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A la rencontre des reines du sable

Kabalabougou, Kabala, Sébénikoro, Farabana sont entre autres quartiers de Bamako les sites o๠l'on trouve les femmes vendeuses de sable…

Kabalabougou, Kabala, Sébénikoro, Farabana sont entre autres quartiers de Bamako les sites o๠l’on trouve les femmes vendeuses de sable et de graviers. Elles vivent à  la périphérie des quartiers jouxtant le fleuve o๠en pleine construction. Venues de loin, elles érigent des abris de fortune et des huttes aux abords des garages de mécaniciens et des quincailleries pour se protéger du soleil. Bien vautrées dans des chaises artisanales, elles écoutent la saga de « fiima et djéma » ainsi que les diatribes de la revue de presse tout en veillant sur les aller et retour des camions bennes qui livrent le sable dans les chantiers. Pour décrocher un chantier de construction, les vendeuses de sable cherchent un agrément auprès des sociétés de construction comme Sema Equipement. Pour les chantiers individuels, le relationnel fait l’affaire. Parfois, il faut assurer à  l’entrepreneur un pourcentage sur chaque camion livré. A propos des camions, les femmes les louent après avoir acheté le sable à  20 000 francs et payé les ouvriers à  5 000 francs pour les camions dits « 7 bennes » et 10 00 francs pour les camions à  « 10 roues ». Les camions « 7 bennes » sont vendus entre 45 et 55 000 francs et ceux de « 10 roues » sont cédés à  80 000 francs. Les reines du sable vendent aussi des graviers pour environ 180 000 francs le camion de « gravier propre » en période hivernale et « 155 000 francs en période de décrue du fleuve. Le sac de recettes journalières noué en bandoulière sous le grand boubou Farima, cure dent à  la main, avoue « être obligée de faire parfois des compromissions financières pour avoir des marchés car notre milieu est dur et les hommes n’hésitent pas à  nous proposer parfois des contreparties peu licites avant l’attribution du marché de sable et de gravier d’un chantier de plusieurs centaines de millions. Certains chauffeurs et même des ouvriers osent nous faire des avances mais nous tenons bon et moi je préfère perdre quelques centaines de billets de banque que de m’offrir à  des vautours ». Non loin de l’hôtel Badalodge, Djatou et ses collègues nous reçoivent avec beaucoup de méfiance. « Il ne faut pas dire du mal de nous, nous ne faisons rien de mal, nous nous battons pour gagner notre vie et subvenir aux besoins de nos enfants. Moi, je paye avec mes bénéfices les études de ma fille étudiante dans une université privée. Certains nous invectivent du fait de nos prix or sans nous le sable coûte plus cher et il sera difficile aux hommes de construire. Sans nous, les intermédiaires, les policiers et les gendarmes auront du mal à  gérer leur fin de journée et les camionneurs imposeront des tarifs de location trois fois plus chers que ceux que nous pratiquons » s’égosille Djatou. Un septuagénaire trouvé au milieu de ces femmes prend leur défense « depuis 1996, je suis ici donc je connais bien le milieu et je vous assure que ces dames sont braves. Toujours sur la brèche, elles payent une taxe quotidienne à  la mairie, honorent les engagements avec les ouvriers chargés de l’extraction du sable et du chargement des camions. Aucune autorité ne fait quelque chose pour elles et pourtant ce sont des modèles ». Fidèles au sable et au gravier, les reines du sable s’accrochent à  leur métier qui n’exigent ni retraite ni études particulières. l’une d’elles nous a lancé dans un sourire taquin «les graines de sable sont notre or et après le dernier soupir ces graines nous accompagneront alors pourquoi les trahir» !