Partis politiques : ces départs qui dérangent…

Le spectacle peut paraà®tre anodin à  première vue, mais à  regarder de près il mérite des questions. En fait de spectacle, il s’agit de la démission fracassante du président du Haut conseil des collectivités, Oumarou Ag Mohamed Ibrahim de son parti, l‘Adéma-PASJ au profit du parti au pouvoir, c’est-à -dire le Rassemblement pour le Mali(RPM). Dans sa nouvelle aventure, il est accompagné d’un certain nombre de cadres de l’Adéma. Tous ont décidé de convoler en justes noces samedi dernier avec le parti du tisserand. Histoire pour eux de ne pas jouer à  pile ou face leur avenir politique avec le parti Adéma, et face aux turbulences depuis la controversée candidature de Dramane Dembélé aux élections présidentielles de 2013, en de se tissant un pagne estampillé RPM, synonyme aujourd’hui d’un avenir radieux. En bombant le torse à  la télé pour annoncer, sous les applaudissements nourris de la salle, Oumarou donne la piteuse image du politicien réduit à  la girouette qui prend le sens du vent. Girouette politique Le président du Haut conseil des collectivités a jugé bon de quitter l’Adema, le parti qui l’a pourtant façonné avant de le hisser sur un piédestal. Cette démission pose une fois encore la problématique de la transhumance politique sous nos cieux. Quelle crédibilité cet homme politique pourra-t-il avoir devant ses compatriotes en rejoignant à  midi pile le RPM ? Quelle image donnera t’il à  la jeune génération en termes de bonne conduite en politique ? Il n’envoie aucun signal positif. Bien au contraire, son comportement a fini de corroborer les idées reçues en politique sur le déni de vérité,le rejet de l’honnêteté, bref aux antipodes de la morale et des convictions. Le tout nouveau tisserand aurait pu prendre l’exemple sur le très respecté et courageux Ali Nouhoum Diallo qui, malgré les vicissitudes, est resté caution morale d‘un parti qui lui doit beaucoup et vice-versa. Avant Oumarou Ag Ibrahim, un autre cacique de l’Adéma-PASJ avait ouvert le chemin dans ce sens en décidant d’aller courtiser , au crépuscule de sa vie politique, l’Union pour la République et la Démocratie( URD) Soumaila Cissé. Tout comme le premier cité, Iba Ndiaye doit son semblant de prestige au parti de l’abeille et sans le miel du quel, il ne pourrait consommer sa bouillie nationale. En allant se réfugier derrière les poignées de main de l’URD, il veut certainement se protéger des rayons de soleil de la galère sentie suite à  son éloignement des prestiges du pouvoir. l’un comme l’autre ont prouvé qu’ils s’étaient mariés avec l’Adema pour le meilleur et non le pire. Ainsi va la politique sous nos cieux.

