Au Mali, les exactions contre les « peaux claires » réveillent des blessures douloureuses

Les accusations d’exactions contre l’armée malienne se multiplient. Jeudi 24 janvier, deux habitants de Niono auraient ainsi, selon un témoignage, été abattus par des militaires. Deux Maliens « à  la peau claire », précise le témoin. Retour sur les précédents historiques qui font craindre le pire. Alors que l’armée malienne prend, avec l’appui de la France, clairement le dessus sur les rebelles du Nord Mali, les inquiétudes se sont multipliées ces dernières semaines. En représaille à  la barbarie des islamistes radicaux, auxquels s’étaient alliés (au début du conflit) les Touaregs du MNLA, des soldats de l’armée malienne ont succombé à  l’attrait de la vengeance. « Il y a des exactions à  droite et à  gauche », explique Florent Geel, directeur Afrique de la Fédération internationale des Droits de l’Homme, contacté par Jeune Afrique, « il y a un ensemble d’agressions à  caractères raciales, basées sur la vengeance ou encore le racket ». Les cibles de ces violences ? Surtout « ceux qui ont la « peau claire » », dit Florent Geel. Jeudi 24 janvier, deux habitants de la région de Niono ont ainsi été abattus par des militaires, qui, du fait de leur couleur de peau, les ont considérés comme « complices des islamistes ». Mais ces tensions ne sont pas nouvelles. Avec la lutte contre les jihadistes, de vieux souvenirs reviennent en mémoire. Retour sur ces événements sanglants, intimement liés aux rébellions touarègues, qui nourrissent les craintes d’un nouveau cycle de vengeance aveugle au Mali. Le massacre de Léré : 20 mai 1991 C’’est sans doute le massacre le plus présent à  l’esprit des populations dites « blanches » du Nord du Mali. Alors que l’année 1991 avait commencé avec espoir avec les Accords de Tamanrasset, le village de Léré va être le théâtre de représailles contre les populations touarègues, assimilés aux voleurs de bétail qui sévissent alors près de la frontière mauritanienne. Le 20 mai 1991, un jeune officier de l’armée, commandant la garnison locale, décide, en représailles des vols, de rassembler un groupe de vieux marchands arabes et touaregs avec leurs fils sur la place du marché. Au nombre d’une cinquantaine, ils sont tous exécutés et leurs familles retenues en otage pendant plus d’un an. Les populations touarègues et arabes le vivent comme un véritable carnage. En quelques semaines, la moitié d’entre elle s’enfuit en Mauritanie, selon l’Institut des Nations Unies pour la recherche sur le désarmement (Unidir). Attaques de Gossi et Foà¯ta et détournement de l’aide humanitaire : 14 mai 1992 Un an plus tard, presque jour pour jour, C’’est dans les environs de Gossi que se produisent de nouvelles exactions. Le 14 mai 1992, douze Touaregs, travaillant pour une ONG norvégienne, sont assassinés par des militaires. D’abord imputée à  des rebelles touaregs, l’attaque du convoi humanitaire a été organisée par la gendarmerie locale, selon le Parlement européen, et sur des bases ethniques. Pour les députés de Strasbourg, ce massacre participe d’une politique de persécution visant à  détourner l’aide humanitaire via l’armée et à  éviter la mise en place de tout projet de développement à  destination des Touaregs. Alors que, le 17 mai encore, 48 éleveurs touarègues sont tués à  Foà¯ta, cette série d’événements provoquent une nouvelle fois la fuite de dizaines de milliers de personnes vers l’Algérie et la Mauritanie. Aux alentours de Ménaka en 1994 Avec les accords signés au sein du Pacte national, patronnés par l’Algérie, une partie des rebelles touaregs intègre l’armée régulière malienne. Cela n’apaise cependant pas les tensions. Le 21 avril 1994, en représailles à  une querelle meurtrière ayant opposé la veille des anciens rebelles « intégrés » et d’autres membres de leur unité, quatre à  douze civils touaregs, selon les informations, sont exécutés de manière extrajudiciaire par l’armée. Selon Amnesty International, ce sont quatre civils, dont une femme âgée, qui ont été abattus. Sept autres femmes, qui s’étaient enfuies, seraient également mortes plus tard sous l’effet de la soif. Suite à  une commission d’enquête, les militaires responsables ont été transférés dans une autre caserne. Cependant, aucun n’a été traduit en justice. Douloureuse mémoire La situation ne cesse alors de dégénérer. Le 12 juin 1994, sur la route de Ménaka à  Andéramboukane, des soldats auraient, toujours selon Amnesty International, procédé à  l’exécution extrajudiciaire d’au moins 22 civils maures et touaregs. Dans le même temps, à  partir du 12 juin, plusieurs exactions ont lieu à  Tombouctou, une nouvelle fois en représailles à  des attaques menées précédemment par des « intégrés » à  Léré, Gourma-Rharous, Andéramboukane et Tombouctou. On dénombre une cinquantaine de victimes parmi la population à  « peau blanche ». Les années 90 ont tristement marqué les mémoires. Au Sud, suite aux rébellions touarègues successives, une partie de la population s’est mise à  considérer le Nord comme une région potentiellement sécessionniste. Dans le Nord, quant à  elles, les populations touarègues n’ont pas oublié les épisodes de représailles et d’exactions. Avec la reconquête actuelle du Nord-Mali par l’armée malienne, ce sont bien les vieux démons qui refont surface.

