ATT doit-il être traduit en justice ?

à€ la fin 2013, suite à  l'élection du président Ibrahim Boubacar Keà¯ta (IBK), une demande de procédure judiciaire a été…

à€ la fin 2013, suite à  l’élection du président Ibrahim Boubacar Keà¯ta (IBK), une demande de procédure judiciaire a été transmise au président de l’Assemblée nationale par le procureur général, afin d’établir des faits susceptibles d’être retenus contre ATT. Le gouvernement mettait alors en place la Haute cour de justice, seule capable de juger un ancien chef d’à‰tat, et l’Assemblée nationale créait, le 1er juillet 2014, une « commission ad hoc » composée de 15 députés, dont 7 RPM, 3 APM, 2 ADEMA, 1 SADI (Oumar Mariko) pour la majorité, et 2 pour l’opposition, Chargée de produire un rapport et une proposition de mise en accusation devant la Haute cour de justice, ses travaux ont démarré en juillet 2014 et des auditions de plusieurs personnalités de différents secteurs de la vie publique ont eu lieu entre septembre 2014 et fin février 2015. l’objectif était d’établir les crimes, qualifiés de haute trahison, reprochés à  l’ancien président : déstabilisation du territoire national en ayant facilité la pénétration et l’installation de forces étrangères, destruction ou détérioration volontaire de l’outil de défense nationale, participation à  une entreprise de démoralisation de l’armée par des nominations de complaisance d’officiers incompétents et au patriotisme douteux, opposition à  la circulation du matériel de guerre, etc. Pour Sadou Diallo, maire de la commune de Gao, et président du PDES, parti créé par les proches d’ATT, ces accusations ne tiennent pas debout. « s’il doit être jugé, alors l’à‰tat actuel doit être jugé aussi. On l’accuse pour la rébellion au Nord, mais la rébellion n’est pas finie ! Pour quelle raison devrait-on le juger ? ». Naà¯veté ou erreurs de jugement ? Le bilan sécuritaire des dix années d’ATT semble être l’un des éléments de réponse. « Nous avions un arsenal militaire vieillissant, bon pour la parade du cinquantenaire de l’indépendance. Et au moment de la prise du Nord, nos militaires étaient armés mais n’ont pas combattu par manque d’entraà®nement et de motivation. De plus, la présence de l’armée malienne dans le nord était dispersée », confie cet ancien militaire sous anonymat. Les constats faits par les membres de la commission attestent que l’essentiel des forces était stationnée au sud alors que la réalité de l’insécurité était au nord. Pour ce diplomate, « les accords de paix des années 1990 et 2000, sous médiation étrangère, ont poussé à  une démilitarisation progressive du Nord, la présence de l’armée malienne y étant mal vue, elle s’est globalement repliée vers le Sud ». Et d’ajouter : « Le président ATT a peut-être été un peu naà¯f de croire que la solution n’était pas militaire et qu’en donnant de l’argent ou des postes à  certains, il allait calmer le jeu. Maintenant, est-ce qu’on ne lui a pas caché la réalité des choses ? » La question reste posée. Des sources militaires indiquent qu’elles ont signalé via des rapports au gouvernement, dès 2003, la présence grandissante d’AQMI. Selon elles, ces rapports étaient vidés de leur essence et témoignaient ensuite d’une situation sous contrôle… Dans ces analyses, la Commission retient que le dialogue prôné par ATT n’était pas de nature à  apaiser la situation, déjà  compromise. Le rapport indique aussi que l’arsenal militaire n’avait pas été renforcé et que le manque de matériel et d’équipements était la conséquence de la volonté politique manifeste des plus hautes autorités du pays. Ces constats et remarques confirment l’état de déliquescence des forces armées nationales du début des années 2000 jusqu’aux malheureux évènements qui ont ébranlé le pays en 2012. Pourtant, selon la commission, « les infractions reprochées à  ATT sont juridiquement délicates à  établir, et n’ont pas d’assises juridiques solides ». Un rapport qui manque de preuves matérielles La difficulté pour la commission d’apprécier la culpabilité de l’ancien président a aussi été renforcée par un certain nombre de contraintes, concernant notamment la non-transmission, par le gouvernement, d’actes réglementaires tels les décrets, arrêtés, rapports administratifs et autres, pouvant étayer les crimes reprochés à  l’ancien chef d’à‰tat. En conclusion, le rapport indique que « toutes les infractions dénoncées et reprochées à  ATT sont assimilables au crime de haute trahison », mais « qu’en l’état actuel des travaux, la commission ad hoc n’est pas parvenue à  une réelle appréciation objective des faits infractionnels dénoncés ». à€ la question de savoir quelle est la responsabilité pénale de l’ancien président, il a été difficile, voire impossible, de réunir les éléments d’appréciation. La décision quant à  la poursuite d’ATT appartient donc maintenant à  l’Assemblée nationale, qui devra voter courant avril. Un choix cornélien car, si l’ancien président devait être poursuivi, le gouvernement de consensus qu’il dirigeait dans la concertation et nombre de ses soutiens unanimes, pourraient venir grossir le rang des accusés. « ATT est un homme qui a partagé le pouvoir, pendant dix ans. Donc il ne peut pas comparaà®tre devant la barre seul ! », assène le président du PDES. Pour cet autre, « ceux qui l’ont soutenu politiquement à  l’époque lui ont tourné le dos, ils sont allés là  o๠la tartine est beurrée ». Contexte politique favorable Sur le terrain politique, Soumaà¯la Cissé, président de l’URD, en présence d’autres partis, a demandé au président IBK, lors de la conférence nationale de son parti le 26 mars dernier au CICB, de « favoriser le retour au pays d’Amadou Toumani Touré », qui selon lui pourrait aider à  la réconciliation et à  la paix. Depuis 4 ans, le contexte politique malien a évolué et aujourd’hui, à  l’heure de la réconciliation nationale, il semble difficile d’en écarter le président ATT. Pour maà®tre Konaté, avocat et co-fondateur du cabinet Jurifis, « Pour réconcilier le Mali, il faut prendre en compte tout « les Mali », celui de l’indépendance, le Mali de Moussa Traoré, le Mali de la transition, le Mali d’ATT et le Mali actuel d’IBK. Une des options principales pour les Maliens, s’ils veulent pleinement emprunter le chemin de la réconciliation nationale, serait de faire fi de toutes les poursuites, y compris politico-judiciaires, pour faire en sorte que tous les acteurs essentiels de la République du Mali puissent se retrouver pour la paix et la réconciliation nationale », conclut-il.