Transport transfrontalier : Maliens et sénégalais accordent leurs violons

Plusieurs sujets étaient sur la table des Premiers Ministres sénégalais et malien. Souleymane Ndéné Ndiaye et Mme Cissé Mariam Kaà¯dama Sidibé ont manifesté leur désir de mettre fin aux entraves à  la fluidité du trafic sur le corridor Bamako-Dakar. Il s’agirait entre autres de réduire à  trois le nombre de postes de contrôle, de mettre en place une caution unique du transit routier inter-à‰tats, d’identifier les véhicules de transport inter-à‰tats par un macaron… La rencontre s’est tenue en présence de plusieurs ministres des deux gouvernements et de plusieurs acteurs évoluant dans les secteurs de transport et de commerce, réunis grâce au soutien financier et technique de l’USAID. Depuis plusieurs mois, les transporteurs maliens rencontrent d’énormes problèmes dans leur travail. Véhicules et marchandises, ou pire passagers bloqués pendant des heures aux postes de contrôle, multiplication anarchique des dits points de contrôle, perceptions illicites plombent les coûts et rendent compliqué l’exercice de leur travail. «Il y a plus d’une vingtaine de postes de contrôle entre Bamako et Dakar. Ce qui est contraire à  la réglementation de l’UEMOA en la matière qui est de trois postes de contrôle (le départ, la frontière et la destination finale)», déplore le secrétaire général du Conseil malien des chargeurs, Seydou Traoré. La directrice de l’USAID, Mme Rebecca Black, a elle évoqué le rapport 2011 de l’Observatoire des pratiques anormales sur les axes routiers. Selon ce document, le dernier trimestre 2010 a été marqué par une recrudescence des tracasseries routières, à  tel point que le Mali et le Sénégal occupent respectivement les 2è et 3è rangs dans le classement des pays à  fort taux de rackets sur les routes. Le même rapport constate une croissance et une persistance des pratiques anormales sur les différents corridors. Les acteurs du secteur privé malien et sénégalais ont identifié des obstacles à  la fluidité des échanges commerciaux sur le corridor Bamako-Dakar. Il s’agit, entre autres, de la non application de réglementation communautaire en matière de contrôles routiers, le nombre élevé des points de contrôles routiers, des tracasseries administratives, la persistance des perceptions illicites. Plus que trois ! A l’issue des travaux, le rapport conjoint des experts qui identifie les contraintes majeures au développement des échanges sur le corridor a été adopté par les participants. Les mesures prioritaires sont relatives à  l’opérationnalisation du transit routier inter-à‰tats unique entre les deux pays avant le 1 juillet 2011 considéré comme date butoir. Elle consistera notamment en l’utilisation d’un carnet unique du transit routier inter-à‰tats, et la mise en place d’une caution unique du transit routier inter-à‰tats par la signature du protocole entre les chambres de commerce du Mali et du Sénégal et l’identification des véhicules de transport inter-à‰tats par un macaron. Il a été aussi décidé de la suppression de toutes sortes de pratiques illicites le long du corridor conformément au traité de l’Union économique et monétaire ouest africaines (UEMOA) et au protocole de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO), relatifs à  la libre circulation des personnes et des biens. Mais la mesure la plus saluée est la réduction à  trois du nombre de postes de contrôle (un au départ, un à  la frontière et un au lieu d’accomplissement des formalités), conformément à  la réglementation de l’UEMOA en la matière. Pour ce faire, tous les autres postes ou points de contrôle doivent être supprimés et un effort des deux parties sera fait en vue de la réalisation rapide des mesures d’accompagnement, comme la construction des postes de contrôle juxtaposés. Maliens et sénégalais se sont mis d’accord également pour la réalisation effective des programmes d’entretien routier du corridor. Ils se sont engagés à  trouver les financements nécessaires, notamment auprès des institutions communautaires. Un comité paritaire de suivi et d’évaluation devra être mis en place pour veiller à  la mise en œuvre des recommandations de la conférence, à  travers un plan d’actions à  élaborer dans les semaines, voire les jours à  venir.

