AEEM : A l’école de la violence, de l’argent et de la politique…

Vingt-deux ans après sa création le 27 octobre 1990, l'Association des Elèves et Etudiants du Mali (AEMM) vit-elle ses dernières…

Vingt-deux ans après sa création le 27 octobre 1990, l’Association des Elèves et Etudiants du Mali (AEMM) vit-elle ses dernières heures ? Loin des idéaux qui l’avaient poussée à  prendre activement part à  la chute de Moussa Traoré en 1992, l’AEEM est aujourd’hui prise dans une spirale de violences et d’accusations. Dernier drame en date, la mort par balles de deux étudiants le 30 avril à  la résidence universitaire de la Faculté des sciences et techniques de Bamako. Le controversé secrétaire général Hamadou Traoré, blessé ce jour, est actuellement en convalescence. La toute-puissance de l’AEEM Un événement consécutif à  une lente dégradation causée par un désengagement de l’Etat. Lieu d’étude, l’université est devenu une foire d’empoigne politique l’AEEM est devenue un instrument du pouvoir pour museler  les étudiants, estime Abdramane Traoré, juriste consultant. «Â On comprend alors l’enthousiasme et la violence qui entourent  l’élection des différents secrétaires généraux, explique-t-il. Une fois portés à  la tête de l’association sous la protection de l’Etat devenu un allié, ils sont sûrs de faire un parcours universitaire sans faute. Le plus révoltant est que ces secrétaires généraux sont  intégrés à  la fonction publique avant d’avoir fini leur cycle.» Professeur de lycée à  Bamako, Moussa Keita fait remonter l’origine de la situation à  la présidence d’Alpha Oumar Konaré. «Â Quand, dans sa politique d’apaisement,  feu Mamadou Lamine Traoré [ndlr : ancien ministre de l’Education] a décidé de faire de l’AEEM un partenaire incontournable, J’ai compris que tout était foutu. Il a donné des bureaux aux membres de l’AEEM au sein de son département ! », s’exclame-t-il. La loi du plus fort Petit à  petit la violence s’installe sur les campus universitaires. Ceux qui osent émettre un point de vue différent lors des assemblées sont menacés. Des étudiants sont tabassés, leurs domiciles saccagés pour s’être opposés à  un mot d’ordre du bureau de coordination de l’AEEM. Souvent, la justice et les forces de sécurité restent muettes. La loi du silence devient la règle. «Â Ceux qui ont eu le courage de porter plainte contre leurs agresseurs ont fait l’objet de pressions diverses qui les ont amenés à  retirer leur plainte »Â explique Drissa Diakité. Quand une résistance s’organise face à  l’AEEM, C’’est l’affrontement. Comme en 2011 à  l’Institut universitaire de gestion, o๠plusieurs étudiants sont blessés par coups et à  l’arme blanche. La violence s’exerce sur les étudiants mais également sur les enseignants. Ils sont parfois mis à  la porte de leurs classes pour permettre aux réunions estudiantines de se tenir «Â Les velléités de résistance de certains enseignants se sont soldées par des agressions physiques sur leur personne ou par le saccage de leurs moyens de locomotion ou de leur résidence. Il en est de même pour les responsables administratifs », témoigne Drissa Diakité.   Les résidences universitaires en guise de rente Via la violence, l’AEEM contrôle l’économie des campus universitaires, dont l’Etat a abandonné la gestion. Les résidences universitaires sont gérées comme des propriétés privées. «Â Les différents prélèvements sur la location des chambres, sur les installations de cabines privées et de cantines et la passation des marchés d’enlèvement des ordures contribuent à  alimenter le trésor de guerre de l’AEEM ou de certains de ses clans », écrit Drissa Diakité dans «Â La crise scolaire au Mali ».   Lors des élections syndicales estudiantines, les responsables de l’AEEM battent campagne en distribuant de l’argent et des t-shirts à  leur effigie et en collant des affiches avec leurs portraits en couleur. Tout laisse penser qu’ils se démènent pour eux même et non pour la défense des intérêts des étudiants. Pour se prémunir de toute vengeance de la part des silencieux mais nombreux ennemis qu’ils se font, certains responsables de l’AEEM se font protéger par des gros bras. Cela n’a pas suffi à  l’actuel secrétaire général Hamadoun Traoré pour échapper aux coups des hommes venus à  sa rencontre le 30 avril.