De la poudre d’or aux yeux des Maliens

Cette neuvième exploitation suscite beaucoup d’espoir à  l’échelle locale et nationale. Mais à  y regarder de près, ce n’est que de la poudre aux yeux de nos pauvres populations. Une fois distribués les quels billets décrochés par les populations, la part de l’Etat et la part versée au gros bonnets – le plus souvent en liquide et dans le plus grand secret – les plus gros bénéfices reviennent aux investisseurs sud-africains ( AngloGold Ashanti et RandGold Ressource), propriétaires des mines. Du temps de nos anciens, qu’il pleuve ou qu’il neige, les femmes s’arrangeaient toujours pour offrir au moins un gramme d’or à  leurs filles qui se mariaient. C’’est aujourd’hui impensable, avec un cours du métal variant entre 25 000 et 30 000 FCFA le gramme. « Objectif : se faire de l’argent, quitte à  sacrifier la vie des populations et leur bétail vivant sur les sites miniers » Cette évolution est à  l’image du rapport entre nos Etats pauvres et les multinationales. Ce nouvel ordre mondial est le nouveau visage caché de la relation qui relie le Sud, rendu pauvre par le système, au Nord, qui continue d’user et d’abuser des ressources des anciennes colonies. Dans ce nouvel ordre installé depuis le début des années 90, les multinationales, les grandes entreprises de dimension mondiale, incarnent désormais le visage et les intérêts de leurs Etats respectifs. Ces nouveaux interlocuteurs sans foi ni loi exigent de nos Etats de nouveaux objectifs de développement, non plus globaux, mais centrés sur leurs propres intérêts. Or la seule préoccupation de ces entreprises est la rentabilité. Pour atteindre leurs objectifs, elles n’hésitent pas à  utiliser des moyens de pression. La plupart des guerres sur notre continent sont provoquées et alimentées par des réseaux d’influence créés et entretenus par elles au sein des appareils d’Etats. Les formes peuvent varier mais l’objectif est le même : se faire de l’argent, quitte à  sacrifier la vie des populations et leur bétail vivant sur les sites miniers. Notre pays n’échappe pas à  ce destin tragique. l’or du Mali est l’un des principaux produits d’exportation de notre pays. A ce titre, il constitue certes une richesse dont on peut s’en glorifier, mais aussi un instrument d’asservissement de nos populations entre les mains des investisseurs sud-africains et certains de nos fonctionnaires corrompus. Ce qu’ignorent nos compatriotes, C’’est qu’AngloGold Ashanti et RandGold Ressource sont dirigées par nos cadres nationaux. La politique de tropicalisation des entreprises est une méthode intelligente d’exploitation des forces productives. Car, dit-on, on n’est jamais mieux trahi que par les siens. Diviser pour mieux régner La stratégie est basée sur la vieille méthode des colons : « diviser pour mieux régner ». Elle met les ouvriers noirs et leurs patrons noirs dos-à -dos et se lave les mains de toutes les questions sociales. Ces bardés de diplômes ne sont en fait que des fusibles du système. Ils reçoivent de belles primes pour mieux réprimer leurs frères noirs qui seraient tentés de se révolter. AngloGold Ashanti et RandGold Ressource, qui ont accumulé de solides expériences dans la gestion des ressources humaines en Afrique du Sud, ont réussi à  briser la capacité de résistance de tous les syndicats nationaux. La méthode ne date pas d’hier. Elle remonte à  l’époque de l’apartheid, quand les noirs luttaient pour améliorer les conditions de vie et de travail des ouvriers des townships. Depuis l’arrivée des deux géants sud-africains dans la deuxième moitié des années 90, ils semblent jouer la carte de la complémentarité pour barrer la route à  d’autres investisseurs privés étrangers. Ils règnent dans des conditions assimilables à  de quasi-monopoles. Les coûts d’investissements étant très salés, peu de nationaux s’aventurent dans le secteur. Seul Aliou Diallo, promoteur de Wassoul’ Or, a réussi à  monter une unité industrielle d’extraction et de traitement d’or digne de ce nom au Mali.

Wassoulor SA, une idée originale d’Aliou Boubacar Diallo

Avec une production de 5 tonnes en 2007, Wassoulor SA, dont Aliou Diallo est le président Directeur général, exploite un gisement situé près du village de Kodieran dans la région de Sikasso, et qui peut rivaliser avec les grands groupes miniers étrangers, présents au Mali. Son originalité réside dans le fait qu’elle est le fruit d’un partenariat entre des investisseurs maliens, emmenés par Aliou Boubacar Diallo, et le fonds Mansa Moussa Gold Fund. Le fonds Mansa Moussa Gold Fund Ce fonds canadien dont l’actif principal est Wassoulor porte le nom d’un illustre empereur malien, qui s’est fait connaà®tre pendant l’apogée de l’Empire du Mali au 14ème siècle pour avoir organisé un pèlerinage à  la Mecque, accompagné de plus de dix mille personnes, et durant lequel il distribua plusieurs tonnes d’or issues des mines maliennes. Ce nom n’a pas été choisi par hasard, puisque les gisements aujourd’hui exploités par Wassoulor se trouvent justement sur les sites des anciennes mines de Kankou Moussa. Le groupement d’investisseurs canadiens et maliens détient 80% des parts de Wassoulor SA, alors que l’Etat du Mali possède les 20% restants. Fortement encouragée par le gouvernement, cette initiative n’en est pas moins inédite, car l’exploitation industrielle de l’or malien était jusqu’ici exclusivement dominée par les acteurs étrangers. Géologue de formation, Aliou Boubacar Diallo est originaire de la région de Kayes. Selon lui, la mine d’or de Wassoulor doit avant tout « bénéficier aux communautés à  travers la mise en place de projets sociaux ». Wassoulor, une société à  caractère social En effet, avant même de couler son premier lingot, Wassoulor SA avait déjà  réalisé une digue, une école et un pont dans le village voisin de Faboula, de même que la réhabilitation de la route Yanfolila-Kalana. Pour se hisser parmi les grands producteurs du pays, la société a investi plus de 25 milliards de CFA dans la construction de deux usines et dans l’achat d’équipements nécessaires au traitement de 11.000 tonnes de minerais par jour. En attendant que cette initiative ne fasse des émules parmi les entrepreneurs maliens, la production de Wassoulor, qui devrait augmenter dans les prochaines années, contribuera en partie à  limiter le déclin de la ressource aurifère au Mali.