Nord du Mali : La symbolique du turban

Dans nos sociétés africaines, les éléments culturels sont d’un ancrage intemporel. La culture et les traditions se transmettent de génération en génération avec des significations et des symboles à l’épreuve du temps. De même que les femmes ont chacune leur manière de se tresser les cheveux et de porter le voile, les hommes se parent en portant le turban.

De même que l’on reconnait un cowboy à son chapeau, on reconnait l’appartenance ethnique d’un homme à son turban. Au nord du Mali, les Touaregs (Kel tamacheq), les Songhays et les Peulhs le portent pour se protéger du soleil, du froid et des tempêtes de sable, très fréquentes dans la zone. Mais pas seulement.

Au-delà de son utilité pratique, le port du turban revêt un caractère symbolique plus ou moins identique chez ces différentes communautés. Chez les Kel tamacheq, il est un élément d’identité commun à toute la communauté. Le porter signifie avoir franchi une étape, indispensable même de nos jours pour acquérir le respect au sein de la société. C’est à l’âge de 18 ans généralement que le jeune Touareg est enturbanné pour la première fois, lors d’une cérémonie rituelle organisée souvent à son insu. Pour mériter sa place dans le cercle des adultes, il lui faudra démontrer ses qualités d’endurance face à la nature, sa dignité d’homme et sa capacité à tenir son rang.

Le chèche de couleur blanche, appelé Ashash, et l’indigo, appelé Alasho, dont les longueurs varient, sont les turbans les plus spéciaux. Le premier est porté en signe de respect et le second lors de l’intronisation d’un chef ou les jours des fête. Pour se marier il faut au préalable avoir été enturbanné.

Traditionnellement, l’homme ne quitte jamais son turban qui « recouvre les oreilles parce que l’homme ne doit pas prêter l’oreille à tout. Il recouvre aussi la bouche, pour que celui qui le porte ne dise pas n’importe quoi » décrypte un fin connaisseur de la culture touarègue. Dans cette société conservatrice, rester tête nue n’est pas digne d’un adulte.

Ces valeurs sont partagées par les Songhays, chez lesquels le turban est un héritage à sauvegarder et à transmettre avec fidélité. Dans les villages, malgré le vent secouant de la modernité, la coutume est conservée. « A Tombouctou, la cérémonie d’enturbanage est souvent associée à celle du mariage, pour des raisons économiques. Le marabout récite quelques versets du Coran sur le turban avant de le mettre sur la tête du jeune homme, qui accède de ce fait au cercle des adultes », raconte Mohamed Touré, une personnalité de Tombouctou elle-même jadis enturbannée de la sorte.

Chez les Peulhs, « un homme sans turban est un homme mal habillé », affirme M. Barry, un doyen de la communauté.  Sans exigence véritable sur l’âge, les jeunes bergers commencent à porter le turban dès 13 ou 14 ans. C’est au cours d’une cérémonie qu’on enturbane le jeune Peulh, qui sera ensuite appelé « Alpha » pour avoir appris le Coran par cœur.

 

Kel Assouf, les nostalgiques du désert

Le groupe touareg Kel Assouf, basé à Bruxelles, vient de sortir son second album au début du mois de juin. Une nouvelle « surprise » qu’offre Anana Harouna et son groupe à l’histoire de la musique du désert.

Kel Assouf ou « Ceux de la nostalgie », en langue tamasheq, est de retour avec un nouvel album, 6 ans après « Tin Hinane », du nom d’une reine touareg. Ancien de Tinariwen, le leader Anana Harouna a créé ce groupe en 2006, réunissant des musiciens venus de Mauritanie, du Ghana, de France, du Mali et d’Algérie. Avec ce dernier opus dénommé « Tikounen » (la surprise) le groupe a mis en chansons son émotion devant les tragédies qui s’abattent sur l’humanité.

