Timbuktu : C’était donc ça !

Aux kalachnikovs des djihadistes, Abderrahmane Sissako répond par la force de l’image. A l’obscurantisme religieux, le réalisateur mauritanien, présente un islam humain et ouvert; Timbuktu est réduite au silence. Les nouveaux maà®tres font régner la terreur. Mariage forcé, imposition de la burka intégrale, transgression des coutumes locales, lapidation à  mort, coups de fouets publics, interdiction de jouer de la musique, au ballon. Il n’y a plus de vie à  Timbuktu. l’iman est le symbole de l’islam tolérant dans le film. Le vieil homme s’évertue à  sensibiliser les envahisseurs. Il refuse le mariage forcé, « la charia, je la fais sur moi » lance-t-il à  la figure des fous de Dieu. Timbuktu, C’’est aussi le symbole de refus d’une population qui refusent d’être asservies sans broncher. Malgré la force de feu des djihadistes, les populations désarmées ne capitulent cependant pas. Cette résistance pacifique est traduite par ces jeunes qui jouent au football sans ballon, cette femme qui préfère donner ses mains à  couper plutôt que de vendre du poisson des gants, « nos parents nous ont toujours éduqué dans la dignité » clame –t-elle à  la barbe des barbus. La résistance, C’’est aussi cette folle qui floue au pied les nouvelles lois. Elles narguent les occupants, les affrontent dans un face-à -face et n’hésitent pas à  leur lancer « connard ». Timbuktu, C’’est aussi la traduction des difficultés dans le vécu quotidien entre deux communautés. Le pêcheur Amadou qui d’un coup de lance, tue la vache de Kidane, GPS, qu’il affectionnait tant. Parce que l’animal a dérangé les filets du pêcheur dans la rivière. De l’explication qui s’en est suivie, Mamadou, meurt accidentellement. Kidane passe devant le tribunal islamique qui le condamne à  mort. C’’est la charia qui doit s’appliquer même. Le cinéphile est saisi d’une forte émotion quand le condamné, larmes au coin de l’œil fait savoir au « au juge » que la mort ne le fait pas peur, mais son regret C’’est de pas pouvoir regarder sa fille de 12 ans, Toya qu’il aime plus que tout au monde. Dans un calme qui trouble les deux hommes qui scellent son sort, il leur demande s’ils ont des enfants. « Je suis prêt, faites-le », se contente Kidane. Timbuktu, C’’est aussi la dénonciation de la lâcheté des donneurs de leçon. Ce qu’ils imposent aux autres à  coup de fouets, de lapidation, et de kalachnikov, ils se cachent pour le faire. Abdelkrim se cache pour fumer, envie la femme de Kidane, Satima à  qui il rend visite à  l’absence de son mari. Le cinéphile communie avec Timbuktu. Tantôt dans un fou rire avec l’anglais approximatif du jeune djihadiste (Somebody kill Somebody Here), tantôt dans des sentiments de révolte quand un couple est à  moitié enterré et lapidé à  mort, ou quand Kidane et sa femme Satima sont abattus. Côté artistique, Timbuktu est un chef-d’œuvre. l’environnement du tournage se prêtait certainement à  de belles prises de vue. Ces dunes de sable, ces mosquées historiques, ces habitations traditionnelles sont autant d’éléments dont la qualité des images fait la force du film. Le film est tel un documentaire, tellement, la réalité de l’occupation djihadiste est dépeinte sans grand effort. Le scénario ayant été donné par les événements dans la partie septentrionale du Mali. Le film a fait une razzia de prix dans d’autres festivals, l’Etalon de Yennenga est-il déjà  dans l’escarcelle de Abdourahme, Sissako ? « (…) Le jury fera son travail, ce qui permettra de mettre en valeur un film. Quel que soit le film qui sera mis en valeur, ce sera une victoire pour l’Afrique », a dit le réalisateur mauritanien à  la fin de la projection. La réponse C’’est pour ce 7 mars.

