Bamako, capitale du syncrétisme religieux

Musulmans comme chrétiens, animistes comme athées, tous y passent. Ils croient aux sciences occultes que d’aucuns appellent « la chimie africaine » et d’autres « la sorcellerie ». Prier à  la mosquée, célébrer la messe à  la cathédrale, se confesser devant le curé et s’amender devant le pasteur ne suffisent plus, « il faut se blinder contre les ennemis qui ne veulent ni de ton avancement ni de ton bonheur. Nous sommes en Afrique et si tu ne crois pas en la sorcellerie, la sorcellerie aura tôt ou tard raison de toi » explique Ibrahim, mécanicien de son état. Trouvé aux abords du troisième pont, Ibrahim dit « être venu offrir dix litres de lait aux caà¯mans protecteurs de la ville. Tout se joue ici, les trois caà¯mans viennent ici tous les soirs recueillir les offrandes des fils de la ville et si tu veux gagner quelque chose à  Bamako ou y avoir pignon sur rue, il faut contenter ces génies protecteurs de la capitale. Les hommes politiques viennent tard le soir égorger ici des bœufs, des moutons ou des chèvres selon les prescriptions de leurs marabouts. Les vieux que tu vois assis sous la tente sont souvent sollicités pour faire les offrandes ». Pour leur part, les vieux omniprésents dans la zone se refusent à  tous commentaires tout en menaçant « ceux qui doutent de la puissance des génies protecteurs de nuisance ». Des offrandes au carrefour A la descente du troisième pont, non loin du carrefour Général Soumaré, des canaris remplis d’herbes bouillies sûrement pendant des heures gà®t au milieu de la chaussée et les automobilistes l’évitent. Une mendiante assise non loin révèle que « C’’est fréquent de voir des personnes nanties déposer ces offrandes au carrefour tard le soir. Elles sont souvent sous le coup d’un contrôle financier ou compétissent pour un marché juteux. s’agissant des femmes, elles viennent parfois le soir avec des côtes d’âne à  brûler en plein air pour chasser leurs coépouses du foyer ». Anita, gabonaise naturalisée malienne et mariée localement, ne cache pas être tombée dans la tourmente des charlatans « je suis obligée de recourir à  mon féticheur pour savoir ce qui risque d’arriver et des œufs aux coqs en passant par les colas à  jeter aux carrefours, à  ensevelir dans un cimetière ou à  offrir à  une femme qui a des jumeaux, je suis les recommandations pour ne perdre ni mon boulot ni mon mari ». Quid des prescriptions de la religion ? Mame Téné, voyante à  Hamdallaye, soutient que « le coran récuse la voyance mais que voulez-vous ? Les clients viennent et pour entretenir nos compagnons djinns nous exigeons la modique somme de 2 000 francs pour lire l’avenir de la personne ». Monsieur Konaré, lui fait des consultations sur une radio de la place et à  domicile. Il brandit son appartenance à  une religion révélée et s’interroge « voulez-vous que je chôme ou mendie ? La voyance me fait vivre. J’aide les clients à  se protéger contre des adversaires qui dépensent des fortunes pour rester au sommet. La religion nous exige de prier et le reste nous appartient ». Un responsable de secteur de la toute nouvelle compagnie OZONE chargée du nettoiement de la capitale révèle que « les offrandes collectées au quotidien peuvent peser jusqu’à  17 kilos par jour à  Bamako ».