Sanogo : « Si la situation se durcit au Mali, le monde entier en sera victime »

Le chef mutin s’entretenait avec des journalistes français depuis le camp militaire de Kati, près de la capitale malienne. {Les rebelles avancent à  grande vitesse. Est-ce l’heure d’une opération militaire, d’une contre-offensive de l’armée dans le Nord} La situation est critique, mais pas générée par le CNRDRE. C’est une des raisons pour lesquelles on a décidé de mettre fin à  un régime [celui du président Amadou Toumani Touré]. La situation était déjà  pourrie, depuis une dizaine d’années, par des personnes qui avaient trahi ce pays. Nous mettons tout à  la disposition des forces armées qui doivent préserver l’intégrité du territoire. La situation n’est pas seulement critique pour le Mali. Ce n’est plus une rébellion simple. On a un groupe islamique qui s’installe, avec tout un réseau. Si la situation se durcit, et l’Afrique et le monde entier en seront victimes un jour. {Que faut-il faire à  ce stade ?} Essayons d’oublier le Comité [le CNRDRE], oublions les rouages de la Constitution : on doit faire face à  un problème. Chaque heure compte. {Quelle est la solution ? Vous appelez à  une aide militaire internationale contre les rebelles ?} Si les grandes puissances ont été en mesure de traverser les océans pour aller lutter contre… [un ennemi comparable], qu’est-ce qui les empêche de venir ici ? Le danger, ce n’est pas seulement pour le Mali. Qu’on oublie un peu le Comité. Parlement, Constitution, ça peut attendre. Le dossier grave, c’est au Nord, c’est le plus important. {Une force internationale au Mali serait souhaitable, selon vous ?} Le Comité va toujours dans le sens de ce qui est bien pour ce pays. L’intervention d’une force, d’accord, mais bien canalisée, conformément à  nos principes. L’ennemi est connu, ce n’est pas Bamako. Si une force devait intervenir, elle sait oà¹. C’est là -haut [au Nord]. Des éléments africains ou occidentaux pourraient prendre part à  cette force ? J’ouvre la porte à  toutes les possibilités. Mais, encore une fois, dans le souci d’aller en guerre contre ce système [les rebelles], pas à  Bamako. Vous appelez la classe politique et les organisations à  tenir, jeudi 5 mars, une convention nationale pour décider du futur du pays ? Quand pensez-vous que des conclusions peuvent être attendues ? Nous sommes venus [au pouvoir] pas pour nous [y] éterniser, je le dis et le maintiens. Nous sommes des militaires. Notre mission principale, c’est de sécuriser le territoire, d’assurer la sécurité des personnes et des biens. Si vous voyez qu’on est là  aujourd’hui, c’est par la force des choses. On compte tenir la promesse qu’on ne sera pas là  pour longtemps. Concernant la convention, puisque on l’a fait pour le bonheur du peuple, c’est que quelque chose ne marchait pas. Dans la convention, demain, les participants parviendront à  dégager les grandes lignes d’une feuille de route. Pour le petit temps qu’on aura fait ici, et projeter ce qui se passera plus tard. Y a-t-il a des négociations avec Ansar Dine ou le Mouvement national de libération de l’Azawad -MNLA- [les deux groupes rebelles qui ont pris le nord du Mali] ? Faut-il discuter avec ces deux groupes séparément ? Tant qu’un individu est en armes, avec l’objectif de semer la terreur ou tuer, pour moi ces groupes n’ont pas de différence. Quant aux négociations, les portes sont ouvertes, mais une chose est sûre : l’intégrité du territoire reste mon mot d’ordre. C’est l’une des plus graves crises dans le nord du Mali. Ce qui est certain, c’est que le groupe islamiste est en train de s’installer, et ça n’interpelle pas seulement le Mali. Cela interpelle tout le monde. Vous avez peur que le MNLA décrète une forme d’autonomie, ou de sécession, dans le Nord