« Timbuktu » de Sissako sur les écrans français…mais pas au Mali

La curiosité est grande pour ce film qui a été projeté en Mai dernier au festival de Cannes, mais qui suscite la critique au Mali. S’il est adoubé par les critiques françaises, l’œuvre « Timbuktu » n’a hélas pas obtenu de prix au prestigieux festival de Cannes. Malgré tout à  la veille de la sortie du film sur les écrans français, Sissako, le réalisateur mauritanien d’adoption malienne, a été toute cette journée du mardi, l’invité spécial de RFI, qui lui a consacré ses antennes… Pour revenir à  ce film qui plonge quelques mois en arrière dans les affres de l’occupation djihadiste en 2012 au nord du Mali, un fait divers passé presque inaperçu, confie Sissako à  la journaliste Emmanuel Bastide. Celle de la lapidation d’un couple, jugé adultère, puisque non marié à  Aguel’hok. « Cette histoire a très vite été oubliée, presque pas médiatisée », déplore Sissako, qui en a fait le point de départ de sa fiction. Autre scène phare, celle de cette gazelle au galop, prise en chasse par des jihadistes avec un pick-up. Et cela finit mal à  cause d’une vache qui s’est pris les pieds dans un filet de pêche – A voir la bande annonce, les premières images sont belles, les couleurs intenses, les formes suggérées à  travers les étoffes de ces femmes pudiques du Nord dont l’une d’elle interroge un djihadiste, venu lui rendre visite un soir. « Pourquoi viens-tu me voir alors que mon mari n’est pas là ? Que me veux-tu ? Si ce que tu vois te dérange, alors ne me regardes pas », lance t’elle à  l’oppresseur qui veut la voir couverte de la tête au pied, au risque d’être lapidée. Ainsi « Timbuktu » évoque ces douleurs enfouies, ces traumatismes subis en huit mois, mais aussi cette résistance des habitants de Tombouctou face à  l’obscurantisme. Avec sa caméra, Abderahmane Sissako, interroge ces interdits imposés et cet « islam tronqué » au nom d’un prétendu djihad ou charia d’un jour, sur les valeurs universelles de paix et de tolérance qu’a toujours prôné l’Islam véritable depuis le temps de Mahomet(PSL). Avec des acteurs au jeu profond, Sissako filme avec pudeur et discrétion, comme il le confie lui même, la vie ordinaire d’habitants confrontés à  l’intolérance, à  l’incompréhensible. Il nous dévoile l’infini du désert, l’ocre du sable, les ruelles secrètes de Tombouctou, des images qui entrainent la lenteur, la profondeur… et la réflexion… Tourné près de la frontière malienne, dans une zone rouge dans l’extrême est de la Mauritanie, Timbuktu ne raconte pas une mais plusieurs histoires et relate, ce qui aujourd’hui, ne pourra jamais être oublié par ceux qui l’ont vécu. L’occupation la plus absurde. Une fiction qui peut être ouvrira des voies pour les victimes et poussera à  parler, à  narrer enfin ce qui s’est passé dans la cité des 333 Saints… Si les citoyens français et avant eux les critiques à  Cannes, auront eu la chance de voir le film, il aurait été apprécié du réalisateur, une projection à  Bamako, avant celle sur les écrans français. Mais cela est un autre débat…

Alphadi : «Obama a rendu hommage à l’Afrique »

Journaldumali.com : Alphadi, bonjour, quel regard jetez-vous sur le sommet US-Afrique qui vient de se tenir à  Washington ? Alphadi : Je crois qu’Obama a compris qu’un tel évènement pouvait donner une chance à  l’Afrique de grandir davantage et de se reconstruire. Il ne lui reste plus que deux ans et il était important qu’il montre aux africains que ses origines sont sur le continent. Ce sommet a également eu l’avantage de projeter aux africains la nécessité d’une unité forte autour des grands projets de développement du continent. Pour beaucoup, les Américains cherchent leur intérêt en Afrique, qu’en pensez-vous ? Et d’autres estiment qu’Obama devrait plus se rendre sur le continent ? Je pense qu’Obama en emmenant les leaders africains à  Washington a voulu leur montrer un certain respect. D’un autre côté, il est difficile pour les américains d’organiser une telle rencontre en Afrique vu la diversité des pays. Il y a aujourd’hui une forte diaspora africaine en Amérique, tout comme une forte communauté africaine-américaine, alors ces leaders sont aussi chez eux en Amérique. Les Etats-Unis ont compris que l’Afrique est un continent qui bouge, o๠il y a énormément de possibilités et de richesse. Les Américains ont besoin de nous pour faire du business et nous avons aussi besoin d’eux pour nous exporter à  l’étranger. Obama en organisant ce sommet a rendu hommage à  ce beau continent qu’est l’Afrique. l’évènement « Timbuktu Renaissance » a réuni les Maliens de Washington ? Quel est votre combat personnel sur cette question ? Vous savez je suis de Tombouctou. Et ce qui se passe là  bas me concerne. Je salue cette belle initiative qu’est «Timbuktu Renaissance ». D’ailleurs, je prépare moi-même un grand évènement en décembre à  Bamako. Nous allons réunir de grands artistes pour ramener la dignité et la paix au Mali. Il faut aujourd’hui redonner à  Tombouctou son lustre d’antan, emmener Tombouctou à  sa diaspora et en faire une vitrine du Mali à  l’extérieur. Renaissance oui, car Tombouctou doit être pour le Mali ce qu’est Marrakech pour le Maroc ou Agadez pour le Niger Que pensez-vous des négociations de paix avec les groupes armés du Nord ? Etes-vous optimiste ? Pour moi, la paix est fragile mais elle est possible. Si les discussions avancent bien, un accord de paix pourrait être signé d’ici Décembre. Nous prions beaucoup pour que cette paix soit durable et cela passe évidemment par le dialogue. Il faut également à  travers ces discussions, prendre en compte les préoccupations des populations du nord du Mali. l’unité et la réconciliation nationale sont des préalables à  cette paix et si les Maliens s’unissent autour de leur président, l’union, l’amour du Mali et la paix sont possibles. C’’est mon vœu le plus le cher pour le Mali.

