PolitiquePolitique Nationale




4ème Congrès : le RPM à la croisée des chemins

C’est ce samedi 22 octobre que vont enfin débuter les travaux du tant attendu Congrès du Rassemblement pour le Mali…

C’est ce samedi 22 octobre que vont enfin débuter les travaux du tant attendu Congrès du Rassemblement pour le Mali (RPM). Ces quatrièmes assises ordinaires, maintes fois reportées, réuniront durant deux jours les délégués des 57 sections du parti, qui devraient renouveler les instances, évoquer les problématiques internes, et parler du futur. L’ambiance du congrès de la jeunesse du parti, tenu le 15 octobre, se voulait annonciatrice du renouveau et de l’unité. Les délégués venus de toutes les sections ont, dans la bonne humeur générale, reconduit le président sortant, et élu leurs nouveaux leaders. Va-t-on assister au même spectacle le week-end prochain ? Assurément, déclare-t-on dans les couloirs du siège du parti, sis à l’Hippodrome. Le grand public s’attend à de chaudes empoignades, mais c’est un consensus pré-électoral qui pourrait se dégager.

Le Rassemblement pour le Mali (RPM) a été porté sur les fonts baptismaux le 30 juin 2001. En quinze années d’existence, il s’est hissé à la place de première force politique du pays, dans le sillage de l’élection à la présidence de la République en 2013, de son leader Ibrahim Boubacar Keïta. Aujourd’hui, le RPM compte 76 députés sur les 147 qui siègent à l’Assemblée nationale, soit la majorité absolue, auxquels s’ajoutent les députés de partis alliés, avec lesquels ils constituent une majorité confortable.

Crise de leadership Pourtant, trois ans après la prise du pouvoir et son corollaire de critiques sur la gestion de l’État et la gouvernance interne, le RPM apparaît paradoxalement comme un parti qui se cherche. Un malaise accentué par les récentes démissions de quatre parlementaires, partis grossir les rangs de l’opposition. Les « Tisserands » doivent faire face à des défis dont les plus urgents sont la tenue pacifiée de son congrès, ce qui passe par la fin des luttes intestines qui le minent depuis que son chef historique n’en est plus le président. « L’erreur d’IBK c’est de ne pas avoir rapidement désigné un successeur à la tête du parti, qui puisse rassembler et nous mettre en ordre de bataille », souligne un militant de la première heure. « Les victoires électorales lors des législatives de 2013 et de toutes les partielles qui ont suivi, ont été un cache-misère, car le parti reste un grand corps malade », ajoute un député sous couvert de l’anonymat. IBK ne disait-il pas lui-même qu’il n’a été élu par le RPM mais par le peuple du Mali ? Un discours qui ne plait pas en interne, mais qui met tout de même en lumière les carences d’une formation qui n’a pas su renouveler ses cadres, peu enclins à faire la place à la nouvelle génération. « Le choix de Boulkassoum Haïdara comme président par intérim illustre le fait qu’IBK a opté pour l’immobilisme, alors qu’il avait la force, au début du mandat, d’imposer un nouveau leader plus apte à mener le combat politique », affirme un élu de la Commune V de Bamako.

Les nombreuses adhésions et le regain d’activité enregistrés après la victoire de 2013 ont aggravé les luttes de leadership dans plusieurs sections, dont certaines ont fini par avoir des directions bicéphales à Bamako comme dans les régions. De nombreux cadres déserteurs sont revenus dans les rangs du parti, espérant se positionner pour un poste, et ce trop-plein n’a pas été géré de façon efficace, entraînant de nombreuses frustrations, parfois marquées par des scènes de pugilat. Pis, certains ministres, Mahamane Baby à Goundam, Abdoulaye Idrissa Maïga à Gao, ou encore Abdrahmane Sylla en Commune IV, ont même eu du mal à s’imposer dans leur fief respectif. « Actuellement, les questions de fond demeurent toujours et aucune solution n’a été trouvée », souligne quant à lui Tidiani Tangara, journaliste, qui ajoute que « si Tréta est élu à l’issue de ce congrès et que le parti arrive à rafler la mise aux élections communales, il tentera, avec sa tendance, d’aller au bout de ses ambitions, et de faire pression sur IBK pour obtenir le poste de Premier ministre ». L’un des points de divergence avec le président est en effet que depuis le début de son mandat, ce dernier n’a désigné à la Primature aucun cadre du parti, pourtant majoritaire à l’Assemblée nationale.

