Tata Pound : la génération consciente d’hier aujourd’hui silencieuse

Ce fut le premier groupe emblématique du rap malien. Prenant son envol en 1995 lors du concours destiné aux rappeurs débutants « Rap house », le trio composé d’Adama Mamadou Diarra dit Djo Dama, Sidy Soumaoro dit Ramsès et Mahamadou Dicko dit Dixon fut le pionnier de la génération rap consciente et engagée au Mali. Après des succès retentissants sur scène, ils sont ces dernières années aux abonnés absents, au grand déplaisir des leurs fans.

Mamadou Diarra, connu sous le surnom de Djo Dama, marié et père de quatre enfants aujourd’hui, évoque les raisons de ce retrait, parle de ce qu’ils sont devenus et de ce qu’ils projettent de faire, sans occulter la situation de l’heure dans le pays. Le titre de leur premier album « Rien ne va plus », sorti en 2000, est toujours d’actualité. La corruption, la mauvaise gouvernance, l’insécurité alimentaire, le manque d’eau, etc. sont des réalités encore persistantes. « Franchement, on est en 2017 et la situation socio-économique s’est détériorée. Rien ne va plus, il y a l’insécurité au Nord et au Centre, et au Sud les politiciens ne s’écoutent pas ! Les habitants des quartiers périphériques de Bamako tirent le diable par la queue pour avoir de l’eau », dénonce ce sociologue de formation.

Parlant du silence assourdissant du groupe, Djo Dama rassure : « Nous nous sommes dispersés, mais le groupe n’est pas cassé. Nous sommes occupés par d’autres choses. Vu la situation actuelle du pays, la population malienne nous a beaucoup déçus », car « en plus de 15 ans de carrière, on souhaitait provoquer une prise de conscience, mais on voit que la population est amorphe », affirme celui qui a participé à la marche du 15 juillet dernier contre le projet de révision constitutionnelle.

Engagement en veille Malgré ce sentiment de découragement, Tata Pound reste engagé et disponible à accompagner les leaders d’opinion et les autres rappeurs. « On est en contact avec tous les grands leaders de la révolution, Ras Bath, Etienne (Fakaba Sissoko, ndlr), les jeunes qui se battent pour que les choses bougent » affirme-t-il.

Aujourd’hui, Djo Dama, tout comme les deux autres membres du groupe, se consacre à l’entreprenariat. « Je suis dans l’élevage de volaille, l’agriculture, le maraîchage aussi ». Ramsès, quant à lui, évolue comme acteur dans le théâtre et le cinéma. Il gère aussi une petite entreprise. Quant à Dixon, il a une société de prestation de services. « Nous sommes tous devenus des entrepreneurs, en gros » dit en souriant Djo Dama.

Concernant un retour possible du trio sur scène, il est optimiste mais ne veut rien avancer pour le moment. « Je ne sais pas encore. On a la pression de nos fans. Certains leaders de la jeunesse nous disent aussi « grands frères, nous on est en train de suivre votre voie, mais on ne vous voit pas, avec par exemple un nouvel album » nous confie-t-il. « Il y a des milliers de nos fans qui nous poussent à revenir. Nous n’avons pas encore dit notre dernier mot ».