Ruée vers le RPM : la valse des militants

A l’intérieur du Mali, comme dans le district de Bamako, le parti RPM ne cesse d’enregistrer des adhésions tous azimuts. Comme il fallait s’attendre, les militants des partis de l’opposition comme des partis d’alliance de la majorité présidentielle virent avec armes et bagages au RPM. Quand certaines veulent se positionner sur les têtes de liste avec l’objectif d’être réélus dans leurs communes, d’autres veulent s’approcher du pouvoir pour bénéficier des grâces du régime et fleurir leurs affaires. Ce qui explique ce phénomène de transfuge, de débauchage massif et de transhumance qui dominent l’actualité politique au Mali. La valse des militants A titre d’exemple, à  Niéna, dans la région de Sikasso et village d’origine de l’homme d’affaires malien, Malamine Koné, la démission en cascade de militants des rangs de l’URD et de l’Adema au profit du RPM est parlante. En clair, les deux formations politiques ont purement et simplement perdu leur base dans cette commune : « Nous n’avons pas le choix, tous nos militants ont viré au RPM », explique dépité un conseiller communal croisé dans les couloirs de l’Assemblée. Il en est de même en commune II du district de Bamako o๠le maire (ADEMA) Youssouf Coulibaly est au C’œur de scandales fonciers et financiers. Ce dernier n’a trouvé d’autre issue que de changer de camp tout bonnement :  » En étant au parti du pouvoir, nous serons à  l’abri de la justice », confesse l’un de ses proches. Ailleurs, en commune I de Bamako, le premier adjoint M’pè Diarra de l’Adema a également viré au parti RDPM de Cheick Modibo Diarra dans le seul but d’être tête de liste pour les communales à  venir. Signalons à  cet effet que le maire de cette commune Mme Conté Fatoumata Doumbia a été suspendue suite aux conséquences désastreuses des inondations de 2013 et qui ont fait plus d’une trentaine de morts à  Bamako. Et en dépit de cela, ses proches continuent à  penser que sa suspension n’est qu’une vengeance politique. Tout récemment, cinq députés du parti Fare(opposition), viennent de claquer la porte pour aller grossir les rangs des tisserands. l’arrivée de ces transfuges du parti de l’ancien premier ministre d’ATT a ainsi permis au parti RPM d’avoir la majorité absolue au sein de l’Assemblée nationale du Mali. Par ailleurs d’autres démissions sont annoncées dans les différents partis politiques notamment à  Dioila, Kita, Koulikoro, Sekou, et Sikasso. La valse des militants continue.

Transhumance : et si on suivait la proposition de Moussa Mara !

Les promesses électorales sont faites pour ceux qui y croient disait un homme politique dont nous tairons le nom. Il avait raison au vu des retournements de veste qui rythment le quotidien du parlement depuis la fin des élections législatives. Ancien député, Me Mountaga Tall dénonce « Le comportement de certains hommes politiques à  travers les trahisons, les retournements spectaculaires de veste, les invectives, les coups bas, et les scissions politiques qui ont fortement altéré l’image des hommes politiques et jeté un discrédit sur la politique ». Un constat courageux qui nécessite selon le patron du Yéléma « la fixation d’un niveau minimal pour occuper des fonctions électives et l’amélioration du dispositif d’agrément et de supervision des acteurs politiques ». Ibrahim Boubacar Keita, alors candidat soutenait que « le rôle du pouvoir législatif est insuffisant et en conséquence, il urge de renforcer les compétences techniques des élus et des structures pérennes du parlement ». l’ancien président de l’hémicycle propose même la création d’une bibliothèque, d’un centre de documentation et d’information, le développement des T.I.C et le lancement d’un site web du parlement. Perdre le mandat en cas de transhumance En cette année de lutte contre la corruption, les citoyens ont du mal à  s’expliquer le comportement honteux de députés nouvellement élus qui migrent vers le parti présidentiel et ou monnayent leur écharpe. Ils sapent les efforts et autres promesses de rupture attendues d’une classe politique ayant payé de sa chair les conséquences de la crise de mars 2012. Aujourd’hui, Soumaila Cissé s’érige en leader naturel de l’opposition avec comme souhait de voir « la future Cour des comptes et le Bureau du Vérificateur Général assister le Parlement dans le contrôle de l’action gouvernementale ». Ce vœu du ténor de l’URD exige avant tout une moralisation de la politique ; moralisation qui passe selon Moussa Mara par « le bannissement de la transhumance politique autrement dit qu’en cas de changement de parti, la perte du mandat devient automatique ». Moussa Mara prône le renforcement des pouvoirs de l’Assemblée Nationale et la suppression du poste de Premier ministre. Le débat est posé et pour peu qu’ils se veulent honorables, les députés doivent revoir leur copie d’autant que selon Me Mountaga Tall « il est de la responsabilité des politiques de travailler patiemment à  réhabiliter la politique et à  lui conférer à  nouveau ses lettres de noblesse ».