Espace CEDEAO : Un nouveau rapport accablant sur les tracasseries routières

Sur les différents axes routiers dans l’espace sous-régional, les textes relatifs à  la circulation des personnes et de leurs biens ne sont pas respectés. C’’est ce qui ressort du dernier rapport de l’Observatoire des Pratiques Anormales. Ce rapport, dont le contenu est entrain d’être vulgarisé par le CAD-Mali dans le cadre du projet «Â Gouvernance routière », indique une recrudescence des tracasseries routières sur les corridors des pays membres de l’UEMOA et de la CEDEAO. En effet, selon le rapport, tous les indicateurs (déjà  élevés) ont enregistré une hausse généralisée, favorisée en grande partie par le contexte de crise en Côte d’Ivoire, la culture de l’impunité et le manque d’uniformité ou la faiblesse des dispositifs d’application et de mise en œuvre des réglementations et politiques de lutte contre les tracasseries routières. Selon le rapport, on a enregistré des hausses de 2,8%, 3,5% et 73,6% respectivement pour le nombre de contrôles, de rackets et de temps de contrôles par rapport au trimestre précédent sur l’ensemble des six corridors suivis par l’OPA. Il en découle donc, des résultats alarmants et somme toute très insatisfaisants. Axe Ouagadougou-Bamako décrié En termes de « Nombre de contrôles », le corridor Ouagadougou-Bamako demeure le plus dense avec plus de trois arrêts tous les 100 km soit environ 28 arrêts par voyage. Cette situation est imputable, selon les enquêteurs, à  la partie malienne, du fait du nombre élevé de contrôles sur ce tronçon, lequel, à  lui seul, enregistre plus de 4 arrêts tous les 100 km soit 20 contrôles par voyage contre 8 du côté Burkinabè. Le corridor Lomé-Ouagadougou enregistre ce trimestre le nombre le moins élevé de contrôles avec près de deux arrêts par 100 km soit environ 19 contrôles par voyage. Le Sénégal arrive en tête des pays o๠la densité des contrôles chaque 100 km est la plus élevée. La Côte d’Ivoire vient en deuxième rang suivi du Mali, du Ghana, puis du Burkina, et enfin du Togo. Au Sénégal, la gendarmerie est en tête des contrôles intempestifs, suivie de la Police, puis de la Police des Frontières et de la Douane. Perceptions illicites En termes de « Perceptions illicites », le corridor Abidjan-Bamako demeure en tête des corridors à  fort taux de rackettage avec 6 470 F CFA de perceptions illicites « rackets» tous les 100 km, soit 75 953 F CFA par voyage et par camion. La Côte d’Ivoire, précise le rapport, demeure en grande partie responsable de cette situation avec 8 689 F CFA de perceptions illicites « rackets » tous les 100 km, soit 61 692 F CFA par voyage (dont 53 872 F CFA extorqués par les Forces Nouvelles et les Agents d’escorte des camions). Ce taux hisse la Côte d’Ivoire au sommet des tronçons routiers inter-Etats o๠les camionneurs paient le plus lourd tribut en matière de tracasseries routières. Le corridor Téma-Ouagadougou arrive en 6ème position avec environ 18 894 F CFA respectivement prélevés par voyage et par camion. Par Etat, la Côte d’Ivoire occupe le 1er rang dans le classement des pays à  fort taux de rackets (aux 100 km) suivie du Mali, du Sénégal, du Burkina, puis du Togo et enfin du Ghana. Temps de contrôle En terme de « Temps de contrôles », le corridor Bamako-Dakar arrive en tête des corridors à  long temps de contrôles avec 30 minutes perdues tous les 100 km, soit un retard de 441 mn (7h 21mn) accusé par voyage. « Le Mali et le Sénégal sont mutuellement responsables de cette situation avec respectivement 31 mn et 28 mn de retard enregistré aux 100 km »mentionnent les enquêteurs. Le corridor Abidjan-Bamako arrive en dernière position avec 15 mn de temps de contrôles tous les 100 km. Par Etat, le Sénégal occupe le premier rang dans le classement des pays à  long temps de contrôles (aux 100 km) suivi du Mali, de la Côte d’Ivoire, du Burkina, du Ghana et enfin du Togo. A la lecture de ce rapport, on constate donc une croissance et une persistance des pratiques anormales sur les axes routiers de la sous-région. Ce qui souligne encore l’insuffisance des efforts actuels en matière de l’application des textes relatifs à  la libre circulation des personnes et de leurs biens.

