ATT : deux ans après, le repère tient debout

Deux ans jour pour jours après le décès d’Amadou Toumani Touré, Souleymane Koné, ex-ambassadeur, actuel conseiller à la Primature rend hommage à l’ex-président dans cette contribution.

Deux après sa disparition,  les idées et actions de ATT restent  le repère d’un autre Mali possible dans l’unité et le rassemblement. Du soldat de la démocratie et du Bâtisseur de la nation qu’il a incarné, ATT demeure l’absent le plus présent dans notre vie nationale.

Il est resté un repère dans la lutte pour la souveraineté du Mali. Son refus de l’installation de 500 soldats français sur la base de Tessalit ;  son refus pour la construction d’un observatoire des mouvements par la France à Gao ou Sévaré si les produits ne sont pas partagés par le Mali et son refus de signer l’accord d’admission avec la France attestent éloquemment l’esprit et la capacité de résistance du patriote qu’il fut.

Son soutien déterminé au Col. Kadhafi  qu’il  avait fini par convaincre d’accepter une solution africaine à la crise dans son pays ; son obsession à trouver une solution régionale à la sécurité dans le Sahel, révèlent la lucidité et la dimension panafricaniste de l’homme.

Faut-il  rappeler que le mort-né G5-Sahel  n’a été une pale copie de l’idée de ATT de la nécessité d’une coordination régionale dans la lutte contre l’insécurité dans le Sahel.

Sa vision structurante de l’agriculture comme pilier fondamental du développement, visait à faire du Mali une puissance agricole capable de nourrir l’Afrique de l’Ouest ; les  constructions des routes nationales et secondaires et des ponts comme facteurs  essentiel d’accompagnement du développement économiques et d’intégration nationale témoignent  tout aussi de sa vision pointue  et stratégique de l’avenir de notre pays.

Le Président ATT a érigé  la solidarité nationale en culte avec un engagement jamais égalé dans notre pays : les logements sociaux spontanément baptisés ATTbougou par les populations reconnaissantes ; l’assurance maladie obligatoire, ont fondamentalement restructuré l’univers social de notre pays.

Jamais la culture malienne n’avait été aussi vivante et diversifiées dans ses expressions que sous le Président Amadou Toumani Touré.

Sur le plan politique après la transition démocratique de 1991-1992, ATT  est resté la figure tutélaire de la démocratie malienne. Sa seule présence au sein de l’armée, a  permis malgré les secousses de toutes sortes à la démocratie de fêter ses dix premières années sous la direction d’un pouvoir civil.

Face à une classe politique déchirée, convaincu qu’il n’aura pas la même chance d’avoir une figure protectrice de la démocratie,  il a tiré toutes les leçons dès son retour au pouvoir en 2002, de la décennie 1992-2002 en initiant le concept de consensus politique comme modèle de gestion partagée du pouvoir.

D’ailleurs, au moment où la nécessité de recoudre le Mali s’impose à tous, la revisite du consensus politique en tant que construction politique la plus intelligente et la plus créative que notre pays a connue est un impératif.

Ce modèle alors en construction  était un pari sur la capacité des acteurs dans la  gestion sage et raisonnable des intérêts sociaux divergents, en vue de maintenir la paix civile et le minimum de sécurité qui permette à chacun de s’atteler au développement de sa structure d’origine. Il reposait  sur l’idée selon laquelle le chemin suivi pour trouver une décision est une partie importante de la décision elle-même.

Faire  pour que les gens ordinaires se sentent concernés par le fonctionnement de la démocratie ; que la confiance soit restaurée dans nos institutions et les procédures publiques ; que l’action politique devienne crédible ; que s’élargisse la participation électorale, demeurent encore parmi les défis  dans  l’évolution politique notre pays.

Aussi  le consensus politique présentait-elle  comme une réponse à la démocratie détournée dès sa naissance ; un effort de repenser la politique  dans notre pays ; la construction d’une  nouvelle éthique politique ; une dynamique pour réhabiliter la politique et une démarche pour un renforcement  du contenu social de la démocratie.

Le Président ATT a été un grand leader charismatique et un éclaireur politique, mais il n’a pas été un prophète, même s’il a subi les traitements éprouvés par les  par  tous les prophètes : la méchanceté et les mesquineries de ses contemporains.

