Taoudeni : Le projet fou de la « Merveille du désert »

Début décembre se tiendra à Taoudeni une rencontre sur le développement de la région. Autorités locales et partenaires techniques et financiers vont se pencher sur un ambitieux projet de création d’une ville en plein désert.

Du désert jaillira la ville. Faire de Taoudéni un « petit Dubaï », c’est l’ambitieux projet de Moulaye El Oumrany, un ressortissant de la région qui a passé plusieurs années en Allemagne. « Pari fou, irréalisable », les qualificatifs dissuasifs n’ont pas manqué pour le projet, insuffisants pour décourager cet ingénieur en informatique adepte des défis et pour lequel seule compte la force de la volonté. « Partout où il y a une volonté, il y a un chemin », disait Lénine. Créée en 2016, la néo région de Taoudéni peine depuis à pleinement s’opérationnaliser. La faute notamment au manque d’infrastructures. Les autorités de la Cité de l’or blanc se trouvent à Tombouctou, où toutes les décisions sont prises, à 750 km de la ville capitale de la région, qui n’était jusqu’à présent connue que pour sa mine de sel gemme et sa prison, aujourd’hui en ruines. Changer le narratif et créer autour une zone économique qui permettra d’amorcer son développement, tels sont quelques-uns des objectifs que s’est fixés Oumrany. Pour y arriver, il sait compter sur le soutien de partenaires, tels la GIZ ou encore la Banque mondiale. L’agence de coopération allemande a cette année financé une étude sur la région. Pendant un mois, un pédologue, un géologue et un expert en études de marché y ont séjourné, dans le cadre de la création d’une ville nouvelle qui serait la locomotive économique de la région. Malgré des conditions difficiles, les résultats de la mission se sont avérés satisfaisants. Un point d’eau a été découvert à 20 km de la prison. Une véritable avancée, car il fallait parcourir 100 km pour s’en procurer. Un forage a été effectué. « Nous avons dû acheter nous-mêmes les équipements, aucune entreprise ne souhaitant engager les siens, craignant pour leur sécurité », confie El Oumrany. Il espère très vite la construction d’un système d’adduction d’eau jusqu’à la zone censée abriter le renouveau de Taoudéni. Des espaces ont également été repérés pour y planter des dattiers.  

La mine de sel comme moteur

Seule activité économique de cette vaste étendue désertique, la mine de sel gemme accueille de 1 000 à 1 500 saisonniers par an. Ces derniers, ressortissants de Tombouctou et Gao pour la plupart, y travaillent huit mois avant de rejoindre leurs familles durant les quatre restants (période chaude). La pratique est encore artisanale et des études sont menées pour l’éventuelle mise en place d’une usine de transformation du sel. « Les miniers sont les seuls à avoir un revenu régulier. Ceux qui peuvent payer pour l’éducation, la santé, l’eau, il faut améliorer leurs conditions de vie. Ce seront les premiers habitants et tout ce qui va améliorer leurs vies ne sera que profitable à la création de la ville », assure Moulaye El Oumrany, qui a pris la direction de l’ONG de son oncle, « Paix et Progrès », afin de mener à bien ce projet. Un premier démarchage a été fait auprès des miniers afin que leurs familles viennent vivre avec eux. « Ils étaient très réticents au départ et ne souhaitaient pas voir leurs proches venir les rejoindre à Taoudeni, où ils sont coupés de tout », affirme notre interlocuteur. Mais la situation a évolué. Un équipement satellitaire, dont l’abonnement annuel est payé par l’État, a été installé, rendant désormais possibles les communications via l’application WhatsApp. La Banque mondiale enverra dans les prochains jours une équipe d’urbanistes faire le plan de la future ville. L’institution l’a intégrée dans un projet de développement plus large. « L’objectif de la Banque mondiale est de créer une économie au niveau de la ville et après de faire en sorte que les autorités s’y installent. Elle doit discuter de toutes les préoccupations avec elles pour essayer d’y remédier », explique El Oumrany, qui ajoute que le Gouverneur de la région, le général Mohamed Abderahmane Ould Meydou, adhère à cette vision et s’est engagé à faire « tout ce qu’il pourra pour accompagner la création de la ville ».

Mohamed Taher Ould El Hadj : « La première de nos priorités, c’est la sécurité »

Dans le cadre de sa tournée dans les régions du centre et du nord, le Premier ministre, Soumeylou Boubeye Maiga, s’est rendu à Taoudéni. Le Vice-président du Collège transitoire de cette nouvelle région, Mohamed Taher Ould El Hadj, nous livre ses impressions sur cette visite, qu’il qualifie « d’historique ».