AN: la valse des députés

A chaque élection, le même spectacle: c’est le début de la transhumance! Elle est même devenue le sport favori des députés à  l’Assemblée Nationale. Avant même la session inaugurale de la nouvelle Assemblée nationale, deux députés viennent de « migrer » à  l’ADP Maliba, rentrant ainsi dans la majorité présidentielle. Il s’agit de Ténin Simpara élue sur la liste CNID en alliance avec la CODEM en commune I et de Souleymane Seydou Ouattara élu sur la liste Parena à  Kadiolo. Le terme de transhumance est généralement employé pour expliquer la migration périodique d’une part du bétail (bovidés, équidés et ovins) de la plaine vers la montagne ou de la montagne vers la plaine, d’autre part des abeilles d’une région florale à  une autre, et ce en fonction des conditions climatiques et de l’alternance des saisons. Au Mali, ce mot a d’autres connotations sur la scène politique. Si le bétail était guidé par un berger, les hommes politiques maliens sont guidés par leur appétit du pouvoir. C’est dire qu’une fois élus, ils oublient leurs peuples au profit de leurs intérêts personnels. Cette pratique, décriée et pourtant toujours présente, est l’une des sources de démotivation de l’électorat dont moins de 25% s’est déplacé lors des dernières législatives. Elle met en doute la moralité même de nos élus. Prenant le cas par exemple de la désormais « honorable » Ténin Simpara, a claqué la porte du CNID pour rejoindre l’ADP Maliba. Mais auparavant, elle faisait partie du RPM. Quant à  Souleymane Seydou Ouattara, il a remis sa démission au secrétaire général du Parena, Maitre Amidou Diabaté le lundi dernier pour grossir le rang de l’ ADP-Mali. C’est pourtant grâce à  sa base du Parena qu’il a été élu. Que comprendre de ce virement immédiat de ces honorables qui déshonorent les députés ? « Au Mali, on fait la politique sans conviction, sans idéal. Cela s’explique par le nombre de partis politiques. On cherche des postes et non à  défendre un idéal, un projet de société » déplore Adama Daou, enseignant.

Et c’est reparti pour le jeu de chaises musicales!

A quelques mois de la présidentielle, les quartiers généraux des partis politiques ressemblent à  des halls de gare. On y enregistre de forts déplacements, tant dans le sens des arrivées que des départs. On appelle cela, la transhumance. Elle est redevenue depuis que le gouvernement a fixé la date de l’élection et que certaines formations ont choisi leur candidat, le sport favori de nos politiciens. 40 nouveaux partis en un an Le crash de « la démocratie de consensus à  la malienne » en mars dernier semble ne pas avoir amené une révolution dans la manière de faire de la politique chez nous. Les quelques 110 partis politiques existant à  cette date ont vu naitre des petits frères et sœurs. En l’espace d’un an, une quarantaine de nouveaux partis ont vu le jour, la plupart créés par des « transfuges » d’autres formations. Les derniers en date sont l’ASMA avec Someylou Boubeye Maiga (ex-Adema), ou le RTD avec Hamed Sow(ex-PDES). Certains partis ont pour effectif le « président-fondateur » et les membres de sa famille. Pour survivre, obliger alors de s’allier, de « fusionner », ou de rejoindre une « plate-forme ». Seul objectif, se positionner aux cotés des favoris pour pouvoir profiter du délice du pouvoir prochain. Aux yeux des citoyens lambda, la transhumance politique apparaà®t donc comme étant une action opportuniste des hommes politiques à  la recherche d’une position au sein de la « nouvelle élite ». En effet, en contrepartie de son adhésion et de son soutien, le transhumant garde ses privilèges et/ou échappe à  une condamnation certaine pour faute de mauvaise gestion. Ce qui est souvent le cas des élus maliens qui quittent leur parti au nom desquels ils avaient brigué le suffrage du peuple. Exemple concret : récemment, une frange très importante du parti de la Solidarité Africaine pour le Développement et de l’Intégration (Sadi) ont rejoint le parti de l’Union pour la République et de la Démocratie(URD) pour des raisons de divergence avec le secrétaire général Oumar Mariko. Ce dernier avait demandé aux élus du parti de quitter leur poste de l’Assemblée Nationale. A l’URD toujours, Oumar Ibrahim Touré a été exclu pour avoir mené un travail fractionnel au sein de son propre parti. Il a du coup créé sa propre formation appelée Alliance pour la République (ARP). Le concert de chaises musicales a donc commencé. Pour l’instant, il fait plus grincer des dents, tant du côté des politiciens que de la population. Et avec les deux mois qui nous sépare la présidentielle, bien malin qui pourra dessiner le nouveau paysage politique malien en fin 2013.

