Anniversaire du 8 Juin, quel bilan pour ATT ?

Le premier mandat d'Amadou Toumani Touré (ATT) a connu des débuts tumultueux du fait de la crise ivoirienne, qui éclata…

Le premier mandat d’Amadou Toumani Touré (ATT) a connu des débuts tumultueux du fait de la crise ivoirienne, qui éclata en septembre 2002. Pour le second, entamé, il y a précisément 2 ans, on ne peut pas dire que le Président ait été plus gâté : résurgence des attaques rebelles dans le Nord du pays, hausse vertigineuse des denrées de première nécessité, pétrole au plus haut (redescendu à  des niveaux plus raisonnables depuis), et crise économique mondiale, dont l’impact se fait de plus en plus sentir sur les économies sub-sahariennes. Tous ces facteurs minent l’action d’un gouvernement récemment remanié, et dont l’objectif de croissance de 7,8% en 2009 sera sans doute difficile à  atteindre. Le PDES a-t-il tenu toutes ses promesses ? En plaçant à  la Primature l’un de ses fidèles, en la personne de Modibo Sidibé, ATT a préféré confier la gestion quotidienne du pays à  cet homme réputé travailleur et loyal, pour se concentrer sur les grands chantiers et les promesses du Projet de Développement Economique et Social (PDES), programme sur lequel il s’est fait élire dès le premier tour (71% des voix) en avril 2007. Pas une semaine ne passe sans qu’ATT n’inaugure ou ne pose la première pierre d’un nouvel édifice ou d’une infrastructure : troisième pont de Bamako, palais des sports, hôtel 5 étoiles et centre commercial dans l’ACI 2000, Cité Afriquiya, échangeur multiple, hôpital du Mali, Centrale thermique de Balingué, route de Guarantiguibougou… l’objectif visé n’est autre que de donner un nouveau visage à  notre capitale Bamako et sa région, à  l’occasion du cinquantenaire de l’Indépendance en septembre 2010. Au détriment de l’intérieur ? Outre les routes qui ont permis de désenclaver les régions, il faut reconnaà®tre qu’aucune infrastructure majeure n’y a été lancée, en dehors de la réfection du pont et de l’aéroport de Kayes, et de la construction en cours d’un hôtel de luxe et d’un hôpital à  Mopti, la ville du Président. Le Nord n’est pas mieux loti, puisque le financement du barrage de Taoussa dans la région de Gao, tarde à  être bouclé. Au menu du PDES, l’agriculture est aussi un plat de choix, avec l’ambition de faire du Mali une puissance agricole. Richement doté en terres cultivables, notamment dans le Delta du Niger, le pays possède un énorme potentiel. Pour développer ce secteur, le gouvernement a entrepris la mécanisation à  travers l’installation d’une usine de tracteurs à  Samako, et la mise à  disposition de terres pour les investisseurs internationaux. La Lybie dispose ainsi de 100000 hectares de terres rizicoles dans l’office du Niger, et compte investir 55 millions de dollars. De nombreux entrepreneurs nationaux s’intéressent à  ce secteur, notamment grâce aux incitations mises en place par le gouvernement. En effet, la crise alimentaire de 2008 a servi de prétexte au lancement de l’initiative riz, qui visait à  augmenter la production de 50%. Plus de 42 milliards de F CFA ont été mobilisés pour subventionner les intrants, et avec une production d’1 million de tonnes de riz marchand pour la campagne 2008-2009, l’objectif quantitatif a été atteint. Cela a-t-il pour autant soulagé le portefeuille des consommateurs ? Pas vraiment, et selon un économiste de la place, «le succès de l’initiative riz est mitigé car la spéculation des grands commerçants a entraà®né un maintien des prix, malgré le surplus ». Le Trésor public dans une situation inquiétante « Autant d’argent dépensé alors que les caisses de l’Etat son vides », se lamente Moussa, commerçant à  Dabanani. Car en ce mois de juin, la situation du Trésor a rarement été aussi délicate, avec une dette intérieure estimée à  50 milliards de F CFA selon des sources officielles. En cause, le déficit budgétaire qui peine à  être comblé du fait de rentrées fiscales et douanières moindres, et du coût élevé des subventions pour maintenir les prix de l’eau, de l’électricité, et de l’essence à  des niveaux acceptables par les populations. l’Etat étant le principal client, l’argent circule difficilement, et ce n’est qu’au compte goutte que le Trésor s’acquitte de ses dettes, sans qu’aucune solution de sortie de crise ne pointe à  