du pays ? D’abord, en tant que soldat, je n’ai jamais peur. Mais j’ai quelques inquiétudes quand même. Pour l’instant, je préfère ne pas me prononcer. Hier, vous annonciez des poursuites contre « ATT » [le président Amadou Toumani Touré, toujours caché]. Que vont devenir les ministres arrêtés [comme Boubeye Maiga, ministre des affaires étrangères] ? Je n’ai pas de ministre arrêté. Pour le moment, je les détiens pour protéger leur intégrité physique, car je connais bien mon pays. En les laissant en ville, ils peuvent courir un risque. Si on devait faire des exactions, on l’aurait déjà  fait, mais vous conviendrez avec moi que depuis qu’on est là , on est à  l’écoute du peuple, on fait ça pour le peuple, donc on n’est pas dans une chasse aux sorcières. Ces gens, en les laissant en ville, courent un danger. Voilà  pourquoi je les garde, mais ils ne sont pas détenus. Et « ATT » ? Si je le trouve, c’est aux services spécialisés de le décider. Il y a encore un service judiciaire qui fonctionne, c’est à  eux de déterminer. O๠sont les militaires qui ont fui ? Mes soldats n’ont pas fui, ils se sont repliés. Une grande partie est restée à  Sévaré [base militaire près de Mopti]. Etes-vous en contact avec les pays qui sont utilisés par la rébellion comme bases arrières, l’Algérie et la Mauritanie ? Je n’en veux à  personne. D’ailleurs, si nos propres responsables ont permis l’accueil de groupes armés… Tout un groupe [de rebelles] a quitté la Libye et a été accueilli en héros ici, avec les honneurs, et c’est ce même groupe qui en train de tuer les Maliens aujourd’hui… Je n’en veux à  personne. Au contraire, je les invite à  une collaboration pour éradiquer le mal commun. Avez-vous peur de voir la classe politique qui était aux affaires revenir au pouvoir ? C’est ma plus grande préoccupation. Il y a ceux qui ont fait dix ou quinze ans au pouvoir. De député on devient ministre sans rien rapporter au pays. Vous croyez que les mêmes têtes vont rester ? Nous, on veut un changement, pas un changement pour changer, pour les valeurs. « Tu as dirigé le Mali pendant trente ans, et tu t’accroches encore ? Laisse les autres s’exprimer ! » C’est tout ce que je demande à  la classe politique. Si la convention nationale décide que votre départ est souhaitable, que ferez-vous ? Laissons la convention décider de cela, mais laissez-moi vous dire quelque chose : à  l’heure o๠nous sommes, on a déjà  évité un chaos. J’espère bien que la convention ne souhaitera pas voir ce Comité disparaà®tre, parce que ça va être le chaos le lendemain. L’application des sanctions est-elle une grande surprise ? La Cédéao [Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest], c’est l’organisation à  laquelle nous appartenons, je respecte leur décision, mais je les appelle au dialogue. Il est temps qu’on aille vers une Cédéao des peuples et non des Etats, des peuples d’Afrique. Je n’ai rien contre les circuits institutionnels, mais j’ai peut-être quelque chose contre les hommes. Si dans vingt à  quarante jours, il n’y a pas d’élection, il y aura un vide. Ce vide, qui va le combler ? Au lieu de perdre deux mois et de repartir sur quelque chose d’incertain, puisque il y a déjà  des acquis, pourquoi ne pas faire un démarrage imminent ? On gagne en temps, on gagne en structure, on gagne en confiance. Et surtout le CNRDRE est le comité du peuple, vous l’avez remarqué, faites des sondages. On a posé un acte qui a plu au peuple. Des propositions pour la Cédéao ? Je suis obligé de garder une position. Ce n’est pas de la bravade, c’est pour l’intérêt du peuple malien. L’heure n’est pas au Comité, ou au jeu politique, ça peut attendre dix ans. C’est un pays de la Cédéao qui est en train de mourir chaque jour, c’est ça la priorité. L’administration à  Bamako