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Abdoul Wahab Ag Ahmed Mohamed : « On a été nommé à la tête des autorités intérimaires puis après on nous a laissé nous débrouiller tout seul »

Trois mois après l'installation des autorités intérimaires la plupart des assemblées régionales et des conseils transitoires ne sont pas opérationnels,…

Trois mois après l’installation des autorités intérimaires la plupart des assemblées régionales et des conseils transitoires ne sont pas opérationnels, alors que leur mandat devrait prendre fin le 20 juin prochain. Néanmoins dans la région de Ménaka, nouvellement créée, les choses bougent, en marge d’une mise en œuvre de l’Accord de paix qui fait du surplace. Abdoul Wahab Ag Ahmed Mohamed, président de l’assemblée régionale de Kidal, a expliqué au Journal du Mali, comment en local, avec le soutien des populations, il tente d’exercer sa difficile mission.

Vous avez été nommé président de l’Assemblée régionale de Ménaka, aujourd’hui exercez-vous concrètement vos fonctions ?

Nous avons déjà tenu une première session de travail dans des conditions sommaires, mais nous avons pu quand même travailler. Vous savez, la région de Ménaka est une toute nouvelle région, c’est la première fois qu’on installe une structure d’assemblée régionale. Nous avons dû tout construire, créer des conditions pour pouvoir rendre opérationnel les bureaux de l’assemblée régionale, avant nous, il n’y avait pas de personnel, pas de bâtiment, on est parti de zéro à contrario des autres régions qui ont déjà ces structures. Nous pouvons aujourd’hui, malgré cela, affirmer que notre bureau est opérationnel à 100 %, grâce à l’appui du gouvernorat, du bureau de la Minusma, et des personnels de bonne volonté. Nous pouvons dire que nous sommes à jour comme toutes les autres régions et même en avance par rapport à certaines régions qui n’ont pas encore commencé à travailler.

Comment les choses ont-elles pu avancer à Ménaka alors que dans les autres régions ces mêmes autorités intérimaires ne sont pas opérationnelles ?

C’est grâce à la volonté des populations de construire une paix durable, à vouloir le retour de l’État, à vouloir la paix. Les populations, les groupes armés, le représentant de l’État, les forces maliennes, regardent de l’avant pour leur région et non par rapport à ce qui est inscrit dans l’Accord d’Alger. Grâce à leur entente, grâce à la coordination de leur force, grâce à cette cohésion sociale, il y a déjà un résultat, sans attendre que l’application de l’Accord avance. Cela permet aux commerçants de travailler sans problème, aux ONG d’intervenir dans la région, du coup ça soulage la population et donne vraiment un sentiment d’une région où la paix et la quiétude se normalisent peu à peu.

Cela veut-il dire que des résultats sont possibles sans attendre la mise en œuvre de l’Accord qui s’illustre par son retard ?

Tout à fait. Aujourd’hui à Ménaka nous n’avons aucun problème à faire avancer les dispositions de l’Accord. Nous avons besoin quand même de l’appui des acteurs de l’Accord pour légaliser tous ces travaux que nous sommes en train de faire sur le terrain. Nous avons besoin d’un bureau DDR opérationnel, nous avons besoin d’un État fort pour pouvoir rendre légitime tous ces efforts.

Avez-vous reçu les financements promis pour le fonctionnement de ces autorités intérimaires ?

Nous avons exprimé nos besoins, celle des populations, les conditions pour pouvoir faire notre mission comme il se doit. Nous avons aussi élaboré un programme d’urgence pour pouvoir soulager les populations, rendre opérationnelle les autorités intérimaires et pouvoir faire bouger toute la région. Ce programme a été soumis au gouvernement et à certains partenaires et après 3 mois il n’y a pas eu de retour. Au niveau local il y a eu des décisions et un résultat positif, mais au niveau du gouvernement et des partenaires, nous n’avons pas eu de coup de main pour pouvoir poser nos actions et aller au fond de nos initiatives. On a été nommé à la tête des autorités intérimaires puis après plus rien, on nous a laissé nous débrouiller tout seul.

Votre mandat devrait se prendre fin le 20 juin prochain, alors que les objectifs de votre mission ne sont pas atteint, plaiderez-vous pour la prolongation des autorités intérimaires ?

Les autorités intérimaires sont une étape vraiment cruciale pour l’application de cet accord, le gouvernement n’a pas intérêt à organiser les élections avant que les autorités intérimaires ne posent certaines actions qui prouvent qu’il y a vraiment un changement, que l’État revienne et qu’il soit fonctionnel, que les collectivités soient fonctionnelles au niveau des régions et qu’à travers ses collectivités, la communauté internationale pose certaines actions qui prouvent vraiment un retour à la stabilité. Dans la région de Ménaka, il n’y a pas de collectivité actuellemennt pour dire qu’il y a une région opérationnelle à 100 %, il y a des arrondissements mais ces arrondissements ne sont pas encore formés en collectivité. Les fractions ne sont pas réparties entre les arrondissements existants. Il faut faire les choses par étapes car Ménaka n’a pas encore de cercles ni de communes. Si les élections communales et régionales sont organisées dans la précipitation ça risque d’être très compliqué chez nous.

Quelles sont, selon vous, les raisons profondes de ce retard dans la mise en œuvre de l’accord de paix ?

Ce qui est sûr c’est que depuis la signature de cet Accord, il y a eu beaucoup de changements d’interlocuteurs et de problèmes en interne. Cette lenteur dans l’application de l’Accord est dû aux interlocuteurs de certains mouvements, de certaines coordinations, il y a aussi je pense, un problème de moyen pour pouvoir avancer dans l’application de l’accord. Nous pouvons prendre l’exemple des autorités intérimaires aujourd’hui, les acteurs sur le terrain et les populations ne font pas défaut mais ils n’ont pas les moyens pour pouvoir les rendre opérationnelles.