Tahara Haidara : « Je suis doublement handicapée puisqu’étant une femme »

Force de caractère Depuis l’enfance, Tahara est sujette aux moqueries de la part de ses camardes de jeu, d’école, bref, du quartier. [i Ils se moquaient tous de moi parce que je boitais. Mais, cela ne m’a pas empêché d’aller à  l’école. Bien au contraire, cela m’a emmené à  me plonger dans les études et montrer aux autres que les handicapés peuvent très bien étudier comme les personnes normales et devenir de hauts cadres du pays et même ailleurs ] , raconte telle. En 1990, Tahara obtient son diplôme de secrétaire comptable à  Goa. Deux ans plus tard, elle se fait embaucher par l’ONG Care International grâce à  sa maitrise de l’outil informatique. Elle y travaille deux ans avant de se faire recruter par le programme d’appui pour les ex-combattants du nord (PAECN) pour une durée de 6 ans. Tahara acquièrt des expériences à  travers ses différents postes et sa force de caractère. Elle passera également par Handicap International, pour la consolidation d’acquis pour la réinsertion du Nord Mali, et ira à  à  l’agence pour le développement du Nord Mali (ADN) o๠elle travaille comme secrétaire comptable. Une auberge à  son nom En 1996, Tahara construit une auberge à  Tombouctou. Elle est aidée par certaines ONG sur place à  Tombouctou. Mais, son entreprise sera vu d’un mauvais œil dans cette «Â ville sainte » o๠l’Islam occupe une part importante dans toutes les activités. Certains la taxent de vouloir encourager la débauche en ouvrant un tel lieu et qui accueille des étrangers, surtout pour une femme. Tahara qui est soutenue depuis ses débuts par son époux, ne se décourage pas et tient bon. Elle est mariée et mère de quatre enfants. Boycott à  la quinzaine touristique et culturelle Lors d’une saison touristique et culturelle à  Tombouctou, Tahara a été décommandée à  la dernière minute. Ses chambres avaient été réservées mais, ses commandes seront données à  d’autres, des hommes en l’occurrence. Ce qui lui fait dire qu’elle est «Â doublement handicapée ». Les femmes ont beaucoup de mal à  s’imposer surtout dans un milieu majoritairement musulman o๠les femmes, ont très peu de pouvoir de décision. Tahara explique que ce sont au contraire «Â ces coups bas » qui lui donnent plus de force et de courage pour continuer à  lutter pour le droit des femmes et celui des handicapées. Douze années de lutte Le 8 Mars comme on le sait est la journée Internationale de la Femme. Tahara a donc décidé de venir en aide aux femmes handicapées trop souvent marginalisées. l’association a démarré avec une quinzaine de femmes handicapées, grâce à  l’appui de la direction régionale du développement social de Tombouctou. Tahara confie « Un jour, alors que je faisais des achats dans une boutique, J’ai rencontré un couple d’allemands et nous avons échangé. Je leur ai parlé de notre centre et nous sommes restés en contact pendant un bon bout de temps avant qu’ils ne se décident à  nous financer un centre de formation. » Un centre de formation pour les femmes handicapées Notons que le centre verra le jour en 2002. Le centre de formation des femmes handicapées de Tombouctou, fonctionne aujourd’hui avec plus d’une centaine de femmes et jeunes filles. Les femmes sont formées en savonnerie, en teinturerie, en couture… Cependant, il n’est pas toujours facile pour ces femmes de supporter le quotidien. Elles manquent cruellement de soutien mais aussi de technique, de matériels et moyens financiers et humains. Tahara déplore le fait qu’elles peinent même à  trouver un gardien pour surveiller le centre et s’en occuper en leur absence. Le centre a également besoin d’être rénové car il commence à  se dégrader surtout pendant la période hivernale. Tahara et son association des femmes handicapées de Tombouctou méritent fortement d’être encouragées et soutenues. Bon courage à  ces actrices du développement, de vrais battantes en somme !