fonctionne, les gens vaquent à  leurs affaires, le Comité est là , bien respecté, donc il n’y pas d’urgence ici. L’urgence, c’est le Nord. Les pays qui conseillent à  leurs ressortissants de quitter le pays ? Ils ont leurs raisons. Vous êtes là , à  Bamako, on vous a menacé ? Certains journalistes l’ont été, oui… Certains journalistes ? Ceux qui les ont agressé ont leurs raisons. Mais moi, ma mission est d’assurer la sécurité des personnes et des biens sur le territoire malien, que vous soyez malien ou étranger. Et si je suis incapable de le faire, ce n’est pas délibéré. Y a-t-il déjà  un effet des sanctions qui perturbent le secteur bancaire ? Pour le moment, le Mali marche bien. Pour les structures bancaires, je ne suis pas informé, mais ça marche. Je peux vous assurer qu’on n’arrivera pas à  ce point.

Mali : la Cedeao place la junte sous « embargo »

Les chefs d’à‰tats de la Communauté économique des à‰tats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) ont frappé fort. Réunis lundi 2 avril à  Dakar à  l’occasion d’un sommet extraordinaire, ils ont décidé d’imposer à  la junte au pouvoir au Mali un « embargo total », c’est à  dire à  la fois diplomatique et financier. « Toutes les mesures diplomatiques, économiques, financières et autres sont applicables dès aujourd’hui (lundi) et ne seront levées que quand l’ordre constitutionnel (sera) effectivement rétabli, a déclaré le chef d’à‰tat ivoirien Alassane Ouattara, président en exercice de la Cedeao. Parallèlement, la Cedeao a décidé la mise en place immédiate de sa force militaire, qui était déjà  en état d’alerte depuis plusieurs jours. Les modalités d’activation de cette force de quelque 2 000 hommes doivent être étudiées lors d’une réunion d’un comité des chefs d’état-major dès cette semaine à  Abidjan. « Les déclarations de la junte vont dans le bon sens » « La situation au Mali est très grave, c’est un coup contre la démocratie et une atteinte à  l’intégrité territoriale de ce pays », a affirmé Ouattara. Et de répéter : « Ce n’est pas acceptable. Le retour à  l’ordre constitutionnel et à  l’intégrité territoriale doivent se faire dans les plus brefs délais. » De son côté, la junte a promis dimanche le retour à  un pouvoir civil et une transition démocratique avec des élections dont la date n’a pas été précisée. Une marque de bonne volonté qui n’a visiblement pas suffit à  calmer l’ire de Ouattara. « Les déclarations de la junte vont dans le bon sens, mais il faut que ce soit effectif, que la junte se mette à  l’écart et transmette le pouvoir aux autorités constitutionnelles reconnues », a estimé le président ivoirien. Le sommet de Dakar a également demandé que le gouvernement légitime qui doit être « mis en place dans les prochains jours ouvre le dialogue avec les mouvements armés », a poursuivi Alassane Ouattara. « Nous allons transmettre ces décisions au président de la Commission de l’Union africaine (UA) Jean Ping afin de lui demander de saisir le Conseil de sécurité de l’ONU pour accompagner ces décisions », a-t-il le président de la Cedeao. à‰ventuelle saisine de l’ONU Le ministère français des Affaires étrangères, Alain Juppé, qui assistait à  la réunion de la Cedeao en marge de l’investiture de Macky Sall comme nouveau président du Sénégal, a quant à  lui indiqué que le Conseil de sécurité pourrait aussi être saisi par Paris des éventuels besoins de l’organisation ouest-africaine pour régler la crise au Mali. La France soutient les efforts de la Cedeao, qui a mandaté le président (burkinabè Blaise) Compaoré comme médiateur, et elle relaiera auprès du Conseil de sécurité, avec ses partenaires africains au sein du Conseil, les besoins de la Cédéao pour appuyer ses actions », avait affirmé plus tôt un porte-parole du Quai d’Orsay, Romain Nadal.

