Mali – Infrastructures routières : Combler le fossé

Pour assurer son désenclavement intérieur et extérieur, le Mali doit combler son déficit en matière de routes. Avec l’une des densités routières les plus faibles du continent, estimée à 1,80 km pour 100 km², les besoins dans le domaine sont colossaux. Infrastructures insuffisantes ou inadéquates, dégradation rapide des routes, insuffisance des investissements ou encore manque de ressources qualifiées, les difficultés du secteur sont nombreuses et les défis sont nombreux. Malgré une volonté affichée de doter le pays d’infrastructures de qualité, l’objectif peine à se réaliser. Pour la résolution concrète de tous les maux sur nos voies, il faut l’implication effective de tous les acteurs pour trouver des réponses concertées en vue de l’atteinte des objectifs.

Secteur clé et secteur transversal de l’économie, le domaine du transport est caractérisé par une insuffisance drastique des ressources nécessaires à son épanouissement.

Sa contribution au PIB est passée de 3,61% en 2010 à 5% en 2013, selon le document de la Politique nationale des transports, des infrastructures de transport et du désenclavement (PNTITD) élaboré en 2015.

Son budget moyen annuel tourne autour de 110 milliards de francs CFA, variant d’une année à l’autre et représentant 10 à 15% du budget de l’État, ce qui est insuffisant au regard des besoins de financement du secteur, auxquels s’ajoutent les contraintes des acteurs chargés de la mise en œuvre des projets d’infrastructures routières.

Un réseau non aménagé

Disposant d’un vaste réseau classé, constitué de 89 000 kilomètres et dont l’aménagement permettrait d’assurer le désenclavement du pays, l’état réel de réalisation des infrastructures fait ressortir un total de 6 605 km de routes revêtues, de 1 888 km de routes en terre et de 17 277 km de pistes améliorées, selon le ministère des Infrastructures et de l’équipement.

En 2014, 21 681km de voies bénéficiaient d’un entretien plus ou moins régulier, soit un patrimoine 2 200 milliards de francs CFA. En 2019, le réseau revêtu était essentiellement constitué des routes nationales, pour un linéaire de 5 700 km, dont 60% est en bon état, contre 35% pour le reste du réseau.

Ce réseau compte 4 621 liaisons totalisant un linéaire de 89 024 km, correspondant à une densité de 7,17 km pour 100 km². Ce classement, élaboré en fonction du contexte de la décentralisation, répartit le réseau routier en différentes catégories. Les routes d’intérêt national (RN), dont la construction et l’entretien sont assurés par l’État, totalisent 44 liaisons pour 14 102 km soit 15,8% du linéaire total. Les routes d’intérêt régional (RR), dont la construction et l’entretien sont assurés par la Région, totalisent 40 liaisons pour 7 052 km, soit 8%du linéaire total. Les routes d’intérêt local (RL), dont la construction et l’entretien sont assurés par le Cercle, totalisent 836 liaisons pour 28 929 km, soit 32,5% du linéaire total, et les routes d’intérêt communal (RC) voient leur construction et leur entretien être assurés par la Commune.

Du fait d’un manque d’investissement conséquent, les pistes rurales sont à 95% dans un très mauvais état. Il est passable pour 5%. Elles totalisent 3 701 liaisons pour 38 941 km, soit 43,7% du linéaire malien total.

Besoins insatisfaits

Pour le ministère des Infrastructures et de l’équipement, les besoins en la matière  sont prioritairement l’augmentation des ressources financières afin de réaliser de nouvelles routes, l’entretien des routes et le renforcement des capacités des agents. Leur satisfaction est soumise cependant à plusieurs contraintes. Ce sont principalement l’occupation « des emprises des routes par les riverains et les réseaux des différents concessionnaires », qui « affectent considérablement le bon déroulement des travaux ». Précisons que la libération des emprises relève du ministère des Domaines et des affaires foncières.

Les autres contraintes du secteur sont l’insuffisance et l’inadéquation des ressources humaines et celle des ressources financières destinées à assurer le financement du domaine, selon les autorités en charge du secteur.

À celles-ci s’ajoutent le mauvais état et l’inadaptation des infrastructures, la vétusté et l’inadaptation des moyens de transport, ainsi que l’insuffisance de la cartographie à grande échelle.

Le mauvais état général des voies s’explique par le déficit chronique d’entretien, l’insuffisance des ressources allouées à celui-ci, qui ne couvrent que moins de 50% des besoins d’entretien courant, la mauvaise qualité des travaux de construction des routes et les effets de la surcharge des véhicules de transport, qui accélère leur dégradation.

Le phénomène de surcharge routière représentait en 2012 une perte de 29 à 37 milliards de francs CFA sur la valeur du patrimoine routier du Mali. Du fait de l’application des mesures de lutte contre la surcharge, le taux moyen de surcharge des véhicules sur les deux principaux corridors (Dakar – Bamako et Abidjan –  Bamako) est passé de 70% en 2009 à moins de 30% en 2014.

Des acteurs peu encadrés

Regroupées dans l’Organisation patronale des entrepreneurs de la construction du Mali (OPECOM), créé en 1972, environ 2 500 entreprises travaillent dans le domaine du transport. La privatisation de l’entretien routier comptant parmi les facteurs de la multiplication de ces entreprises, selon les responsables de l’OPECOM. Ce sont ces entreprises nationales qui assurent « l’entretien routier » et à ce jour l’offre est très faible par rapport à la demande. Et, en ce qui concerne les « grands travaux, seule une poignée d’entreprises maliennes y participe », constate M. Boubacar Diallo, le Président de l’OPECOM.