Fatouma Harber : le « Timbuktu » de Sissako n’est pas le Tombouctou que j’ai vécu

Le film du cinéaste mauritanien a été annoncé tambour battant comme étant le seul film africain sélectionné pour la palme d’or du prestigieux festival de Cannes cette année, cela interpelle. Encore plus quand la tombouctienne que je suis apprend que le film s’appellerait « Timbuktu » (Tombouctou en anglais) et porterait sur l’occupation que nous avions vécue d’avril 2012 à  janvier 2013. Pire, il aurait été accueilli par des applaudissements de la presse. Toute la journée, J’ai attendu la projection et les échos de la conférence de presse que le réalisateur mauritanien ferait devinant, presque ce qu’il raconterait en me fiant au casting du film qui donne une place de choix à  des acteurs Touaregs qui auraient vécu les mêmes évènements que moi. Je ne sais pas si mes tweets depuis Tombouctou lui sont arrivés, ni s’il connait l’existence de mon blog, même s’il aurait éclaté en sanglot en conférence de presse en disant « pleurer à  la place des autres », à  ma place en un mot ! Du cinéma ! Hum… quand le sage dit que le chasseur raconte toujours ses parties de chasse comme il le veut car la version de l’histoire du lion a un angle bien différent … je le comprends. Je ne mâcherai pas mes mots encore une fois, mais le scénario de ce film, les scènes qui ont un tel effet sur le cinéaste mauritanien, est cousu de mensonges et d’approximations qui sont honteux. Tous les faits peuvent être retracés par n’importe quel habitant de Tombouctou et malheureusement, C’’est peut-être le coté dramatique qu’il veut donner à  son film, mais je m’insurge en faux ! Rien ne s’est passé comme ce film le soutient, avoir vécu cela ne me fait pas éclater en sanglots, même pour femme que je sois. Ne rien dire après un tel film est un crime pour la militante de Tombouctou. Des faits qui se sont déroulés, il n’y a pas si longtemps sont complètement dénaturés et même transformés par le narrateur qui se permet de changer la tournure des faits pour prendre la place de la victime. C’’est honteux ! L’affiche peut en témoigner. En effet, on voit une femme noire en pleurs, habillée de noir de la tête aux doigts. Nous n’avons jamais eu droit à  cette scène à  Tombouctou o๠les pseudo djihadistes d’ansardine exigeaient que les femmes se couvrent avec le voile traditionnel des femmes arabes de Tombouctou. J’ai moi-même porté ce voile d’une couleur jaune, passant et repassant devant la police islamique qui n’était point éloignée de mon habitat. Je me rappelle encore de l’audience provoquée par mon article sur la protestation des femmes Bellahs, vendeuses de poissons au marché de Yoboutao, et qui se sont déshabillées pour protester contre le port du voile. Le film évoque également un cas de lapidation qui n’a jamais eu lieu à  Tombouctou. Un couple ayant eu un enfant sans mariage a été fouetté sur la place publique de Sankoré par des djihadistes qui se sont relayés, la population y a assisté sans broncher, juste devant la porte de l’Imam de la mosquée de Sankoré (jadis grande université de la ville historique) et qui n’a jamais accepté ne serait-ce que discuter avec les occupants…. Il y a un écart, si ce n’est un fossé avec une vraie lapidation et pour mauritanien qu’il est, monsieur Sissako n’ignore point la signification du mot ni la manière dont cela se déroule. La motivation du cinéaste viendrait du témoignage d’un touareg de sa connaissance, à  propos de l’exécution d’un touareg qui aurait tué un pécheur accidentellement, comme si l’homicide involontaire n’en était pas un. Mais ce qui exaspère le plus dans cette histoire , C’’est la dénaturation éhontée des faits, le tueur, serait un paisible berger touareg du nom de Kidane (un nom pas du tout touareg soit dit en passant) qui aurait réussi à  trouver la tranquillité à  l’écart du désordre régnant dans toute la zone occupée et sillonnée