UEMOA – Banques finances: Trois questions à Youssouf Carius

Youssouf Carius, Directeur Général de Pulsar Partners répond aux trois questions de la rédaction sur le secteur bancaire dans l’UEMOA. 

 

Pourquoi les banques hésitent tant à financer les PME dans la zone UEMOA

La problématique du financement des PME et TPE en zone UEMOA est une des clés de voute du financement de l’économie de la région dans son ensemble. Il faut tout d’abord accepter de reconnaitre que la non-résolution de ce problème fait peser sur la zone un risque systémique important dès lors que cette population d’entreprise constitue le socle structurel du tissu économique.

Mais les raisons sont multiples, aussi bien du fait des contraintes intrinsèques aux PME et TPE mais qu’à une approche imparfaite de l’offre bancaire pour ce même segment d’entreprises. Les PME et TPE de la région UEMOA souffrent d’un manque important de compétences dans leur capacité de gestion. La plupart des entrepreneurs savent qu’ils gèrent une activité rentable, mais combien sont ceux qui arrivent à en faire la preuve factuelle et non théorique ? (Quel bénéfice net ? quelle marge brute par produit ? Quelle structure de coût ? quelle stratégie d’expansion ? …). C’est le toute première marche de l’escalier à franchir.

Cependant une part de responsabilité incombe aussi au secteur bancaire dans son ensemble et son approche du segment des PME/TPE. L’ensemble des banques de la région ont une lecture très imparfaite de l’environnement business de ces entreprises. La preuve en est qu’il n’y a quasiment aucune ségrégation des risques d’une PME à l’autre. Ainsi, les mêmes conditions de crédit sont appliquées, basées sur le postulat que le risque doit être couvert à 100% pour ces acteurs (d’où la constitution systématique des DAT et autre compte à terme en guise de couverture). Le prix du crédit (le taux d’intérêt et autres conditions), n’a donc plus de sens d’une PME à l’autre.

Mais les banques, il est vrai, ont un problème de coût incompressible dès lors qu’il faut mesurer la qualité de crédit d’une PME et la suivre dans le temps. Il est généralement plus rentable de procéder à ce même exercice pour une société de plus grande envergure. La banque qui s’attaque au segment des PME/TPE se retrouve donc face à un dilemme à la fois simple et complexe à résoudre. Comment aborder ce segment sans dégrader le portefeuille client (taux de crédit en souffrance) à un coût marginal inférieur (un coût moindre que les plus grandes entreprises) ?

Le dispositif de la BCEAO lancé en 2018 ne semble pas pour l’instant répondre aux aspirations…

Plusieurs dispositifs se proposent d’accompagner le système bancaire dans son ensemble vers le financement de PME. Mais force est de constater que jusque-là, aucun instrument d’évaluation ne permet d’en mesurer la pertinence.

Un des dispositifs qui semble le plus proche d’une résolution concrète du problème semble être la mise en place d’un système de garantie pour les PME. Plusieurs institutions, gouvernementales, multilatérales et mondiales ont ainsi procédé au lancement de fonds de garantie. 

Cet outil n’est efficace que si le système bancaire est transparent sur l’allocation réelle de ces fonds pour couvrir du véritable crédit PME. Combien de PME souscrivent véritablement un crédit bancaire sans avoir apporté elles-mêmes la garantie. Si les PME ne profitent pas de ces fonds, que fond les banques de ces lignes de garantie qui leur sont allouées à des conditions parfois préférentielles ? Tant que la transparence ne sera pas faite sur ces questions entre le système bancaire et les différents fonds de garanti, cet outil extraordinaire demeurera inefficient.

Comment favoriser une meilleure participation des PME à la croissance

En vérité, les PME et TPE de la région participent déjà à la croissance de la zone. Une part significative de cette participation échappe juste aux systèmes de statistique nationaux. Soit parce que les comptes de ces sociétés ne reflètent pas la réalité, soit parce qu’elles ne sont pas formelles tout simplement. 

Ceci-étant, les actions qui auront le plus d’impact sur leur part dans la croissance économique de la zone sont de deux ordres. Les capacités de gestion améliorées pour une meilleure croissance de leur activité ; et les offres adaptées de financement pour cette typologie d’entreprises.