Kel Assouf, les nostalgiques du désert

Le groupe touareg Kel Assouf, basé à Bruxelles, vient de sortir son second album au début du mois de juin. Une nouvelle « surprise » qu’offre Anana Harouna et son groupe à l’histoire de la musique du désert.

Kel Assouf ou « Ceux de la nostalgie », en langue tamasheq, est de retour avec un nouvel album, 6 ans après « Tin Hinane », du nom d’une reine touareg. Ancien de Tinariwen, le leader Anana Harouna a créé ce groupe en 2006, réunissant des musiciens venus de Mauritanie, du Ghana, de France, du Mali et d’Algérie. Avec ce dernier opus dénommé « Tikounen » (la surprise) le groupe a mis en chansons son émotion devant les tragédies qui s’abattent sur l’humanité.

Un pied dans son désert natal et l’autre en Europe, Anana chante le Sahara, en s’inspirant de la musique traditionnelle touarègue, et bénéficie de l’apport de la voix féminine de Toulou Kiki, comédienne, chanteuse et percussionniste, qui tient le principal rôle féminin dans le film « Timbuktu », réalisé Abderhamane Sissako. « Toulou n’est pas juste une voix, elle porte aussi le message des femmes touarègues », souligne le chef d’orchestre, en mentionnant le fait que dans ses morceaux, l’un des thèmes principaux est la liberté des femmes touarègues. Dans ce « Tikounen », à la batterie et aux guitares électriques, s’ajoute parfois une note de flûte traversière ou de kora, le producteur-musicien tunisien Sofyann Ben Youssef ayant apporté un souffle nouveau avec un son tradimoderne.

Fort de son identité construite autour de deux idées centrales, la promotion de la culture touarègue et la lutte contre la discrimination, Kel Assouf, estampillé « RFI Talents », se caractérise par des compositions originales en tamasheq, qui renvoient à un message de respect mutuel et de paix dans le monde. Après quelques dates en Afrique du Nord, Kel Assouf se prépare pour des concerts en Europe et au sud du Sahara en 2016-2017. Pour celui qui aura choisi l’arme de la guitare, après avoir combattu au sein des rébellions des années 1990 contre les États du Mali et du Niger, « la violence, que ce soit à Paris, Bruxelles, en Syrie ou ailleurs, tout comme la détresse de ce monde nous émeuvent. Nous voulons, même modestement, apaiser ce monde, ne serait-ce qu’avec nos chansons. Remplacer le son des canons par la musique ».

Un « Grammy » en temps de guerre pour Tinariwen

«Â Wouaw, nous l’avons eu ! Toutes nos pensées vont à  nos amis, nos familles qui sont au Nord du Mali et à  tous ceux qui sont réfugiés au Niger, au Burkina, en Algérie ». C’’est le message posté sur facebook par le groupe Tinariwen, qui vient de remporter aux Etats-Unis, le Grammy Award du Meilleur Album de World Music pour leur cinquième album Tassili. Une récompense qui tombe plutôt bien, alors que la rébellion touarègue sévit au Nord du Mali. Le groupe, qui connait ce vaste nomansland a longtemps erré entre le nord du Mali, l’Algérie et la Mauritanie, puisant son inspiration au gré de ses pérégrinations. Leur musique est un mélange de Rock, de blues et de musiques traditionnelles Tamaheqs. D’ailleurs, Tinariwen en langue tergui signifie en français : »les déserts ». Tassili, une oasis dans le désert Tassili, un disque acoustique enregistré en petit comité dans le désert de Tassili, une immense vallée sablonneuse et rocailleuse à  trente-cinq kilomètres de la ville de Djanet, dans le sud-est algérien, a séduit le jury américain des Grammy Awards, qui récompense chaque le gotha de la planète musicale aux Etats-Unis. Un album dont l’enregistrement s’est fait dans la localité de Djanet, au lieu de Tessalit plus au Nord du pays, o๠le groupe avait ses préférences, mais en raison de la présence d’Aqmi dans la zone, il a fallu migrer à  nouveau. Tinariwen est aussi connu pour avoir été un moment chanté la rébellion touarègue. C’était dans les années 70, mais depuis quelque temps, le groupe lance des messages de paix, meme s’il n’a pas officiellement condamné l’actuelle rébellion au Nord du Mali. Pour cette 54è édition des Grammy Award, Tinariwen était nominé dans la catégorie World Music, aux cotés de grandes aristes comme Fémi Kuti, le groupe Afrocubism et Lady Black Smith Mambazo. C’’est au mois de décembre, que le groupe a appris sa nomination pour la compétition des Grammy Awards.

Tinariwen à l’abri de la rébellion ?

«Â Bonjour tout le monde, quelque temps après que la rébellion ait éclaté, la semaine dernière, beaucoup d’entre nous ont fui les villages pour éviter les combats entre rebelles et l’armée. Nous sommes réfugiés ici dans la nature, depuis quelques jours, avec des femmes, des enfants et des vieilles personnes. Beaucoup d’entre nous souffrent de la faim et du froid. Il fait très froid la nuit à  cette période de l’année. La situation est très pénible pour nous mais chacun essaye de tenir. Merci à  tous ceux qui voudront bien penser et prier pour nous. Continuez de nous soutenir. Nous souhaitons de tout C’œur que les choses vont s’arranger. Merci ». Signé Tinariwen. C’’est le message en anglais que nous avons reçu et traduit. Le groupe Tinariwen qui n’est plus à  présenter et connu pour avoir chanté la rébellion dans les années 90, aurait certains de ses membres réfugiés en pleine nature et sans aide après les violents combats au Nord entre l‘armée malienne et les rebelles du MNLA. Un appel au secours qui nous laisse perplexe alors que de nombreuses tournées sont prévues pour le groupe dans le monde, notamment leur participation au 3è festival international des Arts de l’Ahaggar à  Tamanrasset ( Algérie ) du 14 au 19 février. Début janvier, une rumeur affirmait même qu’Ibrahim, leader du groupe avait rejoint la rébellion. Une rumeur démentie par la présence du groupe au dernier festival Au Désert à  Tombouctou. Reste qu’on est toujours sans nouvelles du groupe depuis le début des hostilités au Nord Mali. l’errance toujours Crée en 1982, le groupe Tinariwen chante l’errance qu’a connu le peuple Touareg après la répression violente des années 60 et qui les a conduit vers l’Algérie. Dans un documentaire célèbre, réalisé sur eux, Ibrahim, l’un des leaders du groupe Tinariwen témoignait comment à  5 ans, il avait vu des membres de sa communauté, fusillés par l’armée Malienne. C’était dans les années 70. Ibrahim Ag Alhabib, et Abdalla, les deux principaux leaders du groupe, au dernier festival au Désert de Tombouctou, ont surtout chanté des messages de paix contraires à  cette rébellion, dont les motivations ont changé au fil du temps et dans laquelle beaucoup de touaregs ne se reconnaissent plus aujourd‘hui. « l’amour et la Paix », tel est le nouveau crédo du groupe Tinariwen. Après les manifestations qui ont touché Kati et Bamako, de nombreux personnes issues de la communauté Tamasheq ont fui le nord du Mali, à  l’instar de l’ancienne Ministre Zakiyatou Oualett Halatine, par peur des représailles sur leurs personnes. Pour Tinariwen, le désert n’est pas une grande inconnue et même s’ils ont toujours pas donné d’autres signes, les nombreux fans souuhaitent très vite les revoir sur des scènes o๠les tirs de mitraillettes et les divergences communautaires sont bannies.