Transport au Mali : D’énormes difficultés sur les routes

Aucune institution pour gérer les transporteurs Au Mali, le transport occupe une place importante dans le produit intérieur brut du pays. Mais les principaux acteurs de ce secteur considèrent qu’ils ne sont pas assez aidés et soutenus par l’Etat. Le président de la Fédération Nationale des Groupements Professionnels des Transporteurs Routiers (Fenagroup), Mamadou Koroba Traoré explique que le Mali dispose de nombreux textes. Des textes sur le transport qui compliquent la tâche des transporteurs. Ils les compliquent selon lui parce que « il n’y a pas d’institution au Mali, qui s’occupe spécifiquement du domaine du transport excepté les systèmes coopératifs. C’’est pour cela que nous avons élaboré un document sur le droit de traversée. » Ce document établit les normes que doivent de respecter les transporteurs. Mr Traoré explique que l’application de ce texte n’est pas encore effective au Mali car rencontrant des difficultés lors de son application. Il trouve cela dommage parce que « nos frères transporteurs burkinabés se sont inspirés de notre document, pour l’appliquer chez eux et ils gagnent des milliards de FCFA aujourd’hui et ne dépendent plus de l’Etat. C’’est ce que nous recherchons, C’’est l’indépendance. Nous avons besoin de l’aide du Mali et du patronat, notre structure de tutelle, pour pouvoir avancer et être autonome et indépendant.» Il faut dire que le document sur le droit de traversée existe depuis quelques années déjà . s’unir pour mieux réussir Les transporteurs maliens répartis en trois groupements distincts, reconnaissent que ce n’est qu’en unissant leur force qu’ils pourront espérer avoir une autonomie économique. Ce sont notamment le Fenagroup, le Syndicat des Entreprises de Transport (SET) et la Fédération Nationale des Transporteurs Routiers du Mali. Modibo Fofana est transporteur routier depuis plus d’une dizaine d’années. Il juge essentiel que le conseil malien des transporteurs routiers et les différents syndicats s’asseyent sur une même table et discutent. Selon lui, « il faut que chacun sache quel rôle il a à  jouer et quelle place il occupe réellement ; sinon les tâches vont se chevaucher et compliquer la bonne exécution du travail, tout en créant des zizanies entre nous. » Le président du syndicat des entreprises de transport, Amadou Traoré indique que le gouvernement a mis en place il y a quelques années, le Conseil National du Transport. Ce conseil de son point de vue, ne fait pas ce qu’il faut pour aider les transporteurs du pays. Il pense aussi que le secteur du transport est assez mal représenté au sein de leur structure de tutelle, notamment le conseil national du patronat du Mali. Surtout que « le transport subventionne présentement l’économie du pays, il est difficile pour nous transporteurs de rentabiliser. » Le président du Cnpm, Mamadou Sidibé demande aux trois principaux groupements de se mettre ensemble pour ne former qu’un afin de mieux gérer les problèmes et éviter que l’aide se disperse or les problèmes sont pareils. Il importe aussi pour lui, que les cotisations soient payées régulièrement car, « C’’est grâce à  elles que nous arrivons à  nous entretenir et vous venir en aide. Nous sommes là  pour vous et prêts à  vous aider du mieux que nous pouvons. Aidez nous donc à  vous aider. » Le transport routier connait effectivement d’importants problèmes et particulièrement, les trajets inter-états. Les principaux acteurs jugent excessifs les taxes payés le long des routes. Le transport routier inter-états (TRIE), élaboré par l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (Uemoa), représente une des facilité du transport routier dans l’espace. Mais les transporteurs dénoncent l’application abusive de certains textes.