La transition durcit le ton. Après les violents incidents survenus lors des activités de l’opposition les 3 et 4 mai 2025 à Bamako, le gouvernement a suspendu toutes les activités politiques sur l’ensemble du territoire. Une décision qui ravive les inquiétudes et attise les tensions dans un climat déjà explosif.
Ce vendredi 9 mai 2025 devait marquer un tournant dans la résistance civile face à la transition. Une manifestation nationale était prévue à l’appel du nouveau regroupement « Partis politiques pour la Constitution », constitué pour dénoncer ce qu’il qualifie de “mise à mort organisée de la démocratie malienne”. Le cortège n’aura pas lieu puisque la marche a été suspendue par crainte de violences, après les agressions du week-end précédent. Le 3 mai, au Palais de la culture, puis le 4 mai à la Maison de la presse, des militants de l’opposition avaient été pris à partie par des groupes pro-transition.
Ces deux événements ont précipité une décision radicale du gouvernement. Le Conseil des ministres a ordonné le gel de toutes les activités des partis et associations politiques, sans échéance, au nom du maintien de l’ordre public. Officiellement, il s’agit de prévenir les risques de troubles. Officieusement, c’est une réplique frontale à la grogne croissante contre les orientations prises lors des récentes concertations nationales tenues du 16 au 29 avril, qui ont recommandé, entre autres, la dissolution pure et simple des partis politiques. Une recommandation suivie d’effet, puisque la Charte des partis a été abrogée dans la foulée.
Le collectif des Partis pour la Constitution n’entend pas se taire. « C’est une dérive grave, un viol manifeste de l’ordre républicain », a déclaré l’un de ses porte-paroles, sous couvert d’anonymat, craignant des représailles. Des prises de parole discrètes, mais nombreuses, circulent sur les réseaux sociaux, appelant à la mobilisation pacifique. Le souvenir encore frais d’une réunion privée interrompue en juin 2024 et ayant conduit à l’arrestation de plusieurs figures de l’opposition, détenues durant six mois sans jugement, nourrit la prudence actuelle.
La tension est d’autant plus forte que les signaux d’ouverture du régime sont quasiment absents. Aucune date de reprise du processus démocratique n’est annoncée, et les libertés fondamentales, notamment d’association et d’expression, ne semblent plus une priorité. Les experts des Nations Unies ont réagi dès le 8 mai : « Le Mali ne doit pas étouffer le débat démocratique. Suspendre l’opposition, c’est suspendre la République », ont-ils averti dans un communiqué officiel.
Dans les rues de Bamako, la nervosité est palpable. En coulisses, certains appellent à une médiation discrète pour dénouer la tension.
La situation reste instable. Malgré l’interdiction officielle, des initiatives de mobilisation informelle ne sont pas exclues dans les jours à venir. Les forces politiques opposées à la transition semblent déterminées à maintenir une présence, même discrète, sur la scène nationale. De leur côté, les autorités n’ont pas précisé les conditions ni la durée de la suspension décrétée. En l’absence de dialogue officiel ou de feuille de route claire, les tensions risquent de perdurer.