Comment avez-vous perçu cette visite du Premier ministre dans votre région ?

C’est vraiment une grande chose pour nous, pour le pays et pour le Premier ministre lui-même. C’est la première fois que nous recevons la visite d’un Premier ministre. Nous l’avons bien organisée, même si elle ne s’est pas tenue au chef-lieu de la région. À cause de l’accès très difficile, tout le monde s’est retrouvé dans le village de Doueya, à 100 kilomètres de Tombouctou. De mon point de vue, c’est historique parce que l’État avait carrément perdu la zone. Cette prise de contact permettra au chef du gouvernement de s’imprégner des réalités du terrain et des besoins urgents des populations.

Quelles sont les priorités aujourd’hui pour les populations ?

La première de nos priorités, c’est la sécurité. Mais, en plus de cela, il y a la santé, l’eau, l’éducation. Les infrastructures aussi manquent ici. On a beaucoup de problèmes, mais on ne peut pas tout faire en même temps. C’est pour cela qu’il nous faut la sécurité d’abord, pour que l’administration soit de retour sur le terrain. Il n’y a absolument rien à Taoudéni, donc il va falloir tout construire. Tout cela ne sera pas construit dans l’immédiat. Au fil du temps, les choses vont changer. Il y a de l’espoir que les choses s’améliorent.

Quels sont les projets annoncés ?

Le Premier ministre nous a dit que le gouvernement était en train de voir comment finaliser deux projets de l’AGETIER, qui consistent à exploiter de l’eau située à 25 kilomètres de Taoudeni. Il a expliqué aux populations que le développement ne serait possible que quand il y aurait la paix et l’unité entre elles. Il nous a promis l’eau, la santé, l’école et même le retour de l’armée. Il y aura aussi des balises posées pour faire le pistage entre Tombouctou et Taoudéni avec le projet allemand de la GIZ. Le réseau de télécommunications aussi sera bientôt installé. Il y a des promesses, des projets sont en cours. Le Premier ministre a également parlé de l’exploitation du sel, mais aussi de celle du gaz qu’on trouve ici.

Autorités intérimaires : Tombouctou et Taoudéni rejoignent le rang

Tombouctou et Taoudéni, les deux dernières régions du Nord qui résistaient à l’installation des autorités intérimaires, ont finalement installés, hier jeudi 20 avril, leurs représentants régionaux qui auront la charge de restaurer l’État et préparer les futures élections.

Après 4 reports les autorités intérimaires ont enfin été installées à Tombouctou et Taoudéni. Les deux nouveaux présidents, Boubacar Ould Hamadi de la Coordination des mouvement de l’Azawad (CMA) et Hamoudi Ould Sidy Ahamed, ont été officiellement investis dans leurs fonctions et présideront le collège transitoire dans ces localités. Une forte délégation composée du Haut représentant du chef de l’Etat pour la mise en œuvre de l’accord, Mahamadou Diagouraga, du ministre de la Réconciliation, Mohamed El Moctar, du ministre de la Décentralisation, Alhassane Ag Hamed Moussa, du représentant de la médiation internationale, Koen Davidse et des ambassadeurs de la France, des États-Unis, de l’Algérie, s’est déplacée pour l’occasion.

Le Congrès pour la Justice dans l’Azawad (CJA), qui s’opposait à leur installation depuis plus d’un mois, a finalement libéré les checkpoints qu’il occupait militairement autour de la ville. Le mouvement qui exigeait son inclusivité dans toutes les instances de décision régionale, a obtenu, en partie, satisfaction sur ses doléances. Ils ont bénéficié de postes de conseillers spéciaux au sein du gouvernorat et au sein de la commission DDR. Mais signe de cette satisfaction partielle, aucun membre du CJA n’était présent lors de cette cérémonie.

Le CJA a déclaré prendre acte de l’installation des autorités intérimaires à Tombouctou et Taoudéni, néanmoins le mouvement a dit regretter que leurs préoccupations et celles des populations n’aient pas été totalement prises en compte.

Avec Tombouctou et Taoudéni, toutes les autorités intérimaires sont maintenant installées dans les cinq régions du nord du Mali. Reste maintenant à ces autorités transitoires à commencer de façon effectif leur travail.

