ADEMA-PASJ : Nouvel envol ?

Le 25 mai 2016, l’Alliance pour la démocratie au Mali - Parti africain pour la solidarité et la justice (ADEMA-PASJ)…

Le 25 mai 2016, l’Alliance pour la démocratie au Mali – Parti africain pour la solidarité et la justice (ADEMA-PASJ) a soufflé sa 25ème bougie.

Premier parti du Mali pendant près de deux décennies, il connait des difficultés qui ont fragilisé son assise sur la scène politique. À l’occasion de cet anniversaire, les abeilles sonnent le rassemblement et entendent relancer la machine qui a contribué à l’avènement de la démocratie et donné deux présidents de la République au Mali. Les tractations vont bon train et la « Famille ADEMA-PASJ » des premières heures rêve de retrouver son aura et, pourquoi pas, le pouvoir…

Étaient présents au congrès des 25 et 26 mai 1991 les représentants de plusieurs partis à l’époque clandestins, opposés au régime de Moussa Traoré. Membre fondateur, le professeur en médecine Ali Nouhoum Diallo se souvient de « l’association Alliance pour la démocratie au Mali qui est l’une des héritières du Front national démocratique populaire (FNDP), composé de l’US-RDA, du Parti malien des travailleurs (PMT), du Parti malien pour la révolution et la démocratie (PMRD) et du Front démocratique des patriotes maliens, qui résidait en France ». La chute du régime militaire a ouvert le champ politique et ce sont naturellement les premiers acteurs de cette chute qui se sont organisés pour l’occuper.
« La question était de savoir si toutes les composantes du FNDP allaient rester ensemble. En tant que parti historique issu de l’indépendance, l’US-RDA a jugé nécessaire le maintien de son autonomie. Les hommes et les femmes de l’Alliance ont donc créé le Parti africain pour la solidarité et justice (PASJ). Son appel au peuple, son projet de société et son programme lui ont valu de conduire les premiers pas de la démocratie avec le président Alpha Oumar Konaré », rappelle un cadre de la première heure.

 Pouvoir et divisions

Pendant les dix années du règne d’Alpha Oumar Konaré (1992-2002), le parti a élargi son empreinte au point de devenir le deuxième plus grand parti d’Afrique après l’ANC (Afrique du Sud). Sur dix ans, il a conservé la majorité absolue au parlement et comptait dans ses rangs plus de 3 000 conseillers communaux. Mais la gestion du pouvoir rouge et blanc a été marquée par des crises sociales, économiques et politiques qui ont mené à de nombreuses saignées dans ses rangs avec les départs de cadres suivis par leurs partisans. Le premier départ significatif fut celui de feu Mamadou Lamine Traoré, qui quitte la Ruche en 1994 estimant qu’elle avait été envahie par les frelons, pour créer le MIRIA. La deuxième grande crise au sein du parti fut le départ en 2000 de son président d’alors, Ibrahim Boubacar Keïta. Quelques mois après avoir quitté la Primature, il faisait face à une fronde conduite par les hommes du « clan CMDT ». Les batailles de leadership se multipliant à l’approche de l’élection présidentielle de 2002, le parti ne peut éviter les primaires. Le manque de cohésion et les dérapages pendant la campagne ont été payées cash : le parti perd la présidentielle et son candidat, Soumaïla Cissé, s’estimant trahi au profit de son adversaire indépendant, Amadou Toumani Touré, créé l’Union pour la République et démocratie (URD) en 2003. Ces crises à répétition, l’ADEMA-PASJ en a payé le prix fort lors de l’élection présidentielle de 2013, avec son candidat, Dramane Dembelé, qui n’est arrivé que 3ème, loin derrière les leaders du RPM et de l’URD. Lors des législatives qui ont suivi, le parti de l’Abeille a touché le fond, n’obtenant que 16 sièges sur 147, alors qu’il avait dominé le parlement pendant les deux dernières décennies.

 Un nouvel essaim ?