A titre d’exemple, en dépit du fait que le consensus politique ait permis  au Mali de survivre à la guerre civile en Côte d’ivoire, pour les détracteurs du modèle, le Mali serait  devenu un  étrange pays démocratique qui, aura  aboli quasiment toute vie politique, puisque les grands partis auparavant opposés et la société civile,  évoluaient ensemble dans un consensus politique.  Cette situation aurait créé une « démocratie apolitique » elle-même devenue  un cercle carré.

Le modèle a été détruit par la France de Nicolas Sarkozy avec l’appui de ses relais nationaux et  au-delà du modèle démocratique, le pays lui-même.

Le soldat de la démocratie a vu ses adversaires détruire l’œuvre de sa vie, son pays qu’il a tant aimé et servi…Mais sa vision et ses réalisations demeurent le repère qu’un autre Mali est possible dans l’unité et le rassemblement.

Depuis son départ du pouvoir, les différentes structures  de légitimité crédibles dans le pays ont été divisées. L’Etat a davantage été désacralisé et dépouillé de son manteau de respect et de considération. Il a perdu sa force, les institutions publiques sont devenues des coquilles vides intellectuellement corrompues, ne maintenant qu’une apparence de légalité.

Le Mali a évolué dans une caricature de démocratie. Cette caricature était  illustrée par l’asservissement du personnel placé à la tête de ces institutions ces dernières années.

S’il y a une certitude, c’est que depuis, le Mali cherche vainement un rassemblement de ses forces vives  pour sortir de la  présente crise.

C’est pourquoi et pour tant d’autres raisons, le président ATT,  est devenu l’absent le plus présent dans nos préoccupations. Il en est ainsi quand ses réalisations sont constamment mises au-devant dans tous les domaines de la vie publique. Depuis 2012, les pouvoirs en exercice  peinent à avoir une identité propre, sans que l’ombre de ATT ne soit plus lisible et plus visible.

Aujourd’hui encore,  la Nature se contente  de nous rappeler le souvenir du bonheur, celui que l’on  n’apprécie que lorsqu’on l’a perdu. Elle s’est chargée de nous  faire  inaugurer des parenthèses douloureuses d’équipes venues conspuer les nombreuses chances que ATT avait ouvertes  et/ou  offertes à  notre pays.

Pour le pays, ATT avait compris qu’il était vain de vouloir  traiter les problèmes d’aujourd’hui avec les solutions d’hier.  C’est pourquoi il avait foi en un Mali fort et capable lorsqu’il se donne la chance d’avancer. Car, au cours de ses siècles d’existence, ce pays a appris que l’on peut trébucher sur une pierre et être capable de gravir une montagne.

Souleymane KONE

Ancien Ambassadeur

solokone189@gmail.com

 

 

 

 

Un habitant de Gao témoigne : « C’était horrible »

