Politique




Transition : vers un réaménagement du chronogramme

Un décalage dans l’organisation des différentes élections prévues pour la fin de la Transition était déjà pressenti depuis le report…

Un décalage dans l’organisation des différentes élections prévues pour la fin de la Transition était déjà pressenti depuis le report du référendum de mars à juin 2023. Alors que trois scrutins restent encore à tenir d’ici la fin de la période transitoire, en mars 2024, selon le chronogramme en vigueur adopté en juin 2022, le spectre d’une nouvelle prolongation plane de nouveau.

Depuis la proclamation des résultats définitifs du scrutin référendaire du 18 juin 2023, suivie dans la foulée de la promulgation de la nouvelle Constitution par le Président de la Transition, le gouvernement était attendu pour la suite du processus électoral.

Saisis par le ministère de l’Administration territoriale et de la décentralisation pour donner leurs avis, suggestions et propositions pour le reste du chronogramme de la transition, les partis politiques avaient jusqu’au 3 août 2023 pour faire part de leurs idées.

Une réunion du Cadre de concertation du ministère de l’Administration avec les partis et regroupements politiques, tenue le mardi 8 août au Centre de formation des collectivités territoriales, a permis au ministère de faire le point des différentes propositions des acteurs politiques.

Vers une nouvelle prolongation ?

Selon la synthèse présentée par le Directeur de l’Administration territoriale, au total 17 propositions ont été faites par 81 partis politiques sur les 291 sollicités par le gouvernement, soit un taux de réponse de 27,83%. 5 principales tendances se dégagent des 17 propositions faites, en tête desquelles celle d’une « prorogation du délai de la Transition de 3 à 18 mois afin de bien organiser les élections à venir », mise en avant par 15 partis. 14 autres optent pour l’organisation des élections conformément au chronogramme adopté par le gouvernement, 12 proposent de tenir l’élection présidentielle à la date indiquée dans le chronogramme et de coupler les autres élections, 9 préconisent l’organisation des élections en 2024 « lorsque les conditions sécuritaires seront réunies » et, enfin, 8 partis politiques proposent d’organiser les élections législatives en premier lieu puis l’élection présidentielle, les futures autorités organisant les autres scrutins.

Si l’identité des 81 partis politiques ayant fait des propositions n’ont pas été dévoilées, les représentants d’une vingtaine d’entre eux, présents à la réunion du Cadre de concertation, sont montés au créneau pour justifier leurs choix. Parmi les formations politiques majeures, l’Adema-Pasj opte pour l’organisation des élections suivant le chronogramme de juin 2022 et le Parena propose la tenue des élections législatives en décembre 2023, de la présidentielle en février 2024 et l’organisation des autres élections après la Transition, « à la suite de larges concertations entre les partis politiques et la société civile ». La Coalition des forces patriotiques (COFOP), regroupement de 24 partis et associations, estime pour sa part qu’en raison du grand retard qu’accuse le chronogramme électoral, « il y a lieu de prendre en compte que l’essentiel à retenir sur le processus électoral est avant tout l’élection du Président de la République ». « Après son élection le nouveau Président de la République aura toute la latitude d’organiser librement et sans pression les élections législatives, communales et sénatoriales », indique Dr. Abdoulaye Amadou Sy, Président de la Coalition.

Décision au plus haut niveau

Dans la nouvelle loi électorale, il incombe à l’Autorité indépendante de gestion des élections de proposer un chronogramme pour l’ensemble des élections (AIGE). C’est pourquoi certains acteurs politiques rejettent la démarche du ministère de l’Administration territoriale et de la décentralisation de se référer au Cadre de concertation pour définir un nouveau calendrier. Toutefois, selon le Colonel Abdoulaye Maïga, la démarche de son département s’inscrit dans le cadre d’un chronogramme politique de sortie de la Transition qui évite, autant que faire se peut, d’entrer dans des questions en matière électorale.

