Délits de presse : A quand la dépénalisation?

A l’étude depuis 2012, l’adoption d’une loi sur la dépénalisation du délit de presse au Mali n’est toujours pas à l’ordre du jour. La question, qui sera au programme de travail gouvernemental du second semestre 2018, a toujours « coïncidé avec un mauvais contexte ». Pourtant, l’adoption d’une telle loi serait tout d’abord profitable aux autorités, selon les professionnels, qui reconnaissent tout de même la nécessité d’une autorégulation.

« Quand vous emprisonnez un journaliste, il devient un héros », pourtant, « certains politiques pensent que lorsque vous n’emprisonnez pas, cela permet le laisser-aller », constate Monsieur Cheick Oumar Maiga, Secrétaire général du ministère de l’Économie numérique et de la communication. S’il estime que « les sanctions disciplinaires sont plus dissuasives », il ajoute que la loi sur la dépénalisation du délit de presse s’est souvent heurtée à des contextes difficiles. D’abord la crise de 2012, qui marquait le début du projet et plus récemment des affaires opposant des journalistes à des autorités.

La dépénalisation n’est que justice, compte tenu du rôle que jouent les médias « en tant que garants du pluralisme et de la liberté de la presse », affirme pour sa part Monsieur Baye Coulibaly, Secrétaire général du Syndicat National des Journalistes Reporters du Mali (SYJOR). « Ce métier mérite que les pouvoirs lui accordent une attention particulière. La démocratie n’est rien si les gens ne peuvent pas s’exprimer et dire que ce qu’il y a lieu de dire ».

Il s’agit donc d’un  combat de longue haleine, qu’il faut mener sans occulter la responsabilité des journalistes d’exercer leur métier dans les règles de l’art. «  C’est vrai que nous connaissons des dérives et nous sommes conscients de cela. Il y a eu des tentatives et nous voulons mettre de l’ordre pour exercer le métier de façon professionnelle avec la mise en place du Conseil des pairs pour l’éthique et la déontologie », ajoute le Secrétaire général du SYJOR. Même s’il faut encore dynamiser cette structure, qui doit mieux encadrer et orienter les journalistes et a été officiellement installée le 3 mai 2018, dans un « contexte socio-sécuritaire difficile » qui complique davantage l’exercice du métier.

Si la dépénalisation va « éviter aux journalistes de faire de la prison », c’est surtout aux autorités que cette disposition va profiter, car les « journalistes n’aiment pas payer des amendes », selon Madame Dado Camara, Directrice de publication du Journal « l’Annonceur. » Malgré la réticence des autorités, qui pensent que les « journalistes sont peu vigilants », Madame Camara est optimiste quand à l’adoption de cette loi, grâce à l’intérêt que manifeste le ministère de tutelle et surtout à la détermination des professionnels.