Un pied dans son désert natal et l’autre en Europe, Anana chante le Sahara, en s’inspirant de la musique traditionnelle touarègue, et bénéficie de l’apport de la voix féminine de Toulou Kiki, comédienne, chanteuse et percussionniste, qui tient le principal rôle féminin dans le film « Timbuktu », réalisé Abderhamane Sissako. « Toulou n’est pas juste une voix, elle porte aussi le message des femmes touarègues », souligne le chef d’orchestre, en mentionnant le fait que dans ses morceaux, l’un des thèmes principaux est la liberté des femmes touarègues. Dans ce « Tikounen », à la batterie et aux guitares électriques, s’ajoute parfois une note de flûte traversière ou de kora, le producteur-musicien tunisien Sofyann Ben Youssef ayant apporté un souffle nouveau avec un son tradimoderne.

Fort de son identité construite autour de deux idées centrales, la promotion de la culture touarègue et la lutte contre la discrimination, Kel Assouf, estampillé « RFI Talents », se caractérise par des compositions originales en tamasheq, qui renvoient à un message de respect mutuel et de paix dans le monde. Après quelques dates en Afrique du Nord, Kel Assouf se prépare pour des concerts en Europe et au sud du Sahara en 2016-2017. Pour celui qui aura choisi l’arme de la guitare, après avoir combattu au sein des rébellions des années 1990 contre les États du Mali et du Niger, « la violence, que ce soit à Paris, Bruxelles, en Syrie ou ailleurs, tout comme la détresse de ce monde nous émeuvent. Nous voulons, même modestement, apaiser ce monde, ne serait-ce qu’avec nos chansons. Remplacer le son des canons par la musique ».

Les cadres et leaders Tamasheq, attachés à la République

Il a laissé parler son C’œur samedi dernier, 13 avril 2013, à  la Maison de la presse, lors de la conférence de presse animée à  l’occasion du lancement de la plateforme des cadres et leaders des kel tamasheq. « Je n’ai jamais été consulté par l’autorité pour le problème du nord depuis 1992. Pis, on me reproche d’avoir même financé les rebelles depuis l’extérieur. Or J’ai été l’une des premières victimes de la rébellion. Pourtant je suis bien placé pour être consulté ». l’auteur de ces propos n’est personne d’autre que Ahmed Mohamed Ag Hamani, ancien Premier ministre sous Amadou Toumani Touré et ancien ambassadeur du Mali sous Alpha Oumar Konaré à  Bruxelles, après avoir été plusieurs fois ministre au temps de Moussa Traoré. il a déclaré samedi dernier à  la Maison de la presse qu’il n’a jamais été consulté pour les problèmes du Nord. C’’était lors du lancement des cadres et leaders des kel tamasheq, dont il est le président d’honneur. Cette plateforme, qui regroupe tous les tamasheqs, a été initiée par Moussa Mara, président du parti Yèlèma et probable candidat la présidentielle de juillet prochain. Elle a pour objectifs principaux de rejeter, avec force, des clichés médiatisés comme la «rébellion des touaregs du Mali contre leur pays» ou les «conflits intercommunautaires au Mali » ; réaffirmer clairement l’attachement de la communauté de Kel Tamasheq du Mali à  la République, à  la laà¯cité, à  la démocratie et à  l’Etat de droit. La plateforme entend afficher sans ambigà¼ité son démarquage de la violence comme mode d’expression, exiger le démantèlement de toutes les milices et la neutralisation de tous les groupes armés. Elle compte aussi demander sa présence dans tous les débats sur le Nord en particulier et sur le Mali en général ; proposer des solutions crédibles aux problèmes d’intégration sociale et d’harmonie entre les populations en vue de la consolidation de l’unité nationale etc. Au cours de la même conférence, l’ancien ministre de l’Environnement, Mohamed Ag Erlaf a rappelé avec force que tous les touaregs ne sont pas rebelles. Il a de bonnes raisons d’exprimer son dépit de la confusion actuelle. « A cause de la couleur de la peau de mes enfants, on les appelle des rebelles à  l’école». Quant au président actif de la plateforme, Bajan Ag Hamatou, il a rappelé que celle vise au bout du compte la restauration de la paix et la stabilité du pays.