Si la proposition d’une nouvelle prolongation de la Transition est légèrement en tête des 17 suggestions faites par 81 partis politiques, elle peut ne pas être celle retenue par le gouvernement, qui doit plancher à son tour sur l’ensemble des propositions recensées, y compris auprès des organisations de la société civile, avant d’arrêter un nouveau chronogramme « en tenant compte de l’intérêt général ».

« Nous avons bien noté les différentes propositions. Nous allons fidèlement rendre compte à nos plus hautes autorités, examiner les propositions à la lumière des contraintes techniques et nous faisons la promesse de vous revenir très rapidement pour donner la position du gouvernement. Je voudrais ici préciser qu’il y a beaucoup de propositions qui ont été faites. Forcément, nous ne sortirons pas de ces différentes propositions. Nous allons essayer de trouver les équilibres à maintenir », a expliqué le ministre d’État, ministre de l’Administration territoriale et de la décentralisation aux représentants des partis et regroupements politiques, précisant que le Cadre de concertation n’était pas un cadre décisionnel mais uniquement pour prendre les avis et suggestions.

Alors que tous les ingrédients semblent réunis pour un réaménagement du chronogramme initial de la Transition de juin 2022, le Porte-parole du gouvernement a invité la classe politique à « ne douter en aucune manière de la volonté de nos plus hautes autorités, en premier lieu le Colonel Assimi Goïta, Président de la Transition, de retourner à un ordre constitutionnel normal et apaisé ». « Il n’y a aucune volonté de prendre en otage la transition, de perdurer au pouvoir, comme certains aiment bien le dire. Je pense que l’indicateur de bonne volonté est le référendum constitutionnel », a clamé le ministre d’État.

Mais, le délai étant serré, le nombre de scrutins à tenir et les nouvelles réformes ou création d’institutions qu’impose la Constitution du 22 juillet 2023 mettent en exergue la complexité de la tâche des autorités de transition. Ibrahim Ikassa Maiga, ministre de la Refondation de l’État chargé des relations avec les Institutions, laisse d’ailleurs présager d’un non-respect des dates indiquées dans le chronogramme adopté par le gouvernement.

« Par rapport au peuple malien même, nous, en tant que gouvernement, autorités de la Transition, nous sommes mal à l’aise de ne pas pouvoir tenir les délais, sauf que nous devons faire en sorte de ne pas retomber dans la même situation. À quoi bon se précipiter pour retomber exactement dans la même situation et créer les conditions d’une autre transition alors que l’occasion rêvée est donnée de bien faire les choses ? » s’interroge-t-il.

Nouveau « bras de fer » avec la CEDEAO ?

Tout porte à croire que la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), déjà actuellement attendue au tournant dans la résolution de la situation politique au Niger, sera intransigeante sur la tenue des élections au Mali aux dates indiquées dans le chronogramme qu’elle a validé en juin 2022, en accord avec le gouvernement de transition.

L’institution sous-régionale avait déjà d’ailleurs annoncé les couleurs lors de son sommet du 9 juillet dernier, au cours duquel les Chefs d’États se sont clairement prononcé pour un respect du chronogramme actant la fin de la Transition en mars 2024, après la tenue de la présidentielle en février. Le Président de la Commission de l’organisation ouest-africaine n’avait pas exclu de nouvelles sanctions à l’encontre du Mali si les dates prévues n’étaient pas respectées.

Selon certains analystes, avec la nouvelle donne sous-régionale créée par la crise nigérienne, la CEDEAO n’acceptera plus de prolongation de la Transition au Mali et mettra tout en œuvre pour un retour à l’ordre constitutionnel dans les délais impartis. La posture actuelle du Mali et du Burkina Faso, qui soutiennent les nouvelles autorités de Niamey, laisse présager d’un nouveau bras de fer des autorités de transition avec les Chefs d’États de la CEDEAO.