Vacances au pays : les Maliens de la diaspora dépensent

Depuis que les touristes étrangers boudent la destination Mali, toute l’attention des acteurs du tourisme d’agrément est tournée vers ceux qui apportent de la richesse au pays : les Maliens de la diaspora. Ils sont des milliers à rentrer chaque année, et se font plaisir.

Ce sont des avions entiers qui déversent leurs flots de passagers à l’aéroport international de Bamako de juillet à septembre chaque année. Sans compter les bus qui en ramènent des pays voisins. « C’est toute l’économie qu’ils font bouger, se réjouit un gérant de fast-food dans l’ACI 2000. La quasi-totalité de sa clientèle est en effet composée de jeunes de la diaspora en vacances dans leur grande famille. « Ils n’aiment pas trop la nourriture « malienne » et se retrouvent chez moi. Grâce à eux, mon chiffre d’affaires triple pendant les vacances », ajoute-t-il. « Au programme, sorties entre amis et un petit séjour chez mon grand-père à Kayes. On va louer une voiture et y aller entre cousins. Mon budget pour mes deux semaines de vacances est de 2 000 euros (environ 1 300 000 francs CFA) », affirme un jeune rentré d’Espagne. Le marché de la location profite en effet également du pouvoir d’achat des vacanciers de la diaspora. Outre les véhicules, ce sont les appartements meublés qui ont la cote. Souhaitant garder leur indépendance, nombreux sont ceux qui louent ces maisons meublées entre 15 000 et 75 000 francs CFA par jour. « Ça leur revient largement moins cher que d’aller à l’hôtel et c’est plus agréable que d’être dépendant de la grande famille », explique un promoteur qui gère deux immeubles et autant de villas à Bamako.

Du côté des lieux de loisirs, on fait tout pour attirer ce public qui a des critères occidentaux. Ainsi, les boîtes de nuit ont fait l’effort de revoir leur décor, ajoutant des attractions pour fidéliser cette clientèle qui n’hésite pas à dépenser, contrairement aux « locaux » qui regardent de plus en plus à la dépense. Même à l’intérieur du pays, l’offre en termes d’hébergement et de restauration s’améliore pour satisfaire ce tourisme qui permet de maintenir un tant soit peu les affaires.

3 questions, Adama CAMARA, Malien de la Diaspora

 

D’où venez-vous ?

Je vis en France, dans la ville de Reims, et je suis étudiant en licence administration économique et sociale, parcours administration générale et territoriale à l’université de Reims.

Pourquoi avoir choisi de passer vos vacances au Mali ?

Je suis en vacances à Bamako pour 2 mois, de juillet à septembre. Je viens passer mes vacances ici parce que je ne suis pas retourné au pays depuis 2 ans. Ce qui n’est pas évident quand on y a de la famille. J’ai passé mes dernières vacances en Belgique, et la famille m’a beaucoup manqué. Sans oublier que c’est important de venir se ressourcer aux origines.

À quoi occupez-vous ces vacances?

Comme cela fait un bon moment que je ne suis pas revenu au Mali, j’essaie de rendre visite à la famille qui est assez grande. Le reste du temps, je vais généralement au restaurant. Le soir, avec des amis qui vivent ici ou ceux qui sont aussi en vacances à Bamako, nous nous retrouvons en boîte de nuit pour passer de bons moments ensemble. Cependant, on s’amuse sans oublier qu’on reprend l’école tout juste après. Je viens donc de commencer un stage dans une entreprise de la place, qui va durer un mois. Cela me permettra surtout d’acquérir de l’expérience. Je profite donc pleinement de ces deux mois de vacances pour m’amuser et m’améliorer sur le plan professionnel.

Colonies de vacances, fini l’âge d’or

À la fin de l’année scolaire, c’est le temps pour les enfants de décrocher des études et de se distraire. Si certains s’adonnent à de petits métiers, d’autres, issus de familles plus aisées, peuvent voyager à l’extérieur du pays.