Azarock Ag Innaborchad : « Si rien ne change pour les autorités intérimaires nous ne serons pas prêt le 13 avril »

Azarock Ag Innaborchad, président du Congrès pour la Justice dans l’Azawad ( CJA), ce groupe politico-militaire qui bloque depuis un mois l’installation des autorités intérimaires à Tombouctou et à Taoudeni, nous a accordé un entretien où il explique ne pas accueillir à bras ouvert la décision récente du gouvernement d’installer les autorités intérimaires sans leur « inclusion » totale.

La décision d’installer les autorités intérimaires le 13 avril à Tombouctou et Taoudéni a été prise par le gouvernement. Est- ce que cela veut dire que vos revendications sont toutes honorées ?

À ma connaissance on a juste des promesses et ce n’est pas nouveau, ça fait longtemps qu’on a des promesses.

Donc allez-vous accepter l’installation des autorités intérimaires sans que toutes vos revendications soient prises en compte ?

Disons qu’il sera difficile pour nous d’accepter, d’ailleurs on n’est pas les seuls, ce n’est pas seulement une affaire du CJA, c’est une affaire de toutes les populations de Tombouctou et Taoudéni. Il serait très difficile d’accepter parce que nous sommes engagés dans des revendications de fond qui concernent l’inclusivité. Nous avons parlé de l’ouverture des autorités intérimaires; apparemment ce n’est pas quelque chose dont il faut parler. Même si le CJA essaye de se retirer, la population ne le fera pas. Nous pensons qu’on ne peut pas parler d’inclusivité sans un minimum d’ouverture et sans une implication dans le processus.

Que revendiquez-vous concrètement ?

Concrètement, on revendique une large ouverture des autorités intérimaires au CJA et aux populations, et puis essentiellement notre implication dans les organes de mise en œuvre de l’Accord tels que les commissions, les comités, le CSA et tout ce qui s’ensuit. Nous voulons être impliqués dans l’ensemble du processus.

 Vous n’êtes donc pas prêt pour le moment à une installation des autorités intérimaires le 13 avril ?

Si rien ne change pour les autorités intérimaires nous ne serons pas prêt le 13 avril.On espère que d’ici le 13 avril les choses iront mieux dans le cas contraire ce ne sera pas possible. Ce n’est pas la première décision d’installer les autorités intérimaires, c’est la quatrième fois. Mais cette fois ci, cette décision est légèrement mieux réfléchie que les autres. On parle cette fois-ci de la désignation du Président sur la base d’un consensus des membres des autorités intérimaires. C’est une avancée, c’est une bonne chose, mais on ne dit rien de l’ouverture des autorités intérimaires. C’est un tabou qu’il ne faut pas toucher. Le CJA revendique quand même d’être impliqué dans la série d’organe prévue pour la mise en œuvre de l’accord. Ce n’est pas plus compliqué que ça ! Nous avons la même vision que nos communautés. Nous pensons vraiment que l’ouverture de l’autorité intérimaire est indispensable pour que les gens se sentent concernés et ne se sentent pas exclus. Pour cela, il faut être au niveau des décisions et non des éxécutants. Le CJA est en symbiose avec les populations et ce que les populations veulent, nous, on ne peut pas les empêcher de le revendiquer.

Autorités intérimaires : Tombouctou et Taoudéni toujours en suspens

La mise en place des autorités intérimaires dans les régions du Nord du Mali est bloquée à Tombouctou et à Taoudéni. Une visite du ministre de la Défense ainsi que des engagements fermes des autorités semblent en passe de faire bouger les lignes. Mais la tenue en cours de la Conférence d’entente nationale a reporté l’échéance à la semaine prochaine.

Début mars, l’installation des autorités intérimaires a occasionné un bras de fer entre le gouvernement et les groupes armés ainsi que la société civile, opposés aux nominations perçues comme unilatérales et au fait que des mouvements armés comme le Congrès pour la justice dans l’Azawad (CJA) ne soient pas inclus dans les instances régionales. Pour apaiser la situation, les combattants postés aux check points autour de la ville avaient fini par les libérer, même s’ils ne s’en sont pas trop éloignés. « Nous nous sommes positionnés à peu près à 100 mètres. On collabore bien avec les autres forces, notamment avec la MINUSMA qui trop nerveuse au début, avait essayé de nous forcer un peu la main, mais ça n’a pas marché », confie le colonel Abass Ag Mohamed Ahmad, chef d’état-major du CJA.