L’avancée des rebelles dans le Nord du Mali inquiète

La situation militaire se dégrade rapidement dans le nord du Mali plaçant la junte au pouvoir à  Bamako depuis dix jours dans une position extrêmement délicate. Samedi, après le chute de Kidal la veille, les rebelles de Mouvement Nationale pour la libération de l’Azawad (MNLA), une rébellion touareg, étaient entrés dans Gao, la seconde ville du nord-Mali o๠ils se heurtaient à  l’armée malienne. Toute la matinée, d’importants combats se sont déroulés dans la périphérie de la cité. Dans l’après-midi, le MNLA, appuyés par les hommes de la milice Ansar Dine, un groupe salafiste dirigé par Iyad ag Ghaly, semblait avoir pris le contrôle de toute la ville. On ignorait cependant samedi soir le sort de camp militaire situé à  une dizaine de kilomètres au sud-est de Gao. Cette importante caserne sert de centre opérationnel à  l’état-major malien et de base aux trois hélicoptères engagés dans les combats. L’éventuelle chute de ce site achèverait de désagréger le front malien. Dans le même temps, des accrochages étaient signalés aux environs de Tombouctou, la capitale du nord du pays. Selon un homme d’affaire originaire de cette ville, les rebelles n’en seraient qu’à  quelques kilomètres. L’armée malienne, pour sa part, se serait repliée au moins en partie plus au sud. Les mouvements touaregs sont renforcés Pour le MNLA, qui revendique l’indépendance de l’Azawad, une vaste zone qui comprend notamment une bonne part du nord Mali, la prise de ces deux villes signifierait la réalisation complète de ses objectifs en un temps record. Cette avancée fulgurante doit beaucoup à  la supérioté de ses armes. Les mouvements rebelles touaregs, qui agitent le nord du pays presque sans discontinuer depuis l’indépendance en 1960, ont été considérablement renforcés avec l’arrivée à  l’automne d’hommes venus de Libye. La chute de Kadhafi a en effet entraà®né le retour aux bercails d’au moins 2000 de ces mercenaires d’origine malienne avec leurs armes. Cet afflux a radicalement changé le rapport de force entre les Touaregs et une armée malienne, très mal équipée. Le MNLA a aussi profité ces deniers jours du coup d’état qui a renversé le 22 mars le président Amadou Toumani Touré, désorganisant le commandement malien. Pour la junte, arrivée en pouvoir en affirmant précisément agir pour renverser le sort des armes dans le nord du pays, cette avancée est un désaveu. Dans une interview accordée à  Radio France Internationale (RFI), le chef du Comité national pour restauration de la démocratie et le redressement de l’Etat (CNRDRE), le capitaine Amadou Haya Sanago, a assuré que ces récents revers n’étaient pas pour lui une défaite. «On ne peut pas redresser en dix jours dix ans d’erreur», a-t-il expliqué. L’officier appelle également à  l’union nationale pour sauver l’unité du pays. Un argument qui semble porter. Les partis politiques qui dans un premier temps avaient rejeté le coup de force et exigé un retour à  l’ordre constitutionnel s’y sont montrés sensible. «L’heure n’est plus au discussion. Il faut que le monde politique se réunisse pour trouver une solution rapide. Il faut sauver le Mali», affirme ainsi Ibrahim Boubacar Keita, ancien premier ministre. Le Front du refus, un collectif de partis et d’associations formés pour lutter pour le putsch, a lui aussi lancé un appel en ce sens. La junte veut aussi convaincre les pays voisins de lui venir en aide. Mais la Communauté économique des états d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) a lancé au CNRDRE un ultimatum qui se termine lundi pour rendre le pouvoir sous peine d’un embargo diplomatique et financier. Une telle mesure étoufferait rapidement le Mali. Samedi, une délégation du CNRDRE était à  Ouagadougou pour rencontrer le président burkinabé Blaise Compaoré, nommé médiateur de cette crise. «Nous espérons infléchir la position de la Cédéao et obtenir son aide», a affirmé le capitaine Sanago. Une aide que la Cédéao semble prête à  lui accorder. à€ une condition. Vendredi le président ivoirien Alassane Ouattara a une nouvelle fois exigé le retour à  l’ordre constitutionnel avant toute chose. Le ministre des Affaires étrangères Burkinabé, était lui attendu samedi soir à  Bamako pour tenter de trouver une sortie de crise. De notre envoyé spécial à  Bamako