par les troupes du MNLA qui ont été chassées des grandes villes du nord par les islamistes, qui ont épargné les populations des pillages du MNLA Bon ! Certainement. que son ami témoin était un membre du MNLA, car la Mauritanie est la base arrière des défenseurs de la cause du « touareg victime de l’état malien », et je n’irai pas jusqu’à  dire que Sissako est un membre du MNLA, mais C’’est incroyable comme il s’est laissé avoir par le discours de victimisation. Comme la presse internationale d’ailleurs. Quand il affirme que « les Touaregs sont des victimes au Mali » dans l’interview accordé à  jeune Afrique, C’’est aisément compréhensible. Mais C’’est creux ; Avec deux ans de recul, il avait la possibilité d’échapper à  la compassion envers un peuple dont il est proche, je ne sais pas s’il est touareg, mais les différents changements de cap du MNLA durant cette occupation pouvaient l’aider avec un peu de bonne volonté et d’objectivité. Mais il faut reconnaitre que C’’est difficile et que les minorités victimes sont « les chouchous de l’opinion occidentale ». Cannes n’est pas Ouagadougou ! Incohérences, inexactitudes Pour revenir à  son histoire et à  Kidane, qui vivrait tranquillement avec sa femme, sa fille et un petit garçon qui garde son bétail – certainement un petit noir qui est leur esclave en réalité, mais comme cela n’arrangerait pas l’image du gentil touareg, pas de précisions !- aurait tué malencontreusement le pêcheur qui a tué une de ses vaches et tombe entre les mains des djihadistes. Je le dis haut, l’écris en gras : C’’est faux ! Rien n’est vrai dans cette histoire ! Ce touareg qui a été la seule personne exécutée par Ansardine à  Tombouctou, était un membre du mouvement, il n’était pas un habitant de la région et C’’était une personne qui persécutait la population des villages des alentours de Tombouctou. Son acte était prémédité et il a déclaré au pécheur qui refusait d’exécuter ses ordres qu’il était venu spécialement pour lui avant de le tuer froidement de plusieurs coups de fusil. Il est resté libre longtemps et d’ailleurs ansardine a essayé de donner le prix du sang à  la famille de la victime, qui a refusé et a exigé que le coupable soit tué comme le veut la charia. s’il y a un véritable buzz autour du film sur Grace de Monaco, C’’est parce que l’histoire de la roturière devenue reine est bien connue, mais malheureusement, pendant l’occupation de Tombouctou, l’heure était à  la débandade et au repli stratégique des militaires et des fonctionnaires de l’état qui étaient les ennemis des troupes de Touaregs qui sont entrés à  Tombouctou en scandant un Azawad que nous (habitants de la ville ) n’avions jamais réclamé. Les arabes les ont rapidement ralliés. Je n’ai même pas vu le film et J’en crache parterre, je me demande si je pourrais le regarder un jour tellement je suis dégoutée ! Mais il faut reconnaitre qu’il illustre parfaitement le hold-up dont nous faisons l’objet au nord du Mali : les Touaregs se révoltent, invitent tous les bandits du Sahara sur nos terres, des cheiks du Qatar prennent leurs pieds en regardant des obscurantistes torturer d’innocentes populations, fouetter des femmes, en enlever pour des viols collectifs, détruire des mausolées millénaires, détruire tout ce qu’il y a comme infrastructures, des écoles aux dispensaires, faire du bois de chauffe de nos bancs d’école – je me rappelle que l’ambulance de l’hôpital servait à  amener leurs femmes au marché et ce sont eux qui deviennent les victimes de l’oppression et du racisme ? Quand l’histoire a pris une autre tournure et les troupes de serval sont intervenus pour chasser , ils sont devenus les victimes et la guitare a aussitôt remplacé la Kalach. Heureusement qu’il utilise cet orthographe, TIMBUKTU, qui me permet de concrétiser cette différence. Ce film est le fruit d’une imagination fertile! Il y a des choses qu’il faut oser dire !