Combats de coqs L’un des principaux enjeux du congrès est en effet le choix de celui qui va désormais présider aux destinées du parti. Le poste est vacant et convoité par plusieurs personnalités, mais c’est Bocary Tréta, secrétaire général du parti depuis sa création, et ancien ministre du Développement rural, qui fait figure de favori. Autres personnalités sur les rangs, les ministres de la Défense Abdoulaye Idrissa Maïga, actuel secrétaire général adjoint, et de l’Emploi et de la Formation professionnelle, Mahamane Baby, ancien président des jeunes. Mais depuis sa sortie du gouvernement en janvier 2016, le Dr. Treta, originaire de Tenenkou, s’est investi pour préparer l’événement, et aurait obtenu le soutien d’IBK, appuyé par certains caciques du parti, notamment les députés Mamadou Diarrassouba, questeur de l’Assemblée nationale, et Moussa Timbiné, président du groupe parlementaire. Selon des indiscrétions, les ministres Baby, Maïga, mais aussi Abdrahmane Sylla, en charge des Maliens de l’extérieur, pourraient atterrir aux postes honorifiques de vice-présidents, tout comme les anciens ministres Nancouma Keïta, actuel secrétaire politique, et Ousmane Ag Rhissa, ambassadeur du Mali en Côte d’Ivoire. C’est donc une direction consensuelle qui se dessine, avec le poste de secrétaire général, véritable cheville ouvrière, qui pourrait échoir à Maître Baber Gano ou à Mamadou Diarrassouba. À la manœuvre, IBK lui-même, qui a reçu les principaux dirigeants de son parti plusieurs fois cette semaine. Mais le président n’échappera sans doute pas à un bureau pléthorique, qui pourrait atteindre 100 membres, gage de lourdeurs dans la prise de décision.

Objectif communales Le congrès des 22 et 23 octobre se tiendra à quelques semaines des élections communales prévues pour le 20 novembre, au cours desquelles le parti entend confirmer sa suprématie sur la scène politique malienne. Objectif avoué : offrir enfin « un parti fort, discipliné et en ordre de bataille pour soutenir le président IBK à la tête du Mali », explique un militant. « Un RPM fort pour occuper sa vraie posture de parti présidentiel en vue des joutes électorales futures », précise Harouna Diallo, enseignant chargé de cours à l’université de sciences juridiques et politique de Bamako. « Les enjeux essentiels sont d’obtenir au sortir de ce congrès une meilleure redynamisation des structures du parti, la consolidation de notre leadership, le renforcement de l’unité en notre sein et l’entière préparation pour les missions à venir », déclarait Moussa Timbiné, réélu le 15 octobre à la tête de la jeunesse. Qui appelle à un « un toilettage sans complaisance et un diagnostic sans faille de nos forces, de nos faiblesses et une identification claire des perspectives ». Pour lui, les militantes et militants du parti aborderont ce congrès dans un esprit de sérénité, de confiance et d’espoir.

Pas d’animosité, une saine rivalité, des échanges et un directoire engagé, c’est à cela que rêvent les cadres du parti, à quelques heures de ces assises, qui marqueront, d’une manière ou d’une autre, la vie du parti. «  Il n’y aura pas de guerre de positionnement, car tous les responsables ont été écoutés et ont donné leur accord pour un congrès à la hauteur des attentes », conclut avec optimisme Abdoulaye Maïga, militant en Commune V du District de Bamako.