Aïd el-Fitr : La fête malgré tout

C'’est demain l'Aà¯d el-Fitr, la fête marquant la fin du mois de jeûne. Durant trente jours, les musulmans du monde…

C’’est demain l’Aà¯d el-Fitr, la fête marquant la fin du mois de jeûne. Durant trente jours, les musulmans du monde entier ont observé une période de renoncement et de sacrifice. Au bout du parcours, une célébration qui se veut à  la fois spirituelle, familiale et festive. Grande prière, repas en famille et visites aux parents, échange de vœux, marquent cette journée que l’on appelle communément la « fête de Ramadan ». On est pourtant bien loin de l’effervescence que l’on ressent habituellement à  l’occasion de cette célébration. Coût de la vie, insécurité, les Maliens dans leur grande majorité avouent ne pas vraiment avoir le C’œur à  la fête. l’affluence dans les marchés n’est pas moindre que l’an dernier. Les étals sont bien achalandés et les embouteillages dans la zone commerciale ne démentent pas le fait que les Bamakois se préparent pour la fête. Mais au marché, dans les ateliers de couture, chez les coiffeuses, dans les boutiques, commerçants et clients se plaignent : il n’y a pas d’argent. Plus l’échéance du vendredi 17 juillet approche, « plus le stress des chefs de famille augmente », témoigne Dra Sidibé, employé de bureau. « Après les dépenses du mois de carême, nous sommes essoufflés. Or, il y a les dépenses de la fête qu’il faut impérativement gérer » poursuit-il. Tous les moyens sont bons pour fêter décemment Ne pas offrir le minimum à  la famille à  la fin de ce mois de carême est tout simplement impensable pour les chefs de famille qui cherchent toutes les solutions possibles pour clore en beauté cette période de privation et de sacrifice tant spirituels que financiers. Certains chefs de famille se tournent ainsi vers les prêts bancaires. « Je prends prêt sur prêt. Là  J’ai empoché 500 000 francs de ma banque pour faire face aux dépenses, afin d’éviter d’être la risée des miens. Je vis dans une grande cour. Si je n’achète pas un mouton, les habits de madame et des enfants, alors J’aurai des problèmes. Quel que soit notre niveau d’instruction, les pesanteurs sociales nous rattrapent», explique Simon Ouattara, responsable commercial dans une cimenterie de la place. D’autres, en revanche, n’ont pas trouvé de source financière de secours et se livrent volontiers, histoire de se décharger un tant soit peu du poids du stress. « Les temps sont durs mais que faire ? Il faut faire face !» s’exclame M. Diawara, fonctionnaire de son état. Les lunettes sur la tête, le quadragénaire joue avec la calculette de son téléphone. Il doit acheter des bazins pour ses épouses, les enfants et un oncle. Pas question de donner dans le haut de gamme, « J’ai choisi un bazin deuxième choix à  trois mille francs le mètre car arrivé à  la maison il faudra donner le prix de la couture, de la coiffure et des chaussures», avoue avec dépit ce polygame qui se contentera lui-même «de redoubler », C’’est-à -dire de mettre un habit ancien le jour de la fête. Dans les méandres du grand marché de Bamako, chaque acheteur jongle avec la bourse. Draméra Bassidy, vendeur de tissus comprend la situation et assure que tout est fait pour faciliter la tâche des chefs de famille. « Les priorités s’amoncellent, alors nous les commerçants proposons plusieurs alternatives aux clients. Nous avons des bazins à  2 000 francs, 6 000 francs et à  10 000 francs le mètre. Mais cette année il y a une floraison de pagnes Wax à  3 500 francs, sans compter les tissus légers et les saris hindous », explique-t-il. Solidarité active Pour rendre les coûts supportables, en particulier le prix du bœuf, « l’union fait la force ». «Nous cotisons 15 000 francs chacun pour l’achat d’un taureau en vue de la fête. Les moutons à  la foire de Kati, coutent 45 000 francs minimum. Nous nous partageons la viande et ainsi chacun s’en sort », explique Mohamed Cissé, rencontré à  Niamana. Mandataire de ses collègues pharmaciens, Cissé n’a pas le C’œur à  la fête et peste volontiers contre toutes ces dépenses : «mieux vaut redevenir célibataire ! Sucre du ramadan et bazin par-ci, sollicitations imprévues par-là , C’’est intenable !» Pareil pour Zoumana, chômeur célibataire, qui rejoindra le vendredi des amis avec qui il partagera un repas, histoire de ne pas « rester seul à  broyer du noir ». Dans de nombreuses familles maliennes, en ce jour de fête, les esprits seront tournés vers les absents. En poste à  Gao, Senou Koné, agent de police, passera cette journée loin des siens. Il avoue que « la grande retrouvaille à  Koulikoro va beaucoup lui manquer, mais nous n’avons pas pu obtenir de permission pour rentrer à  la maison ». Amadou Dagnogo, caporal-chef à  Diabali, est lui aussi loin de chez lui. Dans les camps de réfugiés, de Mbera en Mauritanie o๠vivent quelques 70 000 Maliens, « personne n’a la tête à  la fête » a lancé Assetou Maà¯ga, ressortissante de Gao et mère de deux enfants. « Ici nous espérons juste survivre car la situation, bien qu’oubliée des autorités maliennes est toujours préoccupante », a ajouté une autre refugiée. Selon le Dr. Gbane Mahama de Médecins Sans Frontières, « le mois dernier, la ration de riz par personne a été réduite de plus de la moitié dans le camp», une difficulté de plus pour les réfugiés maliens. à€ eux s’ajoutent les marginaux dans la rue, les malades qui passeront cette journée sur leur lit d’hôpital ou encore les prisonniers. Tous, pourtant, malgré la dureté de la vie ou de leur situation, veulent garder l’espoir en des lendemains meilleurs. « Le jour de la fête, nous allons prier pour que les choses aillent mieux pour notre pays. Il faut que la paix revienne pour que nous puissions vivre correctement. Comme avant », conclut Dra Sidibé.