SITUATION AU NORD : Déclaration du Président Amadou Toumani Touré, Chef de l’Etat

Mes Chers Compatriotes, A chaque fois qu’un mouvement armé surgit dans les régions du Nord du Mali, il menace en tout premier lieu ce que nous avons de plus cher et de plus précieux : l’unité nationale ! La crise actuelle que nous traversons ne fait pas exception à  cette règle. Je ne me lasserai jamais donc de rappeler, comme à  Diéma en mai 2006 et plus récemment à  Dioà¯la, Barouéli et Touba, que le Mali est Noir, que le Mali est Blanc et d’y ajouter que cette diversité est une force et une richesse que nous devons préserver à  tout prix. J’invite donc l’ensemble de nos compatriotes à  garder le sens de la fraternité qui nous a toujours caractérisés, à  éviter le piège de la confusion et de l’amalgame pour ne pas faire le jeu de ceux qui ont choisi de troubler la quiétude de notre pays. Je voudrais convier toutes les Maliennes et tous les Maliens à  savoir faire la part des choses. Ceux qui ont attaqué certaines casernes militaires et localités au Nord ne doivent pas être confondus avec nos autres compatriotes Touareg, Arabes, Songhoà¯, Peulh… qui vivent avec nous, qui vivent nos difficultés, qui ont choisi le Mali, qui ont choisi la République, qui ont choisi la loyauté et qui ont les mêmes droits et les mêmes aspirations que nous à  vivre en paix dans un pays dédié totalement à  son développement. Ne les confondez pas avec ceux qui ont tiré à  Ménaka, Tessalit, Aguel’hoc, Niafunké et ailleurs. Nous avons plutôt le devoir d’aider nos frères et sœurs, de les assister pour surmonter les épreuves du moment. Mes Chers Compatriotes, Que personne ne fasse cette confusion dans les quartiers, dans les villages et hameaux, dans les camps militaires, dans les camps de la Garde Nationale, dans les Services de la Douane, et tous les autres Services de l’Etat, Administration publique comme privée. Ne faites pas d’amalgame entre celui qui a tiré là -bas, sur un poste militaire, et un autre malien qui, ici, travaille et s’occupe dignement de sa famille. Je suis avec attention l’évolution de la situation. Je demande à  ce que l’ensemble des Maliennes et des Maliens se tienne la main. Ne confondez pas, je le répète, les paisibles citoyens avec des gens qui ont pris la lourde responsabilité de se mettre au ban de la communauté nationale pour des raisons qu’ils sont seuls à  connaà®tre. Au Mali, on n’a plus besoin de prendre des armes pour se faire entendre. La démocratie offre toutes les voies d’expression à  tout citoyen. Je condamne fermement les atrocités commises à  Aguel’hoc, et salue le comportement héroà¯que et professionnel des Forces Armées et de Sécurité qui, au prix du sacrifice ultime, ont accompli leur mission de protection des populations. A leurs familles endeuillées, je tiens à  présenter mes condoléances les plus attristées. Je voudrais dire aux parents, épouses, frères et sœurs et aux enfants des soldats tombés sur le champ de l’honneur que leur deuil est celui de la Nation tout entière qui sera éternellement reconnaissante, et se tiendra à  leurs côtés. Mes Chers Compatriotes, C’’est le lieu de réaffirmer notre soutien indéfectible aux Forces Armées et de Sécurité pour leur engagement sur le terrain. l’Etat mobilisera tous les moyens aux plans de l’équipement, de la logistique et de l’entretien pour leur permettre d’accomplir efficacement leur mission de préservation de l’intégrité territoriale et de protection des personnes et de leurs biens. Je veux enfin dire à  tous nos compatriotes ceci : « les assaillants ont choisi le harcèlement sur le terrain pour exercer une pression sur l’opinion et, par conséquent, nous opposer les uns aux autres. Le Mali vaincra pour préserver l’héritage commun aux Maliens du Nord et du Sud, fruit de siècles de brassage, de solidarité et de fraternité ». Je vous remercie de votre aimable attention ! Koulouba, le 1er février 2012