Et pourtant, l’optimisme reste de rigueur. Les acquis des 25 années d’existence et surtout des dix années de pouvoir, Moustaph Dicko, 4ème vice-président et président de la commission d’organisation du 25ème anniversaire, ne veut pas les oublier. Mais il reconnait que « beaucoup reste à faire et l’ADEMA-PASJ fait face aux mêmes défis que le pays : l’unité et la réconciliation ». Cette volonté de reconstitution de la Famille Adema a été clairement exprimée lors du 5ème congrès, tenu les 24 et 25 mai 2015. Ce dernier a porté à la tête du parti Tiémoko Sangaré, ancien ministre, qui s’est donné comme mission « la renaissance de l’ADEMA-PASJ ». Tournées régulières pour reconquérir la base, divisée après la présidentielle de 2013, mais aussi rapprochement avec les autres partis « socialistes » afin de préparer, et de gagner, les prochaines échéances électorales. « Le pari peut paraître utopique, mais l’idée séduit au-delà du comité exécutif de l’ADEMA-PASJ », selon Moustaph Dicko. « À terme, il s’agit de rebâtir le parti à partir d’un regroupement de partis de gauche », explique Issa Togo, artisan de la création du groupe parlementaire ADEMA-ASMA/CFP. Avec ses désormais 14 députés à l’Assemblée nationale, le parti s’est en effet rapproché de l’Alliance pour la solidarité au Mali – Convergence des forces patriotiques (ASMA-CFP), le parti de Soumeylou Boubeye Maïga, un autre ancien de la « Ruche ». L’honorable Togo mène aujourd’hui les « discussions » avec le Fare Anka Wili de Modibo Sidibé, le PS Yelen Koura d’Amadou Goïta, et d’autres formations politiques. « Nous espérons le retour des anciennes figures du parti », avoue-t-il, confiant. « Les documents sont entrain d’être élaborés dans ce sens. Fondamentalement, tous les partis qui ont quitté l’ADEMA pour faire de la politique autrement n’ont pas eu d’autres programmes ni de projets de société différents de celui de l’ADEMA. Après dix ans, vingt ans, si on a une vision pour le pays, je ne vois pas ce qui peut nous éloigner les uns et les autres », conclut-il.

Retrouver la confiance
Aujourd’hui, après sa traversée du désert, la « Ruche » sonne donc le rappel de ses troupes et veut retrouver sur le terrain sa vigueur et son rayonnement. Toutes choses qui ne seront possibles sans deux éléments essentiels, les finances et la confiance. Pour le premier, avec sa troisième place sur l’échiquier politique, le parti continue de recevoir des subsides conséquents de l’État. Au titre de 2016, ce sont plus de 400 millions de francs CFA qui pourront contribuer à remettre en place le maillage qui faisait la force du parti, en particulier à l’intérieur du pays, et ce, même si « les cadres riches du parti ne sont plus là », comme le déplore un militant. En ce qui concerne la confiance, le gros du travail reste à faire. Pour le président du parti, il convient de rester « sereins parce que nous savons que nos difficultés étaient inhérentes à l’évolution du pays, à partir de la situation dans laquelle nous l’avions trouvé ». « Tant que le parti a évolué conformément à ses valeurs, les Maliens lui ont fait confiance », rappelle Tiémoko Sangaré, qui déplore que cette confiance se soit érodée. « Notre parti a souffert et nous avons identifié les thérapies qui doivent être appliquées. Nous sommes convaincus que l’ADEMA retrouvera son lustre d’antan parce que nous remettons au centre des choses ces valeurs ». Reste à convaincre à nouveau les Maliens, qui à l’image de ce jeune cadre du CNID, estiment que le parti est comptable de tous les maux que vit le Mali aujourd’hui et que « la vie est un cycle, l’ADEMA est en déclin ». Séga Diarrah, politologue, nuance ces propos mais estime que ce tournant est celui de la dernière chance car « l’ADEMA-PASJ doit prendre le chemin de la renaissance, au risque de sombrer dans l’impasse politique ». Pour cela, il manque aux Abeilles une « Reine mère », capable de faire consensus autour de sa personne pour emmener la colonie vers de nouveaux succès.