Le 31 mars 2012,nous étions tranquillement assis à  la maison, mes compagnons et moi, lorsque nous avons entendu des tirs. Nous étions à  mille lieux d’imaginer que Gao était en train d’être attaquée, même si nous étions sur le qui-vive depuis la prise de Kidal, la veille. Les tirs étaient de plus en plus fréquents. Nous avons été obligés de nous cacher dans nos maisons. Du fond de ma chambre J’ai entendu un hélicoptère de l’ armée survoler la ville. C’’est à  ce moment que J’ai compris la gravité de la situation. Vers le soir les armes se sont tues mais on ne savait pas qui contrôlait quoi. « Le coup d’Etat a fait plus de mal que de bien » Le lendemain les groupes armés qui avaient été chassés sont revenus et ont pris la ville Gao sans rencontrer la moindre résistance. Les militaires avaient fui ! J’ai le sentiment que les populations du nord ont été abandonnées par les autorités du Mali. Je n’ai jamais pensé un seul jour que la ville des Askias pourrait tomber aussi facilement. Ceux qui vivent dans le Nord Mali vont jusqu’à  dire que le coup d’Etat leur a fait plus de mal que de bien parce qu’au moment o๠les mutins fêtaient leur victoire, les populations vivaient dans une peur sans précédent. Car juste après le coup d’Etat l’armée s’est retirée, laissant les populations seules face à  des bandits qui n’ont pas hésité à  les violenter. « Honte à  toutes ces personnes qui ont violé des femmes ! » Des hommes enturbannés, armés de kalachnikov ont pris la place des forces armées et de l’administration. Les scènes qui se sont déroulées à  Gao se passent de commentaires. Il faut les avoir vues et vécues pour s’en faire une idée. De la fumée noire s’échappait des bâtiments en feu, des tirs se faisaient entendre, des habitants fuyaient tandis que d’autres pillaient des magasins. Des banques, l’hôpital, des centres de santé, des services publics ont été pillés. Le MNLA et Ançar Dine se sont rendus responsables de violations des droits de l’homme. J’ai vu des personnes égorgées, des cadavres trainés par terre, des rebelles montés sur des dépouilles humaines comme si de rien n’était. C’était horrible. Et il faut le dire haut et fort à  qui veut l’entendre : il y a eu des crimes contre l’humanité à  Gao. Honte à  toutes ces personnes qui ont violé des femmes alors qu’ils ont tous des femmes, des sœurs et des filles ! « Rêve absurde » Comme beaucoup d’habitants, j’ai essayé de quitter la ville. Le 3 avril, j’ai réussi à  monter dans un car en direction de Bamako. Tout au long du trajet les images de scènes horribles me revenaient en tête. Je pense toujours à  mes frères qui vivent encore l’enfer à  Gao. J’ai longuement réfléchi aux revendications du MNLA. Jamais ces utopistes ne réaliseront ce rêve absurde. Je lance un cri du C’œur aux nouvelles autorités pour qu’elles gèrent la crise avec la plus grande responsabilité et la plus grande ténacité afin que le Mali retrouve son intégrité territoriale. Boubacar Mahamane Tandina

Elections : Polémique autour de la suppression du vote par témoignage

C’’est l’une des principales décisions prises par l’exécutif national au titre de sa réunion hebdomadaire de ce mercredi 5 octobre. Sur présentation du ministre de l’administration territoriale et des collectivités locales, le Conseil des ministres a adopté le projet de loi portant modification de la loi électorale du 4 septembre 2006, relative à  la loi électorale. Au titre de cette modification, au total 7 décisions concernent ladite loi. Mais celle qui retient l’attention des observateurs, C’’est surtout la suppression du vote par procuration. Le gouvernement justifie la présente décision par le souci d’assurer «Â plus de transparences et de crédibilité » dans le déroulement des élections. La décision qui fait polémique La présente décision au Conseil des ministres intervient dans un contexte o๠notre pays s’apprête à  organiser des élections référendaires, présidentielles et législatives de 2012. On comprend alors, le débat suscité par la question, tant au sein de la classe politique, qu’au sein de l’opinion publique nationale. l’argumentaire soutenu par le gouvernement ne semble pas convaincre certains observateurs. Dans les partis politiques aussi qu’au sein de l’opinion, l’on s’interroge sur le bien fondé de cette nouvelle décision. Qui ne permet plus à  certaines couches sociales d’accomplir ses devoirs de citoyens. C’’est le cas par exemple des personnes infirmes, ou les personnes très âgées, dépourvues de capacités de mobilité leur permettant de rejoindre les bureaux de vote. Pourtant, remarquent les détracteurs de la nouvelle loi, ils sont citoyens comme tout le monde, et ont les mêmes droits de vote que les personnes valides. A cette partie de la population, il faut également penser aux réalités des familles dites de culture islamique, dont les contraintes ne permettent pas aux femmes de sortir du cadre de leur foyer. On les appelle communément les familles à  forte croyance religieuse selon lesquelles la place de la femme, C’’est dans la maison. Parmi ces familles, il y a par exemple la famille du Chérif de Nioro de Sahel, qui représente un fort potentiel électoral à  cause de nombre de membres de sa famille. Dans cette grande famille de chefferie religieuse dans le cercle de Nioro, on estime à  une centaine le nombre de personnes susceptibles de voter. Il s’agit donc véritablement d’exemples de familles qui existent au Mali, qui ont aussi leur droit de vote. La nouvelle loi ne permettra point à  ces couches d’exprimer leur voix pour le candidat de leur choix. Comme pour dire que dire que la décision de la suppression du vote par procuration reste un sujet à  polémique.