Si l’organisation reconnaît le besoin d’une nécessaire restructuration, avec un recensement actuellement en cours pour identifier les intervenants et le souhait de faire relire une disposition de 1993 qui a exclu les tâcherons, elle déplore le manque d’encadrement de l’État, ce qui constitue une contrainte majeurs pour les acteurs.

« L’État a favorisé la création d’entreprises, mais il nous a manqué l’encadrement et l’accompagnement nécessaires, dans le cadre d’une vision à long terme, pour doter notre pays d’entreprises capables de concurrencer les entreprises étrangères », explique M. Diallo.

Outre les difficultés à obtenir l’accompagnement des banques, l’organisation pointe du doigt les « taux d’intérêt très élevés en cas d’accompagnement ». Elle déplore aussi des critères de qualification « très souvent abusifs par rapport à la consistance réelle des travaux » et le retard considérable dans le paiement des décomptes des ayant droit, avec pour conséquence que les intérêts bancaires compromettent les bénéfices escomptés.

L’OPECOM estime également que les problèmes de fiscalité restent mal maîtrisés par les entrepreneurs et mal expliqués par les services techniques publics qui sont chargés de sa vulgarisation.

Outre le renforcement des capacités des ressources humaines, celui du secteur en infrastructures et équipements modernes et la disponibilité des informations géographiques à un coût optimal, l’application des dispositions légales existantes aideraient à relever certains défis du secteur. Notamment celle du décret N°2015-0890 / P-RM du 31 décembre 2015, qui fixe les emprises et les caractéristiques techniques minimales des différentes catégories de routes.

Et aussi  celle de la loi N°2016-061 du 30 décembre 2016, dont l’application effective pourrait faciliter la mise en œuvre de financements à travers des partenariats public – privé (PPP).

Le secteur des infrastructures routières est créateur d’emplois pour notre pays, « riche des ses nombreuses potentialités », mais où les opportunités restent « faibles pour les locaux ».

Mais, et c’est prometteur, depuis quelques temps, pour « mieux délimiter leurs zones d’intervention », les différents acteurs du secteur, outre les entreprises de BTP, notamment certains ordres professionnels (Architectes, Ingénieurs Conseils, Urbanistes, Géomètres Experts) et l’APIM (Association des promoteurs immobiliers),  travaillent plus en synergie.

Fatoumata Maguiraga

Repères :

Entreprises de BTP : 2 500

Routes revêtues : 6 605 km

Routes en terre : 1 888 km

Pistes améliorées : 17 277 km

Désenclavement : Dans l’attente des chantiers

Longtemps accessible par la voie ferrée, la région de Kayes n’entend plus siffler le train depuis quelques années et la route qui la relie à la capitale « a  pratiquement  disparu ».

Si la mobilisation a conduit à un début de solution pour la route, les cheminots fondent beaucoup d’espoir sur les « démarches »  en cours pour relancer le chemin de fer, convaincus que ces deux voies sont complémentaires et indispensables pour le désenclavement de la région.

« Avec le trafic actuel, les routes peuvent difficilement tenir au-delà de 3 ans. Il faut donc des trains pour soulager la route », soutient Bolidjandjan Keïta, le Président des Conducteurs de train de la société Dakar Bamako Ferroviaire (DBF), coordinateur traction.

Même si la situation a peu évolué depuis la fin de leur grève de la faim, le responsable syndical reconnait « la bonne volonté » des autorités. Mais malgré le paiement de 4 mois de salaire, ils sont aujourd’hui « revenus à 8 mois de salaires impayés », déplore-t-il.

Sur l’évolution du chantier des rails, il note cependant des progrès. « Sur le tronçon sénégalais, il y avait un pont qui était hors d’usage. Il a été réparé et la réception doit avoir lieu dans les jours à venir ».

De lents progrès

À Bamako, l’administrateur  de la  DBF chargé de gérer la phase transitoire souhaite également lancer les travaux de réfection de la voie ferrée. Une étape essentielle attendue avec beaucoup d’espoir.

Cependant, des avancées réelles ne pourront être enregistrées que lorsque les 12 voitures commandées, ce qui n’est pas encore le cas. « Si la volonté des États accompagne l’administrateur, nous avons espoir dans  la reprise », souligne M. Kéïta.

Lors de la nomination de l’administrateur, en 2018, il avait été demandé au Mali et au Sénégal de verser 10 milliards chacun pour relancer les travaux.

Dans le schéma actuel, il a été décidé de renoncer à ce montant et demandé à chaque partie de jouer son rôle, notamment en payant les travailleurs en attendant cette relance.  Ce qui est le cas au Sénégal mais pas encore au Mali.

À Ménaka, c’est un autre projet qui fait naître l’espoir, celui de la route qui liera la région au reste du Mali et à la frontière avec le Niger, d’où vient la plupart de « ce qui est consommé ici », assure Harouna Ibatane Yattara, le Président du Mouvement des jeunes de Ménaka.

« Ce projet fait partie des actions prioritaires de l’alliance G5 Sahel (2019 – 2021) ». Et les autorités ont promis de faire tout pour accélérer le plaidoyer autour de la construction de cette route », conclut M. Yattara.