Aïssa Maïga, le sourire d' »Aya de Yopougon »

Comment êtes-vous arrivée dans l'aventure d'«Aya de Yopougon»? Aà¯ssa Maà¯ga. Je connaissais déjà  les bandes dessinées. Marguerite Abouet (co-réalisatrice du…

Comment êtes-vous arrivée dans l’aventure d’«Aya de Yopougon»? Aà¯ssa Maà¯ga. Je connaissais déjà  les bandes dessinées. Marguerite Abouet (co-réalisatrice du film et scénariste de la BD) m’a contacté très en amont. Au début, J’ai refusé car je croyais qu’«Aya de Yopougon» serait un film en prise de vue réelle. Le temps que le malentendu se lève, J’ai accepté. Vous aviez déjà  prêté votre voix à  un personnage animé? J’avais quelques expériences dans ce domaine, mais C’’est surtout mon expérience de comédienne qui m’a servie à  travers le travail de post-synchronisation que l’on a sur les films après le tournage. Le personnage d’Aya vous séduisait déjà  à  la lecture? Bien sûr. C’’est une figure féminine très positive. D’abord, elle est bien dans la peau, elle est heureuse au sein de sa famille, de sa communauté, de ses proches. C’’est une jeune femme qui est bien dans son temps, bien dans son monde, et elle a une ambition de devenir médecin. Cela fait d’elle un personnage presque féministe. Elle a un rêve concret et veut s’émanciper pour aider les autres et garder son indépendance. Aya est une force verticale (elle mime l’ascension de la jeune femme) qui observe ses amis se débattre dans la vie. Elle est le témoin principal du récit. Ses copines ne pensent qu’à  danser dans les maquis (bars de nuit en Côte d’Ivoire, ndlr) jusqu’à  point d’heure pour trouver un bon parti et rester dans les trois C – coiffure, commerce et chasse au mari. Elle observe aussi les travers des pères volages mais pourtant responsables. Nous sommes vraiment dans une comédie de mœurs dans laquelle la plupart des personnages ne sont pas traités avec complaisance, mais pour qui on garde une grande tendresse. La musicalité dans les dialogues est très importante. C’’était déjà  présent dans la BD. Il y a vraiment une truculence dans les dialogues, des inventions perpétuelles dans le langage, mais pourtant même si un mot nous échappe, on comprend l’intention et la situation. Les histoires sont universelles. Pour le public, C’’est riche. Il entend des expressions nouvelles dont il ne comprend pas le sens exact, mais il arrive à  capter le sens des scènes et la relation entre les personnages. On a beaucoup parlé de la musicalité avec Marguerite, puisque n’étant pas d’origine ivoirienne (Aà¯ssa Maà¯ga est d’origine malienne, ndlr), l’idée était d’apporter ma part d’identité franco-africaine au personnage d’Aya. Marguerite avait aussi la volonté de rassembler des acteurs d’origines diverses du continent africain pour créer une sorte de melting pot artistique qui correspond au melting pot de l’Abidjan de son enfance. Marguerite nous dirigeait. Elle connaà®t toutes les intonations de ses personnages, les intentions des phrases. « Aucun misérabilisme » Avez-vous apporté votre personnalité au personnage d’Aya ? D’une prise à  l’autre, on peut donner une intention complètement différente. On s’est amusé à  faire des choses très différentes pour offrir du choix au montage et au mixage. Il y a beaucoup de discussions, d’échanges, mais je ne voulais pas du tout en faire un personnage lisse au niveau vocal. «Aya de Yopougon» tord le cliché de l’Afrique condamnée à  la pauvreté. De fait, il n’y a aucun misérabilisme. Abidjan dans les années 1970 était une ville riche. Le niveau de vie était tout à  fait correct, même très confortable pour certains. Il y avait beaucoup d’immigration car on trouvait facilement du travail. Du coup, cela donne sans travestir la réalité une image très différente à  celle proposée par les journaux télévisés. Cela fait du bien de voir ça aussi, car C’’est une part importante de la réalité urbaine du continent africain, des années 1970, mais aussi d’aujourd’hui. J’ai hâte de présenter le film à  Abidjan. La BD, C’’est une institution là -bas. Comment se porte le cinéma africain aujourd’hui? Il y a des à®lots qui fonctionnent en Afrique du Sud ou au Nigeria, mais sinon il n’y a plus d’industrie cinématographique en Afrique de l’Ouest. Il ne doit plus rester que deux salles de cinéma dans la région, C’’est une aberration. Les metteurs en scène ont du mal à  trouver de l’argent. Ils sont principalement financés par l’Occident et sont donc tributaires de l’imaginaire du Nord, sur ce qui est bien, sur ce qui est Africain. En revanche, il y a un terreau hyper fertile d’histoires qui n’ont pas été racontés et qui mériteraient de l’être. Il y a tout un travail de formation à  mener, de scénaristes, de cadreurs, de monteurs etc etc. En même temps, il y a une vitalité. J’ai tourné récemment un film au Sénégal avec Alain Gomis, «Aujourd’hui», avec des jeunes techniciens fiers de travailler pour Alain Gomis dont ils connaissaient tous le travail. La relève est là  mais il faut des moyens. Quels sont vos projets? J’ai un film qui sort bientôt, «Prêt à  tout» avec Max Boublil, une comédie romantique vraiment réussie. On me propose de nombreux scénarii, mais pour «Aya de Yopougon» J’étais déjà  acquise à  la cause (rires).