COP 19: « Trop c’est trop! »

« La coupe est pleine! » C’est un véritable sentiment de déception et d’exaspération qui circule dans les allées de la conférence des Nations Unies sur les changements climatiques qui se déroule en ce moment à  Varsovie en Pologne. Au point que, pour la première fois dans l’histoire de ces négociations dont c’est la 19ème édition, les grandes ONG ont claqué la porte. Le WWF et les autres ONG déplorent le fait qu’ au lieu de progresser, les discussions reculent. Et rien n’indique qu’elles pourraient évoluer dans la bonne direction. Rien! Alors que toutes les organisations environnementales et toutes les ONG impliquées dans les négociations espéraient que Varsovie soit une étape importante dans la transition vers un futur durable, est en train de trouner au ridicule. Aucune lisibilité, aucune avancée et encore moins de volonté affichée par les pays dévéloppés de faire le moindre pas vers la réduction des émissions de carbone et l’aide aux pays les plus vulnérables aux effets néfastes des changements climatiques. A 14h ce jeudi, les représentations des grandes ONG ont donc décidé de quitter le stade national de Varsovie et la conférence COP 19 sur le climat pour marquer leru ras-le bol. Un moyen que l’on espere efficace de manifester contre le manque d’engagement de l’industrie et des pays émergents. «Les négociations ne sont pas seulement restées au point mort, elles ont même reculé sur certains points importants. Pendant que nous entendons que les émissions globales de CO2 ont atteint un pic, la plupart des Etats sont venus à  Varsovie les mains vides», commente Ion Karagounis, représentant du WWF Suisse sur place. Au lieu de renforcer la protection du climat, de nombreuses parties ont essayé de la miner. «Notre sortie est un message aux gouvernements: prenez donc la protection du climat au sérieux.» A reculons Les négociations de l’an passé ont été riches en frustrations et en revers. Alors que les acteurs du monde de l’environnement, ceux du monde économique, le monde médical, en bref, tous s’accordent pour tirer la sonnette d’alarme sur les conséquences de la « non-action »,Varsovie est en train de devenir un retentissant échec. Aucune feuille de route pour parvenir à  un accord dans deux ans n’est en vue. Les objectifs de réduction des gaz à  effets de serre d’ici à  2020 sont insuffisants, voire affaiblis. Il n’y a guère d’entente non plus en ce qui concerne un fonds vert promis pour aider les pays en voie de développement à  s’adapter aux changements climatiques. Et la direction polonaise de la conférence n’a rien entrepris pour montrer que la protection du climat est plus importante que leur industrie du charbon. Omniprésence publicitaire des entreprises, matraquage sur les bienfaits du charbon « propre » dans les discours de la présidence polonaise, annonces moins-disantes sur les réductions d’émissions de gaz à  effet de serre de la part de pays aussi importants que le Japon, l’Australie ou le Brésil, présence trop discrète des pays censés être les plus proactifs sur la lutte contre le changement climatique (UE, France, etc), exclusion d’une jeune militante manifestant son soutien aux Philippines…Tout cela alors que le typhon Haiyan venait tout juste de ravager les Philippines… le spectacle offert à  cette COP est plus que décevant. Et c’est justement pour lui redonner « un peu de sérieux » que les organisations ont décidé de s’en aller. «Nous partons non pas parce que les négociations ne sont pas importantes, mais au contraire, parce qu’elles sont capitales», tient à  préciser Ion Karagounis.