Accords de vues Depuis la visite à Tombouctou du ministre de la Défense, Abdoulaye Idrissa Maïga, entre le 17 et le 20 mars dernier, accompagné d’une délégation gouvernementale, la population et les groupes armés ont le sentiment d’avoir été compris. « Ils ont rencontré la société civile, la population, l’armée, et ils ont constaté qu’ils étaient du même avis que le CJA. Le ministre de la Défense n’a pas fait mystère de son engagement à régler les problèmes qui relèvent de lui, c’est à dire mettre quelqu’un de chez nous au niveau du DDR, au niveau de la commission d’intégration ainsi que la validation de notre site de cantonnement. Il doit contacter les autres ministres concernés, et nous attendons maintenant qu’après les promesses, on passe aux actes », explique Azarock Ag Innaborchad, président du CJA.

Même son de cloche à Taoudéni, autre bastion de résistance, qui a aussi reçu la visite du ministre et de sa délégation. « Je crois qu’ils vont accepter nos doléances, parce qu’on ne peut pas tout bloquer quand toute une région demande de changer une personne, sinon c’est la crise », explique Mohamed Attaher El Hadj, maire de la commune de Salam, située dans la nouvelle région. Le ministre de l’Administration territoriale, Mohamed Ag Erlaf, aurait lui aussi donné des engagements fermes, notamment par rapport à la désignation des conseillers spéciaux du gouverneur et des préfets.

Annulation, rumeurs et incertitudes Mais selon nos informations, le ministre Ag Erlaf serait favorable à une annulation pure et simple de l’installation des autorités intérimaires à Tombouctou. Le conseil régional y fonctionnant déjà, il serait partisan d’attendre les élections qui auront lieu dans quelques mois. « Pour nous, l’abandon ou le maintien des autorités intérimaires n’est pas notre problème, mais si on les maintient, il faut le faire avec nos exigences. Si on ne les maintient pas, le statu quo reste », affirme le président du CJA, qui n’exclut pas, si les avancées sont probantes, de donner l’ordre à ses effectifs sur le terrain de se replier.

Néanmoins depuis mardi 28 mars, cette relative accalmie a fait place à un regain de tension. La rumeur persistante d’une installation des autorités intérimaires le 30 mars en catimini est parvenue jusqu’à Tombouctou. « Nous avons cherché à savoir si cela était vrai et mercredi matin, des bouches se sont déliées. Certains membres officiels nous ont dit que l’installation était prévue pour ce jeudi 30 mars et que le commandant de cercle de la région de Tombouctou a convoqué les élus pour leur faire part de cette invitation. Ce passage en force est l’une des clauses revendiquée par la CMA auprès du gouvernement et qui conditionnait leur participation à la Conférence d’entente nationale », soutient le chef d’état-major du CJA, qui ajoute que « les gens sont prêt pour manifester, ils n’attendent que le signal ». Selon les contestataires, le responsable de ce « désordre », dont ils demanderont avec force le départ, n’est autre que le nouveau gouverneur, Koina Ag Ahmadou, récemment muté de Kidal et notoirement proche du HCUA, pour son implication dans ce revirement et sa complicité avec la CMA. « Il est impossible que les autorités intérimaires soient installées sans notre consentement. Ils ne pourront pas le faire parce que nous réagirons immédiatement. Nous étions prêts, si nos propositions étaient validées, à lever immédiatement le camp », rappelle le colonel Abass. Mais la tension semble être redescendue, le gouvernement ayant décidé de reporter l’installation des autorités intérimaires après la Conférence d’entente nationale. À Tombouctou, la situation oscille entre attente, vigilance et confusion, avec l’espoir de parvenir à consensus, une possibilité qui reste néanmoins encore fragile.

 

 

Tombouctou – Taoudéni : vers un consensus ?

Les groupes armés contestataires sont dans une dynamique de pacification des tensions avec le gouvernement malien au sujet de l’installation des autorités intérimaires pour les régions de Tombouctou et Taoudeni, confirment des sources politiques du Congrès pour la Justice dans l’Azawad (CJA) à Bamako.

La situation est plutôt calme aujourd’hui à Tombouctou, les tirs à l’arme lourde ont cessé leur vacarme et la cité des 333 saints fait figure de ville morte, selon des sources locales.

La médiation internationale a condamné, via un communiqué rendu publique lundi soir par la MINUSMA, la prise depuis deux jours par un détachement armé de la CMA/Plateforme pro-malienne de 2 check-point de l’armée malienne à Tombouctou, en réaction à la nomination des personnes choisies par le gouvernement malien pour diriger le collège transitoire des autorités intérimaires dans la région de Taoudéni . « Les autorités intérimaires sont reportées pour le moment à une date ultérieure mais nous avons une réunion avec les membres du gouvernement et le haut représentant du président de la République pour la mise en œuvre de l’Accord à 9h, aujourd’hui, à Bamako, pour discuter de notre intégration dans toutes les instances du comité de suivi de l’Accord y compris les autorités intérimaires de Tombouctou  » déclare Azarock Ag Innaborchad, président du CJA.