C’est le cas de Hamidou qui vient de s’inscrire à Galaxie Travel pour partir au Sénégal. Pour son séjour au pays de la Teranga, son père a déboursé 450 000 francs CFA. Cette compagnie de voyage propose aussi, pour les enfants de 7 à 15 ans, d’autres destinations comme le Maroc (950 000 francs CFA pour 15 jours) et le Ghana (450 000 francs CFA). Des destinations comme la France et la Suisse, pour lesquelles les inscriptions ont été ouvertes depuis janvier, ont été annulées faute d’intérêt. À l’agence de voyage African Trans Services (ATS), qui organise aussi des colonies de vacances, des classes de découverte, des séjours linguistiques et des stages sportifs, M. Thiam confie que « l’inscription est lente ». L’agence a fixé un seuil de 15 personnes pour le Maroc (1 750 000 francs CFA) et le Sénégal (520 000 francs CFA). Pour une durée de 21 jours, les parents devront débourser 1 200 000 francs CFA à Tam Voyages pour le Maroc et 850 000 francs CFA pour la Côte d’Ivoire et le Ghana.

« Depuis bientôt 7 ans, le marché des colonies n’est plus porteur. La conjoncture économique y est pour beaucoup. Le pouvoir d’achat a considérablement baissé », confie cet ancien patron d’une agence de voyage. Il déplore une baisse de la participation de 70% que la cherté du coût seule ne pourrait expliquer. « Le problème de la cherté est relatif. Cela dépend de celui qui envoie son enfant », ajoute-t-il. Ce n’est pas l’avis de Alassane Haïdara, enseignant, qui pense que les temps sont durs, et que la somme exigée par les organisateurs de ces voyages est astronomique, compte tenu de la situation du pays. La désaffection pour les colonies de vacances pourrait également s’expliquer par le fait que les parents organisent maintenant eux-mêmes les voyages de leurs enfants, et comptent sur la solidarité familiale pour leur prise en charge dans les pays de destination.

3 questions à Fatoumata Ouattara, Directrice générale de l’Agence de promotion touristique du Mali (APTM)

Quel est l’état des lieux du secteur du tourisme au Mali ?

Le tourisme au Mali se porte mieux comparativement aux années précédentes. Le nombre d’arrivées internationales à l’aéroport Modibo Keïta-Senou est passé de 101 335 en 2012 à 152 295 en 2014, mais ont généré peu de recettes touristiques en 2014 avec 50,01 milliards de francs CFA contrairement à 2011 où elles atteignaient 100 milliards. La capacité d’accueil est passée de 9 905 places en 2012 à 10 124 en 2014. Une légère baisse a été constatée sur les investissements en 2014, mais les emplois directs et indirects ont connu une  légère hausse, passant de 28 785 en 2012 à 31 575 en 2014.

Le secteur du tourisme occupait une place importante dans l’économie. Comment faire pour le redynamiser ?

Dire que le secteur du tourisme dans notre pays est en panne, c’est trop dire. Beaucoup d’efforts restent à faire certes, mais l’activité touristique n’est pas inexistante. Nous avons besoin d’établir une nouvelle approche, basée sur les moyens humains, matériels et financiers adéquats pour redynamiser le secteur.

Il y a-t-il un plan de promotion de la destination Mali ?

 Au niveau de l’APTM, nous sommes en train d’élaborer des stratégies de promotion pour la conquête du marché national, sous régional et international. C’est une approche ciblée qui tient compte de la spécificité de nos offres touristiques, des tendances du marché et de nos objectifs à court, moyen et long terme.

Vacances : où vont les Maliens ?

De plus en plus de Maliens voyagent pendant leurs congés. Que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur du pays, ils s’offrent quelques jours pour souffler, généralement en famille. Tour des destinations préférées.