l’horizon. Les recettes liées à  la production aurifère, et dont les cours sont au plus haut, ne permettent pas de combler les déficits. Ni les privatisations, puisque celle de Sotelma, dont l’Etat attendait au moins 200 milliards de F CFA est bloquée. Les négociations entre Maroc Telecom, l’adjudicataire provisoire, et le gouvernement semblent au point mort. Objectif inavoué : rompre avec l’entreprise marocaine pour faire revenir dans le processus d’autres grands groupes tels que Zain, MTN, Vodafone, et faire monter les enchères… Point positif dans ce marasme économique, l’aide extérieure ne semble pas être affectée par la crise internationale, et nombre de bailleurs (Japon, Chine, BAD et banque mondiale) ont récemment confirmé leurs engagements. Et pourtant, les fonds alloués vont essentiellement aux secteurs sociaux, ou au financement d’infrastructures qui seront construites par des entreprises étrangères. l’incidence de cette aide sur l’activité économique malienne est donc limitée. Un Front politique apaisé Malgré ces difficultés, le président ATT a bénéficié d’un environnement plus que favorable sur le front politique. Humilié lors des Présidentielles et Législatives de 2007, l’opposition, essentiellement représentée par les partis RPM, Parena, et Sadi, est ressortie une nouvelle fois affaiblie des élections communales du 26 avril 2009. Le RPM a perdu la moitié de ses conseillers communaux, le Parena a tout simplement disparu de la capitale, et seul le Sadi s’est maintenu dans ses bastions à  l’intérieur du pays (Koutiala). Quand à  la mouvance présidentielle, la présence en son sein des deux formations arrivées en tête, l’Adema et l’URD, a permis au gouvernement d’endosser une partie de leur succès, comme un plébiscite du PDES, le label désormais adopté par tous ceux qui se reconnaissent du Président ATT. Et pourtant, les occasions pour l’opposition de se refaire une santé ne manquent pas. Les sérieux dysfonctionnements observés à  travers l’affaire du vérificateur général, de Baba Diawara (ancien PDG de la BHM), la grève des magistrats, et le limogeage du procureur et de l’avocat général, démontrent que la Justice malienne est grandement malade. Quant à  l’éducation nationale, elle n’en finit pas de souffrir des grèves à  répétition, de la médiocrité du corps enseignant, de la corruption, et du manque de vision des responsables qui n’ont pas su relever une institution pourtant clef pour l’avenir du pays. Une seconde partie de mandat semée d’embûches Nul doute qu’au final, ATT sera jugé sur sa capacité à  régler les nombreux maux de la société malienne et à  juguler l’impact de la crise internationale. Au moment o๠il aborde le tournant de ce second mandat, le président sera aussi confronté au règlement définitif de la crise Touareg, qui affecte le Nord du pays depuis 2006. l’enlèvement de 7 élus de Tombouctou le 5 juin dernier montre bien que les rebelles n’ont pas renoncé à  la lutte pour le contrôle d’une bande saharienne qui leur permet de se livrer à  toutes sortes de trafic. Mais le pouvoir malien peut désormais compter sur la coopération du voisin algérien, et surtout sur l’appui militaire des Etats-Unis, dont les soldats sont présents dans le Nord et forment des unités d’élite maliennes. Assurant la présidence de l’UEMOA depuis mai 2009, le Mali devra en outre gérer la délicate transition politique en Guinée Bissau, ainsi que les soubresauts politico-familiaux au Togo. Les talents de diplomates de l’hôte de Koulouba, ne manqueront alors pas d’être sollicités. Att va t-il briguer un 3ème mandat ? Mais à  l’heure du bilan de ces deux années, une question est sur toutes les lèvres : ATT va t’il tenter de modifier la Constitution pour briguer un 3ème mandat ? Certains analystes estiment que la mise en place de la Commission Diawara, dont le rapport sur la consolidation de la démocratie a été remis en novembre 2008, était aussi un moyen de tester l’opinion publique sur ce sujet sensible. «Partout dans le monde, ATT possède une aura de démocrate convaincu, et le tripatouillage de la constitution nuirait ainsi beaucoup à  son image », estime Maà®tre Bathily, avocat. l’exemple du Niger, o๠Mamadou Tandja tente de prolonger son bail, foulant au pied la Constitution de son pays, devrait en tout cas faire réfléchir, sur la colline de Koulouba.