Qui aura quoi à Tombouctou et Taoudeni ? Les groupes en présence à Tombouctou sont le CJA et le Mouvement Arabe de l’Azawad (MAA), qui protestent contre leur absence au sein des autorités intérimaires à Tombouctou et Taoudeni, et qui entendent pousser le gouvernement malien à renoncer aux personnes nommées pour diriger les autorités intérimaires et à les remplacer par des personnes choisies par leurs responsables. Les deux MAA issus de la CMA et de la Plateforme pro-malienne sont appuyés par les dirigeants de la CMA à Bamako. Le CJA qui a quitté la CMA devrait avoir des difficultés à obtenir ce qu’ils demandent.

Selon des sources proches du dossier, les membres du gouvernement malien et les chefs de la CMA ont décidé d’isoler le CJA des autorités intérimaires. En d’autres termes, le CJA ne pourrait que participer au niveau cercle et commune des autorités intérimaires. Alors que les deux MAA auront ce qu’ils veulent, malgré le fait qu’ils ont déjà une dizaine de représentants dans les régions de Tombouctou et Taoudéni et la présidence du conseil régional de Tombouctou, sans parler d’une vingtaine de représentants dans les autres organes de l’Accord avec la vice-présidence du CSA. Malgré tout, ils exigeraient la présidence de l’assemblée régionale de Taoudeni, qui deviendrait à dominante arabe, alors que les Touaregs ne sont présents qu’à Kidal, Méneka et Gao.

Le CJA qui a été a été créé pour défendre les intérêts de ses communautés est exclu de la mise en oeuvre de l’Accord et souhaite être au coeur de tous les organes de décision de l’Accord du CSA jusqu’aux autorités intérimaires, qui auront la gestion administrative et politique des régions, via la Commission Technique de Sécurité (CTS), le mécanisme opérationnel de Coordination (MOC), l’Equipe Mixte d’Observation et de Vérification (EMOV). Ce qui leur permettrait de participer pleinement à la gestion de leur région sur tous les plans: politique, défense et sécurité, développement, justice, questions humanitaires et retour des réfugiés. Ainsi que de participer au redécoupage prévu dans l’accord, pour la création des nouvelles circonscriptions en vue d’une meilleure représentativité des populations de l’Azawad dans les institutions et les grands services publiques, en décrochant la région des lacs, dans le cercle de Goundam, comme l’ont fait ceux de Menaka et Taoudeni. Il à craindre que que le duel d’influence entre CMA/MAA et CJA pourrait exacerbé les tensions, dans ces 2 régions, qui sont les deux derniers points de blocage à l’installation des autorités intérimaires.

Tombouctou: Tensions et manifestations populaires contre autorités intérimaires

Hier dimanche 5 mars, à la veille de l’installation des autorités intérimaires à Tombouctou, plusieurs centaines de personnes sont sortis dans les rues de Tombouctou en début d’après midi pour maintenir la pression sur les autorités maliennes et la communauté internationale et empêcher la tenue de l’intronisation des dirigeants des autorités intérimaires à Tombouctou et Taoudeni.

Depuis ce week-end, les tensions sont vives à Tombouctou, les forces du Congrès pour la Justice dans l’Azawad (CJA) encerclent la ville. « Le colonel Abass,le chef d’état-major du CJA, aurait donné l’ordre de penétrer dans le centre de la ville pour être aux côtés des marcheurs », déclarait hier, Ehameye Ansari, porte parole du CJA.

Les forces Barkhane sont intervenues pour empêcher l’avancée des troupes armées qui tentent de pénétrer dans la ville pour rejoindre la population qui proteste. Selon un officier du CJA, Mohamed Ag Almounzer, joint sur place « les tensions sont vives et les discussions sont en cours entre les officiers du CJA et Barkhane, les avions survolent nos positions, nous sommes tous dans les véhicules prêt à pénétrer à l’intérieur de la ville. On attend les ordres du chef de l’opération ‘‘Tamoudre’’ nous déclare -il. À Tombouctou la situation reste confuse, des coups de feu ont été signalés, notamment dans le quartier d’Abarajou sans que l’on sache qui en sont les auteurs. 4 check-point à l’extérieur de Tombouctou ont été pris par les forces de Mouvement Arabe de l’Azawad tendance CMA, sans que les militaires maliens, qui ont fui à l’arrivée des combattant, n’opposent une quelconque résistance.