COP19: l’Afrique ne signera pas un accord sans ambition

En quelques décennies, la planète s’est réchauffée de 0,8°C. Et déjà , nos pays en Afrique subissent des pertes, subissent les dommages humains et économiques de la montée des mers sur nos côtes, qui déplace nos populations et dégrade nos ressources halieutiques, et des sécheresses qui déciment nos récoltes. De l’urgence d’agir pour survivre Nous ne sommes pas les seuls, tous les continents subissent déjà  le coût du changement climatique alors même que l’économie mondiale est en crise. Mais la « crise » ne fait que commencer. Le tout récent rapport du GIEC nous informe que le réchauffement climatique pourrait atteindre 5,5°C en 2100 si nous n’agissons pas maintenant sur les émissions de gaz à  effet de serre. Or, actuellement, nos efforts sont si insuffisants qu’ils nous placent sur une trajectoire de réchauffement de 3,5°C – au-delà  des limites de la planète et du seuil de basculement irréversible de ses écosystèmes. Si nous restons sur cette trajectoire de réchauffement, cela coûtera à  l’Afrique 45 à  50 milliards de dollars par an en 2040 et jusqu’à  200 milliards par an en 2070, et nous ne sommes pas sûrs de pouvoir nous adapter à  un tel dérèglement climatique. Nos pays d’Afrique ne peuvent pas se permettre d’en arriver là . Nous, négociateurs, voulons sceller un pacte mondial et solidaire pour lutter ensemble contre les causes et les impacts du changement climatique, en 2015 et à  Paris. Mais nous ne sommes pas convaincus qu’il est dans l’intérêt de nos pays de le signer. Nos gouvernements sont fatigués d’entendre parler des maigres progrès de la négociation. Ils n’ont pas réussi à  empêcher le Canada, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Japon, les Etats-Unis et la Russie de quitter le Protocole de Kyoto en toute impunité. Ils ne comprennent pas pourquoi la bonne élève des négociations, l’Union européenne, a atteint son objectif de réduction d’émissions pour 2020 avec huit ans d’avance mais refuse malgré tout de se fixer un objectif plus ambitieux. Ils ont la voix éraillée à  force d’alerter les pays donateurs sur le tarissement des financements du Fonds qui finance l’adaptation aux impacts du changement climatique au sud et sur les caisses vides du futur Fonds Vert pour le Climat. Ils s’inquiètent de voir que les pays développés ne tiennent pas leur promesse d’accroà®tre progressivement les financements climat ou qu’ils le font au détriment de l’éducation ou la santé. Alors qu’ils ont besoin d’argent public additionnel pour investir dans les énergies renouvelables, et dans les digues côtières contre la montée des eaux. De l’obligation d’être « ambitieux » C’’est donc à  mon tour, en tant que porte-parole du Groupe Afrique, d’alerter la communauté internationale et surtout, la France, en tant qu’hôte du sommet Paris Climat 2015 : nos chefs d’Etat ne pourront signer un pacte mondial contre les changements climatiques pour après 2020 qui n’est pas assez ambitieux ou assez juste. Et ils ne signeront pas non plus si d’ici là , les pays développés ne prennent pas leurs responsabilités en respectant enfin leurs engagements pris jusqu’en 2020 – notamment en réduisant leurs émissions de gaz à  effet et serre et en appuyant financièrement les plus pauvres. Le sommet de Varsovie qui a commencé le 11 novembre peut encore changer la donne pour Paris 2015. Le sommet prévoit un dialogue ministériel sur le respect des engagements pris depuis Copenhague pour mobiliser 100 milliards de dollars par an d’ici 2020 en soutien aux pays en développement. C’’est le moment que les pays développés démontrent qu’ils tiennent leurs promesses financières – qu’ils expliquent ce qu’ils ont dépensé en 2013, qu’ils annoncent les financements additionnels à  l’APD et transparents prévus pour 2014 et 2015. C’’est le moment que les pays développés rassurent nos pays en proposant une feuille de route sur les financements « climat » jusqu’en 2020, qui s’appuie notamment sur mécanismes financiers innovants – la taxe sur les transactions financières en France et en Europe, l’affectation d’une partie des recettes issue du marché européen de quotas d’émissions et une taxe équitable sur le transport international. Ce dialogue ministériel doit également sauver le Fonds pour l’Adaptation, et annoncer les premières contributions au Fonds Vert. Il faut prouver à  nos chefs d’Etat et nos citoyens qu’il est dans leur intérêt de signer l’accord mondial contre les changements climatiques en 2015. Mais si ce dialogue ministériel est vide de sens et s’il ne fait que réaffirmer ce qu’on sait déjà , nous serons à  court d’arguments et à  bout de souffle aussi.