Accidents de la route : comment arrêter l’hécatombe ?

Par milliers, ils prennent d'assaut les routes de Bamako et du reste du pays. Une circulation qui se densifie chaque…

Par milliers, ils prennent d’assaut les routes de Bamako et du reste du pays. Une circulation qui se densifie chaque jour davantage, avec des cas d’accidents de plus en plus nombreux. Comment arrêter l’hécatombe ? « Nous sommes intervenus 8 576 fois sur des théâtres d’accidents depuis le début de l’année, pour un total de 296 décès et près de 15 000 blessés », annonce le Docteur Cheick Fanta Mady Koné, médecin commandant à  la direction générale de la Protection civile. Des « sorties » comme on le dit dans le jargon, qui ne permettent pas toujours de sauver la vie des personnes touchées. En 2014, avec les chiffres de l’année précédente qui indiquaient une baisse, quoique légère, des cas d’accidents, l’optimisme était revenu chez les acteurs du secteur qui voyaient l’inversion tant attendue de la courbe de l’insécurité routière. Pourtant, l’année 2015 connaà®t une recrudescence sans précédent d’accidents meurtriers. Particulièrement ce troisième trimestre qui compte, à  lui seul, 2 990 accidents ayant causé la mort de 87 personnes. Inconscience, mère d’imprudence Mauvaise connaissance du code de la route. C’’est la principale des raisons évoquées quand on parle de la conduite dangereuse des usagers maliens. « Les gens ne font pas vraiment l’auto-école. Pour eux, C’’est une formalité ennuyeuse dont on peut se débarrasser en glissant quelques billets. On se retrouve avec des gens qui savent faire marcher leur engin roulant, mais qui ne savent en réalité pas conduire », dénonce un agent des forces de l’ordre. « Il y a de cela, mais la vérité, C’’est l’incivisme chronique », assure le Dr Koné. Mozon Coulibaly, chauffeur de taxi, la soixantaine passée, va plus loin. Pour lui, « même ceux qui prétendent ignorer le code en sont coupables, sinon comment peut-on prendre le contrôle d’un engin alors qu’on ignore les règles de conduite ? C’’est de l’inconscience qui met les autres en danger». Il ne se passe plus une semaine à  Bamako, sans que l’on ne rapporte des cas d’accidents mortels. l’excès de vitesse, l’usage du téléphone au volant, l’alcool, ou tout simplement le manque de courtoisie dans la circulation sont les causes essentielles de la plupart des accidents. Le dernier, survenu il y a tout juste une semaine à  la sortie du Pont Fadh, côté Badalabougou, a causé la mort d’au moins trois personnes et en a blessé plusieurs autres. Un conducteur de Sotrama, ivre, qui emboutit un taxi, qui à  son tour ramasse des motocyclistes. l’ivresse, la drogue sont également aujourd’hui une cause fréquente de nombreux accidents. De plus en plus de conducteurs, en particulier ceux des transports en commun, se livrent à  une conduite « additive » c’est-à -dire sous l’emprise d’une substance qui modifie les fonctions du conducteur. Ajoutés à  cela, le refus systématique d’utiliser les instruments de sécurité que sont la ceinture, le casque, les rétroviseurs, et la boucle meurtrière est bouclée. Selon l’Agence nationale de la sécurité routière (ANASER), dans 85% des cas d’accidents, C’’est la responsabilité humaine qui est engagée. Le mauvais comportement des usagers de la route est en tête de liste des causes d’accidents sur la voie publique : le non-respect de la signalisation ou de la limitation de vitesse, la méconnaissance des règles de conduite ou la prise de risque « juste pour l’adrénaline », comme le font ces jeunes gens qui roulent à  tombeau ouvert sur leurs deux-roues, à  la vitesse maximale et sans respecter les feux de signalisation. C’’est essentiellement ce genre de comportement que le nouveau directeur général de l’ANASER, dont la nomination le 14 octobre témoigne d’une volonté ferme de l’à‰tat de prendre les choses en main, veut voir disparaà®tre. « Le risque zéro n’existe pas mais nous œuvrons à  faire baisser les comportements dangereux », explique Mamadou Sidiki Konaté. En plus de publier régulièrement les chiffres plus qu’alarmants de la route au Mali, plusieurs actions de communication sont entreprises avec des cibles aussi diverses que les personnes vulnérables (enfants, personnes âgées ou en situation de handicap), les populations en zone rurale et les jeunes. « La prolifération de motos Djakarta dans nos rues est un facteur aggravant de cette insécurité », explique un cadre de l’agence. Sur les 296 victimes d’accidents mortels, plus de 100 sont des motocyclistes, touchés en agglomération. Ce chiffre révèle une situation que dénoncent les acteurs. « On voit de plus en plus de jeunes enfants conduire des motos. Or, la loi dit qu’il faut avoir au moins 16 ans, disposer d’un casque de protection et posséder un permis de catégorie A1 pour piloter un tel engin. Quel parent s’assure aujourd’hui de cela avant de donner une moto à  son enfant ? », s’interroge-t-on à  l’ANASER. La carotte et le bâton Chez les sapeurs pompiers, on est du même avis. « Les accidents de motos sont les plus nombreux, même si ceux avec des voitures produisent plus de morts », explique le Dr Koné de la Protection civile. Cette structure initie elle aussi de nombreuses sessions de formation à  l’endroit des usagers, en particulier les plus jeunes. Car l’objectif est de sauver des vies quand survient l’accident. Les quelques 2 000 sapeurs pompiers maliens ont bien du mal à  faire face à  la demande croissante et ce ne sont pas les 500 nouvelles recrues qui combleront le gap de manière significative. « Apprendre aux gens à  faire correctement les premiers gestes est donc important, pour augmenter les chances de survie des victimes ». Communiquer, éduquer, pour un réel changement de comportement, C’’est la mission que tous les acteurs se sont assignés. Insuffisant, pour certains, qui estiment que le temps des mesures coercitives a sonné. Elles existent, répond-on à  l’ANASER. « Vous avez dû remarquer les contrôles d’alcoolémie en ville pendant le week-end ou les agents qui surveillent le respect de la limitation de vitesse. Les contrevenants sont sévèrement sanctionnés. Les choses se font. Il faut juste un suivi plus rigoureux », reconnait le directeur général de l’ANASER. Apprentis de Sotrama formés pour le permis de conduire, enseignants outillés pour donner des leçons de sécurité routière, la tenue depuis 2011 de la Journée nationale de la courtoisie, autant d’actions qui concourent à  lutter contre l’insécurité routière. De même que les efforts pour améliorer le réseau routier, dont l’état de dégradation est également indexé, principalement par les syndicats de chauffeurs. Reste maintenant l’ingrédient essentiel pour la réussite de cette lutte : la prise de conscience des usagers eux-mêmes, quels qu’ils soient. « On ne peut pas obliger quelqu’un à  mettre sa ceinture ou porter son casque », assure le vieux Coulibaly, « les gens doivent comprendre que leur protection et celle des autres est de leur responsabilité ». Et cela est plus qu’urgent, afin que moins de vies soient brisées sur l’asphalte.