L’explosion du nombre de compagnies de transport routier inter-urbain et transnational illustre bien le fait que les Maliens voyagent de plus en plus, et pas seulement pour les affaires. Dès les premiers jours de juillet, les gares routières sont prises d’assaut. Ce sont surtout des familles ou des élèves qui partent rejoindre la famille à l’intérieur, généralement au village. Mais de plus en plus sortent du pays pour des destinations plus ou moins lointaines. Les cars à destination de Bouaké et d’Abidjan (Côte d’Ivoire), de Dakar (Sénégal), de Ouagadougou (Burkina Faso), de Lomé (Togo) ou encore de Niamey (Niger), ne désemplissent pas. Toujours en Afrique, le Ghana est très prisé pour les séjours linguistiques, souvent organisés par des agences de voyage. Une bonne occasion d’apprendre l’anglais tout en découvrant le pays de Kwamé Nkrumah. « Tout est une question de moyens. Il y a beaucoup d’offres mais en général, les billets sont chers et cela décourage. Sinon, tout parent aimerait bien envoyer son enfant découvrir le monde », explique Adama Traoré, jeune cadre de banque qui part avec ses enfants en Côte d’Ivoire.

Pour ceux qui ont les moyens d’aller encore plus loin, quelques capitales européennes et les grandes villes du continent américain ont l’attrait du dépaysement. Ainsi, Paris a toujours la cote, du fait de la grande communauté malienne vivant en France. Mais d’autres villes comme Berlin et Bruxelles, par exemple, commencent à attirer les jeunes, selon le témoignage d’un voyagiste. Pour le continent américain ce sont surtout Washington et New York (États-Unis) et Montréal au Canada qui reçoivent les vacanciers maliens. À ne pas négliger, les pays du Golfe et particulièrement les Émirats avec Dubaï, où de plus en plus de Maliens se rendent aussi bien pour le tourisme que pour les affaires. Une façon de joindre l’utile à l’agréable, et rentabilisant un peu le voyage.

Vacances 2016 : Destinations intérieures !

Après de longs mois de labeur, c’est la période des vacances pour bon nombre de Maliens qu’ils soient fonctionnaires, élèves, étudiants ou employés de structures privées. Choisir sa destination n’est pas toujours aisé et de nombreuses considérations, à commencer par le coût, entrent en ligne de compte. Découverte, évasion, sports, shopping, les options ne manquent pas. La destination Mali séduit de plus en plus les Maliens et c’est sur ce tourisme intérieur que l’État et les professionnels commencent à compter pour relever un secteur sinistré par presque une décennie de contraintes sécuritaires qui ont éloignés les visiteurs étrangers. Tour d’horizon.

Les vacances 2016 ont commencé et les Maliens, qui sont de plus en plus nombreux à accorder de l’importance à cette période de repos, font leurs valises. Qu’ils soient résidents ou de la diaspora, ils auront le choix parmi une offre de produits de vacances qui s’est largement diversifiée, et à laquelle ils ont de plus en plus largement accès. En outre, ces dernières années, avec le concept de tourisme solidaire, la tendance s’inverse au profit des destinations locales. Aldiouma Dolo, un guide accompagnateur touristique définit ce genre de tourisme comme le fait de découvrir son pays en contribuant au développement durable des populations locales. « Pour cela, le touriste doit accepter de loger dans les campements privés et de se faire préparer ses repas par les villageois. En faisant ce type de tourisme, vous aiderez à lutter efficacement contre la pauvreté », explique le jeune Dogon. « Certains vacanciers l’ont compris et ils commencent à s’y intéresser. À Tériyabougou par exemple, des visiteurs ont l’habitude de planter des arbres, d’aider les populations à reconstruire leurs maisons », reconnait Ousmane Diallo qui s’apprête à revivre l’expérience de l’année dernière. Malgré un début timide pour le développement de ce secteur, au niveau des autorités, on y croit.

