Khalid Dembelé : « Il faut diminuer le train de vie de l’État »

Le Premier ministre a annoncé le 21 janvier la rationalisation de dépenses publiques en carburants, produits alimentaires, achats de véhicules, billets d’avion et missions hors du pays. 14,194 milliards de francs CFA devraient être économisés sur les deux premiers volets. En même temps les grèves se succèdent pour l’amélioration des conditions de vie des Maliens. Le doctorant Khalid Dembelé, économiste et chercheur au CRAPES, répond aux questions de Journal du Mali à ce sujet.

Cette décision était-elle attendue ?

Lorsqu’on regarde les inégalités et l’extrême pauvreté au Mali, l’insécurité et les grèves de l’UNTM et d’autres syndicats, tout cela signifie qu’il y a un gouvernement qui dit qu’il est en difficulté, mais son train de vie ne fait qu’augmenter. La population veut voir, malgré les difficultés, des efforts de sa part. Il y a besoin aujourd’hui de baisser le train de vie de l’État rien que pour calmer le front social, en pleine ébullition.

Quels pourront être les effets de ces mesures ?

Si tout cela s’exécute dans le concret, elles permettront à l’État de faire des économies et d’augmenter sa capacité d’investissement. Quand les gens ont de l’argent ils peuvent améliorer leur niveau de consommation. Ces mesures doivent créer un surplus budgétaire. En épargnant, l’État doit investir et créer de l’emploi. Ce faisant on améliore les conditions de vie des populations de façon collective.

Rien que pour les carburants et produits alimentaires, cela représentera 14,194 milliards de francs CFA. C’est significatif ?

Absolument, surtout dans une économie petite comme la nôtre. Cela permettra de lever des fonds pour investir. Mais le problème c’est l’écart entre ce que notre État dit et ce qui se passe concrètement. Ce n’est pas la première fois qu’on entend de telles déclarations de baisse du train de vie de l’État. Mais quand on regarde la Loi de finances de 2019, le train de vie de l’État n’a pas baissé, mais plutôt augmenté par rapport à 2018. Il y a un écart entre ce que l’Exécutif dit et sa réelle volonté de le matérialiser.

Comment se présente la croissance ?  

La croissance économique va baisser, par ce que l’on passera de 5,1 à 4,9%. Une baisse de croissance fait référence quelque part à une baisse d’activité et d’investissements et il y aura donc une augmentation du chômage. La dette publique  va également augmenter. Cela veut dire que ce sont les générations futures qui seront exposées. Il y a l’insécurité grandissante et un front social en ébullition. Tout cela augure d’une instabilité sociopolitique. Il y a trop d’incertitudes pour qu’un investisseur ayant la tête sur les épaules se lance dans ce contexte.