De sources bien informées, l’élargissement des Autorités Intérimaires à 26 membres a été perçu et proposé comme une solution pertinente pour débloquer la situation à Tombouctou et donner un coup de fouet au processus de mise en oeuvre de l’Accord. Mais son Excellence, Mohamed Ag Erlaf, ministre de l’intérieur et de la réforme de l’état du Mali y est jusqu’à présent opposé.

Malgré les tensions marquées par la résistance des groupes armés, les préparatifs pour la cérémonie d’intronisation se poursuivent. On ne sait pas à l’heure actuelle si les cérémonies d’intronisation pourront bien avoir lieu comme prévu ce lundi 6 mars.

Régionalisation, à l’épreuve du terrain

Le 31 mars, au palais de justice de Tombouctou, en présence de la communauté arabe venue en nombre, le nouveau gouverneur de la région de Taoudéni, Abdoulaye Alkadi, levait la main droite pour prêter serment et acter de la prise en charge de ses nouvelles fonctions, dans l’enthousiasme général. La cérémonie terminée, le nouveau gouverneur est retourné à  Bamako, sans que les populations sur place n’aient connaissance de la date de son retour. Son intronisation ouvre cependant une nouvelle séquence, celle de l’opérationnalisation de la région de Taoudéni. Dans la commune de Salam, on est déjà  prêt. « Les populations ont réfléchi aux découpages depuis 2011, les 30 arrondissements sont connus, ainsi que les cercles, au nombre de 6. Nous souhaitons maintenant que le gouverneur vienne s’installer à  Tombouctou et qu’il puisse venir acter la répartition des populations dans les cercles et les communes », se réjouit El Hadj Mohamed Attaher, maire de Salam. l’engouement est le même dans la région de Ménaka, o๠les populations attendent elles aussi leur gouverneur. « Pendant des décennies, ce nouveau découpage était un souhait des habitants de Ménaka. La régionalisation nous permet ainsi de mieux faire face aux défis spécifiques de notre région », assure T. Dicko, qui croit savoir que Daouda Maà¯ga, le gouverneur nommé, doit bientôt rejoindre son poste. Si le gouvernement a créé ces nouvelles régions et nommé leur gouverneur, le grand défi reste le découpage en cercles et en communes. Notamment à  Taoudéni, o๠il faudra tenir compte des nombreuses fractions et tribus vivant sur place. « Sur papier on a déjà  fait des propositions pour constituer les communes, les cercles, et le gouverneur est en train de consulter les populations », explique Bakary Amadou Bagayoko, conseiller technique au ministère de la Décentralisation. Sur place, la population appelle de ses vœux des « consultations », qui n’ont pas encore eu lieu, et qui permettront à  chaque communauté de savoir o๠elle vivra. « L’élément essentiel pour constituer cette région, c’est la volonté de vivre ensemble. Nous faisons des propositions qui sont soumises aux populations, on ne veut rien imposer. La délimitation des communes sera administrative et pas physique, car ce sont des nomades et ils ont coutume de se déplacer », déclare le conseiller. L’un des chantiers majeurs du gouvernement est de canaliser la multiplication des collectivités, car derrière ce découpage se cache aussi des enjeux électoraux. L’autre défi à  relever, et non des moindres, sera la question de la sécurité des futurs agents qui s’installeront dans cette région pour former la nouvelle administration d’un vaste territoire qui échappe, encore aujourd’hui, à  l’autorité de l’à‰tat.

Nouvelles régions : Des défis à hauteur des espérances

La nouvelle réorganisation du territoire qui va permettre la création de deux nouvelles régions administratives à Taoudéni et Ménaka, devrait durablement changer la donne dans ces régions isolées et laissées pour compte. Sur le terrain, les attentes des populations sont grandes.

« Nous attendions l’arrivée d’un gouverneur de tous nos vœux », déclare Mohamed Attaher El Hadj, maire de Salam, commune située à 400 km de Taoudénni. « Les populations souhaiteraient que le gouverneur soit déjà là pour un premier contact et pour commencer à prendre attache avec les communautés ». La nomination d’Abdoulaye Alkadi et de Daouda Maïga, respectivement gouverneur de Taoudénni et de Ménaka, représente pour beaucoup l’aube d’un changement durable.

