je à sortir des informations non vérifiées ? nos révélations sont basées sur des faits, des documents, après des mois d’enquête. Je mesure les conséquences de cette enquête mais je n’ai fait que mon travail. Les gens ne voient pas cela, ils voient juste le superficiel, même des journalistes ont eu des réactions spontanées négatives en se basant juste sur le titre de l’article, après l’avoir lu ils sont revenus sur ces réactions.

Qu’attendez-vous comme suite à la publication de votre enquête ?

Encore une fois, il n’y a aucune volonté de cabale, en tant que chrétien je souhaiterais avoir plus de transparence, pas seulement pour moi mais aussi pour toute la communauté catholique qui se pose des questions sur ce que l’église reçoit et sur ce qui est fait de leur argent. C’est un exercice de transparence à portée de main que le clergé peut saisir pour rassurer les fidèles. Ce qui m’a beaucoup frustré c’est de voir le nom de la CEM sur cette liste noire, c’est surtout ça le souci.

Swissleaks : la Conférence Episcopale du Mali contre-attaque mais ne dément rien

La conférence Episcopale du Mali a réagi à l’article publié hier mardi 30 mai par des journalistes maliens, qui révélait l’existence de comptes offshore en Suisse. Elle ne dément jusque-là pas les accusations portées à son égard dans l’article.

Suite à la publication d’une enquête sur les « mystérieux comptes bancaires » appartenant à la Conférence Episcopale du Mali (CEM) ce mardi 30 mai sur le site de Mondafrique, l’église catholique a affirmé dans un communiqué qu’elle s’inscrit « en faux contre les allégations » des deux journalistes. Pour la CEM, « les auteurs de l’article tendancieux visent plutôt un autre objectif inavoué que celui d’apporter des informations constructives à l’opinion », précise le communiqué. Mais, nulle part dans ce communiqué de deux pages, la CEM ne dément ni l’existence des comptes dans les paradis fiscaux en Suisse, ni la rencontre entre les banquiers et les responsables catholiques maliens, entre 2000 et 2009. Encore moins l’implication du cardinal Jean Zerbo dans cette affaire. Le communiqué ne fait pas mention non plus des milliards qui sont sur le compte offshore.

Pour rappel, ce communiqué de la CEM fait suite à la publication par deux journalistes maliens d’une affaire de détournement d’argent concernant entre autres un cardinal malien, Jean Zerbo. La conférence épiscopale du Mali aurait placé de l’argent dans un compte en Suisse (12 millions d’euros en Suisse) à partir de 2002. Sont également concernés Gabriel Diarra, ancien numéro 1 de l’église catholique malienne, et Cyprien Dakouo, secrétaire général de la CEM à partir de 2004. Les huit comptes ouverts chez HSBC par les prélats seraient toujours actifs à l’heure actuelle.

 

Le cardinal Jean Zerbo a abrité des millions d’euros en Suisse

Désormais cardinal, Jean Zerbo apparaît dans les documents Swiss Leaks comme l’un des acteurs du placement en Suisse de l’argent de la Conférence épiscopale du Mali. Les sommes concernées atteindraient 12 millions.

Des journalistes du Monde ont mis au jour une affaire de détournement d’argent concernant entre autres un cardinal malien, Jean Zerbo. L’affaire est issue des documents Swiss Leaks qui avaient défrayé la chronique en 2015.

12 millions d’euros en Suisse. Ils montrent que la conférence épiscopale du Mali a placé de l’argent dans un compte en Suisse à partir de 2002. À l’époque des faits, Monseigneur Jean Zerbo, devenu entre-temps cardinal, est chargé des finances de l’institution. Sont également concernés Gabriel Diarra, ancien numéro 1 de l’église catholique malienne, et Cyprien Dakouo, secrétaire général de la CEM à partir de 2004.

Les huit comptes ouverts chez HSBC par les prélats étaient dotés de 12 millions d’euros en 2007, date de leur dernière apparition dans les documents Swiss Leaks. Jean Zerbo a explique qu’il s’agissait selon lui « d’un système que [la Conférence épiscopale malienne a] hérité de l’Ordre des missionnaires d’Afrique qui géraient l’église ». Certains de ces comptes seraient toujours actifs à l’heure actuelle.