Transhumance politique au Mali: l’ultime recours du politicien déchu ?

Le phénomène causé par le fait de militants est cruellement ressenti sur le parti politique. La morale existe encore en politique ? Transhumance politique s’érigeant au jour le jour en mode, la transhumance politique arbore un nouveau visage de la vie politique. Certes, le militant dispose du droit absolu de quitter son parti, mais ce comportement ne milite pas en faveur de l’intérêt général du parti. La vie politique est faite de sorte que le militant puisse adhérer en toute liberté au parti politique de son choix. Même si au Mali, ou sous d’autres cieux, la réalité est tout autre, le trafic d’influence, et autres manœuvres, ne sauraient ravir la vedette à  une adhésion sur conviction réelle. Le cas Ndiaye Bah Ainsi, le départ d’une personnalité d’un parti vers un autre n’a jamais été exempt de conséquences. Il provoque des fissures au niveau de la formation politique qui, le regard impuissant, voit son militant partir. Sur ce point précis, l’anecdote du ministre N’Diaye Bah est édifiante. Pour avoir été ministre pendant 8 ans, il faut reconnaà®tre que cet homme, membre fondateur du parti, a joui du plus haut privilège qu’aucun membre du Cnid n’a encore bénéficié. Conviction politique ? Pressentant leur déchéance fort prochaine (à  la faveur certainement des présidentielles de 2012), N’Diaye Bah et acolytes pensent avoir choisi la meilleure part. C’est-à -dire virer dans un mouvement qui, présentement, a le vent en poupe. Cependant, la démission de N’Diaye Bah a tourné en une grosse déception pour la jeunesse du parti qui voyait en l’homme le repère d’un homme intègre et pétri de conviction pour les idéaux du parti.  » A aucun moment nous n’avions douté de ses convictions pour le parti. Avec ce soudain retournement de veste, nous avons été emmenés à  découvrir qu’il n’y a plus de morale en politique… », a indiqué le président de la jeunesse Cnid de la Commune V, Mr Boulan. Selon le politologue Seydina Traoré, la politique requiert une certaine orthodoxie. La morale en politique est bien une nécessité. « C’’est pourquoi, dit-il, le militantisme se doit d’être sous-tendu par des convictions. Quoi qu’on dise, la vie politique se trame sur la base d’un militantisme qui a forcement besoin de stabilité et de constance ». Pour lui, le multipartisme intégral largement favorisé par le vent démocratique en est pour beaucoup en ce qui concerne la pratique de la transhumance politique. « Ceux qui désertent leur parti politique au profit d’un autre n’ont pas de conviction. Quand bien mêmes les convictions en la matière ne doivent souffrir d’aucune ambiguà¯té ». Un phénomène récurrent Ce n’est pourtant pas aujourd’hui que le paysage politique malien souffre de ce problème. Qui des partis politiques ADEMA, URD ou encore du RPM n’a pas connu cette situation. Les raisons du phénomène naissent souvent sur fond de querelles de leadership et de préservation d’intérêts individuels. « Pour la plupart des cas, ce comportement nouveau qu’affiche le militant tient au fait que ce dernier pense ne plus disposer d’avenir dans sa formation politique initiale », soutient un observateur de la scène politique malienne. Au Mali, le tableau de la transhumance politique s’étoffe donc davantage.