À Ménaka, où vivent 150 000 habitants, au-delà de la fonction, c’est surtout sa capacité à gérer les multiples problèmes auxquels est confrontée la région qui focalise les attentes. Dans cette nouvelle collectivité, comme à Taoudénni, forte de 120 000 âmes, essentiellement arabes et touaregs, on manque de tout. La zone est quasiment déserte, car elle n’offre pas de conditions de vie attractives pour les populations : les services sociaux de base, comme l’éducation, la santé et l’hydraulique, n’y sont quasiment pas assurés. « Pour faire soigner un malade, il faut parcourir plus de 800 km jusqu’à Tombouctou », déplore un habitant de Salam.

Bien qu’il n’y ait actuellement aucune indication de la date d’arrivée du gouverneur, sur place on sait déjà à quels premiers chantiers il devra s’atteler : la délimitation géographique des cercles, pour que les populations sachent où chaque communauté vivra. « Le découpage est connu, maintenant il faut commencer l’opérationalisation des cercles proprement dite», explique le maire de Salam, qui a été sollicité pour réfléchir au découpage de la région. Ce dernier a été pensé de manière à permettre une occupation stratégique de l’étendue de la région pour faciliter la sécurisation du territoire. Le chef-lieu de Taoudénni a aussi été choisi car il est au centre de la région, ce qui fait qu’il est accessible rapidement à partir de la région de Tombouctou, de l’Algérie et de la Mauritanie. Pour les habitants des deux nouvelles entités, dans 5 à 10 ans, s’il y a une solidarité, des investissements conséquents en direction des cercles pourraient être réalisés. La conséquence serait, si les services sociaux de base sont assurés, de créer un engouement pour s’installer dans ces régions, qui deviendront effectives et fonctionnelles, comme n’importe quelle autre région du Mali.