Potentiel énorme Le Delta central du Niger, l’écosystème du Gourma avec la fameuse réserve des éléphants qui va de Douentza à Gossi en bifurquant vers Inadifatane et Benzana, méritent d’être visités, de même que les monts mandingues, les chutes de Siby, les forêts de bambou et de raphia et les rives du fleuve Niger. Le Mali compte une vingtaine de zones protégées, dont un parc national, onze réserves de faune et trois réserves forestières. Sur le plan archéologique, il a été recensé plus de 86 sites attestés par des vestiges divers dans le delta central du fleuve Niger. C’est dire combien le Mali offre de possibilités d’évasion et de découvertes pour les Maliens et les visiteurs étrangers. Ces derniers sont, il est vrai, de plus en plus rares, mais on en rencontre encore quelques irréductibles à Bamako ou à Ségou, découvrant la richesse culturelle et les paysages du Mali. « Cependant si le marché du tourisme domestique ne se développe pas, il serait irréaliste de parler de retombées économiques générées par les flux de vacanciers maliens », explique Madame Ouattara, la directrice nationale du tourisme et de l’hôtellerie (DNTH).

Si de nombreux établissements ont du fermer au plus fort de la crise, l’offre hôtelière s’est cependant développée ces dernières années, notamment à Bamako où des hôtels de standing sont en construction comme le Sheraton à l’ACI 2000, ou en cours d’agrandissement comme l’hôtel Azalaï Salam. Dans certaines capitales régionales et les grandes villes à potentiel touristique, de nouveaux hôtels s’ouvrent également, même s’il faut reconnaître que leurs tarifs dépassent bien souvent le pouvoir d’achat du « Malien moyen ». « On va chez les parents de mes amis, c’est moins cher et plus convivial », explique Ana, qui visite le plateau dogon avec sa bande d’amis de Bamako, dont certains sont originaires de la région.

Création de richesses En 2015, plus de 82 201 voyageurs ont séjourné au Mali pour des motifs non commerciaux. Ces voyageurs, qui sont majoritairement des Maliens résidant à l’étranger, dépensent beaucoup d’argent pendant leur séjour. « Les hôtels de catégorie supérieure ne répondant pas à leur desiderata, généralement, ils préfèrent louer des villas ou des appartements équipés pour passer leur séjour », indique M. Diawara, PDG d’une agence immobilière spécialisée dans la location de logements meublés dans les quartiers résidentiels. « Je suis à Bamako pour deux semaines et pour ne pas déranger les parents, j’ai décidé de louer un appartement à 300 000 francs CFA pour mon séjour», explique Samba Touré, un franco-malien. Les restaurants et les autres lieux de divertissement comptent également sur cette période de vacances pour améliorer leur chiffre d’affaires.

Offre lacunaire Pour les Maliens qui partent à l’étranger, la grande majorité se tourne vers les pays de la sous-région, principalement le Sénégal ou la Côte d’Ivoire, tandis que d’autres se rendent au Maroc, en Tunisie, en France ou aux États-Unis. Les enfants dont les parents peuvent se le permettre, partent en colonies de vacances. Avec le recul du flux touristique à destination du Mali, de nombreuses agences de voyages autrefois positionnées sur le segment de la clientèle étrangère, se tournent de plus en plus vers l’organisation des colonies de vacances. « Malheureusement, plus de 90% des voyages organisés dans ce cadre ont pour destinations les pays de la sous région et ceux du continent européen », regrette Madame Ouattara. Les clients eux-mêmes déplorent le fait que les agences de voyages et de tourisme ne fassent pas la promotion du tourisme intérieur. « L’année passée je suis parti avec mes trois enfants et mon épouse en France pour deux semaines. Mon souhait cette année était de rester au Mali pour découvrir l’intérieur du pays, mais finalement on n’a pas su où aller, il n’y avait rien de bien organisé », regrette M. Koné, cadre d’une banque de la place. Une situation confirmée par les agences dont la grande majorité se contente « de la billetterie et des colonies de vacances à l’extérieur ».

Mais les vacances, ce ne sont pas que les voyages. Pour ceux qui ne peuvent ou ne veulent pas partir, il existe de nombreuses options pour s’occuper. Si certains en profitent pour rattraper les obligations sociales, ce temps peut également être mis à profit pour se reposer et s’embarquer à travers lecture, prière et méditation, pour un véritable voyage intérieur…