Baccalauréat malien : la racine du mal

De mémoire de Maliens, jamais un examen en l'occurrence le Baccalauréat, n'avait enregistré un si mauvais score : 12,36%. Les propos…

De mémoire de Maliens, jamais un examen en l’occurrence le Baccalauréat, n’avait enregistré un si mauvais score : 12,36%. Les propos pathétiques de cette candidate malheureuse croisée dans un lycée de la rive gauche mardi dernier et suppliant l’administration d’afficher les autres listes, sont révélateurs de la panique suscitée par les résultats. «Â Je m’en remets à  Dieu », confiera la malheureuse, philosophe. Surtout, ce taux dérisoire révèle la faillite du système éducatif au Mali. Le printemps des écoles privées Après l’annonce des résultats, Hassima A. Touré, Directeur du centre national des examens et concours(CNEC) a animé une conférence de presse pour expliquer le naufrage des candidats. Exit les repêchages avec des moyennes à  la limite de l’acceptable. Le discours du directeur était bien élaboré. Mais ce que le directeur nous a pas dit, C’’est que l’excellence ne se décrète pas le temps d’un examen, tout comme la performance ne vient pas ex-nihilo. Les enfants ne sont que les victimes collatérales de la déliquescence d’un système éducatif qui aura été pendant vingt ans le laboratoire de réformes désinvoltes répondant aux désirs des bailleurs. «Â Au lieu d’en vouloir à  l’endroit o๠l’on est tombé, il faut s’en prendre à  l’endroit o๠l’on a trébuché », nous enseigne le proverbe. En effet, la réforme des examens depuis 2010 n’a pas atteint ses objectifs de remise à  niveau. Pour relever le niveau du Bac, il faut d’abord moraliser les pratiques peu orthodoxes des écoles privées qui s’inscrivent dans une logique mercantile avant tout objectif éducatif… Ces écoles privées visent les subventions (l’argent payé par l’Etat pour les frais de fournitures et d’études des élèves orientés dans les écoles privées). Leurs promoteurs sont en majorité constitués de commerçants, hommes d’affaires, insensibles au monde de l’éducation. N’allez surtout pas chercher le curriculum vitae des enseignants et du personnel administratif, C’’est la nausée assurée. Dans ces ‘’hauts lieux du business », tout y passe à  condition d’être prodigue en espèces sonnantes et trébuchantes. Il devrait être écrit quelque part sur le fronton de ces écoles «Â ici nul ne reprend une classe ! ». Pas de redoublement dans les classes intermédiaires (10ème et 11ème), ni d’exclusion pour insuffisance de moyenne. Quelle que soit la moyenne, l’admission est assurée. Par la magie des notes de classe gonflées, les candidats se retrouvent tous dans la salle d’examen du Bac avec 13 comme moyenne de classe. Ces établissements ont les allures d’une pétaudière: l’ordre est le mot le plus ignoré. «Â  Les élèves qui payent leurs scolarités appelés ‘’ privés » (non envoyés par l’Etat) sont intouchables et peuvent créer des soucis au professeur courageux, mais naà¯f qui a le toupet de leur brûler la politesse. Le choix de tel ou tel lycée privé est fonction de sa facilité à  faire passer l’élève en classe supérieure. Voilà  tout le secret de la ruée vers ces écoles… La fameuse réforme, qui donne la primauté à  la moyenne obtenue par le candidat dans la salle d’examen au détriment de la moyenne obtenue en classe, est venue mettre fin à  ce qu’on pourrait appeler le printemps des écoles privées. Le mythe de l’admission facile au Bac disparaà®t petit à  petit comme par enchantement. Depuis 2010, date de l’application de la réforme, le taux d’admission ne cesse de chuter de façon vertigineuse dans la plupart des écoles concernées. Deux admis pour certains lycées privés, 16 admis sur 420 candidats pour d’autres. Beaucoup de lycées s’en sont sortis avec un zéro pointé pour certaines classes. Il ne pouvait en être autrement car la rupture a été brutale pour les apprenants. La pilule du sevrage est amère. A ce rythme, nul doute que l’examen du Bac devient le cimetière des ambitions pour nombre de produits de ces lycées.