Ménaka et Taoudeni : les enjeux de la régionalisation en marche

Décentralisation, régionalisation, voire libre administration, en 55 ans d’indépendance, le Mali n’est qu’à  mi-parcours de ces processus, qui s’imbriquent les uns dans les autres. Pour comprendre la régionalisation, il faut d’abord comprendre la décentralisation : « La régionalisation est une étape du projet de décentralisation », rappelle Ousmane SY, ancien ministre de l’Administration territoriale sous Alpha Oumar Konaré. Vingt ans plus tard, les à‰tats généraux de la décentralisation, tenus en octobre 2013 à  Bamako, ont permis de faire le point de ce processus de dévolution du pouvoir central vers les collectivités territoriales, d’en tracer les acquis, mais aussi les échecs. « Elle aura permis d’améliorer l’accès à  l’éducation, à  l’eau, à  la santé, aux services de base pour les populations des communes urbaines et rurales du Mali, même si elle n’a pas toujours été effective sur le plan humain et sur celui du transfert de ressources qui est un vieux débat», poursuit l’expert. Mais cela ne suffit pas. Pour s’en rendre compte, un voyage au nord du pays ou au sud, à  Diéma par exemple (région de Kayes), permet de mesurer le retard immense à  rattraper. Accélérer la régionalisation doit permettre de résorber ce déséquilibre entre le Nord et le Sud, cet écart trop grand entre Bamako et les régions, cercles, et villages du Mali. C’’est en 1996, que le Mali passe de 19 à  703 communes en vertu de la loi du 16 octobre. Poursuivant le processus, le gouvernement d’Amadou Toumani Touré (ATT) adoptera en 2011 un projet de loi portant création de circonscriptions administratives en République du Mali. Ce projet prévoit le redécoupage administratif du Mali, le nombre de régions passant de huit à  dix-neuf sur une période de 5 ans. Sur le plan pratique, le Mali compte désormais dix régions administratives pour un territoire de plus de 1,2 millions de km2. Aux régions de Kayes, Koulikoro, Sikasso, Ségou, Mopti, Gao, Tombouctou et Kidal, il faut désormais ajouter celles de Ménaka (nord-est) et de Taoudéni (nord-ouest) créées depuis 2012, et qui viennent d’être dotées de deux gouverneurs nommés lors du Conseil des ministres du 19 janvier 2016. Accélérer la mise en œuvre de l’Accord Les nominations d’Abdoulaye Alkadi, membre de l’aile « pro-gouvernementale » du Mouvement arabe de l’Azawad (MAA) à  Taoudeni, et de Daouda Maà¯ga, qui dirigeait jusqu’ici le Programme intégré de développement rural de la région de Kidal, à  Ménaka, entrent très clairement dans le cadre de la mise en œuvre de l’accord, et non plus dans une logique seule de régionalisation. « Il fallait nommer ces gouverneurs avant la mise en place des autorités transitoires en vertu de cet accord », soutient un acteur du processus. Pour Moussa Mara, ancien Premier ministre, ce n’est que la suite logique d’un processus, interrompu par la crise. « Ces nominations prévues dans la loi de 2012 faciliteront la mise en œuvre de l’accord négocié à  Alger. Et l’à‰tat trouvera les moyens pour asseoir les prérogatives de ces gouverneurs de régions ». Des gouverneurs pour le moins connaisseurs des problématiques du Nord et des attentes des populations, qui sont vastes. Ces attentes se cristallisent surtout sur l’accès aux services sociaux de base dans de nombreuses zones o๠il n’y a toujours ni écoles, ni dispensaires, mais surtout sur un retour complet et effectif de l’administration. La création de nouvelles régions doit aussi, selon Aminata Dramane Traoré, altermondialiste et intellectuelle malienne, poser la question de la redynamisation économique de ces régions : « nommer des gouverneurs répond, je suppose dans un premier temps, à  une tentative de pallier ce qui peut être considéré comme l’absence d’institutions au nord du pays. Au-delà  de cela, il faut pouvoir répondre à  la demande des populations et particulièrement des jeunes, qui réclament de l’emploi tout en créant de la richesse locale et exportable partout sur le territoire national». Pour Taoudéni et Ménaka, deux régions situées dans le nord immense et riche en ressources minières, l’enjeu est immense. Connu pour l’extraction du sel gemme, la région de Taoudéni, situé à  l’extrême nord du pays à  750km de Tombouctou, avec près de 120 000 habitants, constitue une zone de non droit sous contrôle du MAA dissident, un mouvement hostile à  Bamako et o๠s’exercent toutes sortes de trafics et d’activités liées à  AQMI : « Avec un gouverneur, on va pouvoir accroà®tre la sécurité, pallier les insuffisances, établir les cercles, et sous-préfectures, rapprocher les administrateurs et les administrés », se félicite le maire d’une localité proche. à€ Ménaka, l’autre bastion traditionnel des touaregs irrédentistes, et qui fut le point de départ de plusieurs rébellions, il n’y a tout à  faire. Avec plus de 150 000 habitants, Ménaka constitue un tournant pour la pacification d’une zone, o๠la CMA a plusieurs fois tenté d’exercer un contrôle, mais s’est heurtée aux milices locales ou pro-gouvernementales avec l’influence des Ifoghas de Kidal, plus enclins à  l’idée d’autonomie. Pour le gouverneur Maà¯ga, le défi sera d’apaiser une zone que sécurisent désormais l’armée malienne et les casques bleus de la MINUSMA, en faisant de Ménaka une région socle pour la consolidation de l’unité nationale. La régionalisation pour promouvoir la diversité dans l’unité Avec la nomination de gouverneurs, l’élection à  terme des présidents des conseils régionaux (à  qui plus de pouvoir et de ressources seront donnés) mènera plus loin le processus de régionalisation en attendant la création d’autres régions. Les ressources qui seront allouées et qui représentent environ 30% des recettes de l’à‰tat, avec priorité sur le Nord, devront compléter le travail de ces gouverneurs. La question s’est invitée tout au long du processus des négociations d’Alger. l’idée étant de déplacer cette administration au nord o๠elle existait sporadiquement et de façon militaire, pour régler une partie du problème. « Donnez-nous l’envie d’être Maliens, C’’est à  l’à‰tat de venir à  nous, pas l’inverse », affirme Amar, un habitant de Ménaka, qui attend beaucoup du nouveau gouverneur. Avec la régionalisation en marche, ce qui est en jeu, ce n’est plus tant le nombre de régions à  créer, mais le partage du pouvoir tant réclamé par les populations de ces régions, et une meilleure représentativité de leurs besoins face à  l’à‰tat central. Expert de la gouvernance locale, Ousmane Sy (voir interview page 7), qui préside l’Alliance pour la Refondation de la Gouvernance en Afrique (ARGA), va plus loin en affirmant qu’une refondation complète de l’à‰tat malien, tel qu’il existe aujourd’hui, est plus que nécessaire, afin de faire de la diversité ethnique du Mali des richesses pour construire une unité nationale forte : « Tant que nous ne réglerons pas ce problème, le doute persistera dans la construction de la paix…»