Bamako dans l’eau : la politique d’aménagement en cause

Malgré sa grande superficie et sa population forte, la ville de Bamako demeure un gros village quant à  l'organisation de…

Malgré sa grande superficie et sa population forte, la ville de Bamako demeure un gros village quant à  l’organisation de son espace. Bamako, un espace vaste et incontrôlé Les autorités peinent à  prendre certaines décisions qui s’imposent. Il existe encore peu d’outils d’aménagement du territoire à  Bamako. La ville s’est étendue à  une grande vitesse dans tous les sens. La densité s’est accrue à  un rythme incroyable (près de deux millions d’habitants), mais une organisation spatiale digne du nom n’a pas suivi. Pas de voirie assez puissante, pas de routes assez larges, la construction n’est pas harmonisée, bref, tout est à  refaire dans la capitale malienne. Pour cela, des décisions s’imposent. Mais qui les prendra ? Le gouvernement ? Les collectivités ? Ou les populations ? Difficile de répondre à  cette question, puisque l’on se jette mutuellement la responsabilité. Et Bamako qui a besoin de ressembler à  Abidjan et Johannesburg ? Tôt ou tard une vraie politique s’imposera. La politique d’aménagement actuelle La première cause des inondations évoquée par les experts est le non respect des études de planification d’occupation de l’espace. Les autorités maliennes qui ont déployé de gros efforts dans le cadre de la politique nationale d’aménagement du territoire, ont pu à  ce jour, élaborer près de 80 schémas directeurs d’urbanisme pour les différentes villes du pays. Conçus à  des coûts faramineux (près d’un milliards par an), ces documents sont pour la plupart du temps confrontés à  un problème d’application. Le schéma directeur de Bamako qui en est à  sa 4e révision, a été mis en œuvre à  5% seulement. Un fait qu’à  déploré Chirfi Moulaye Haà¯dara, Directeur National de l’aménagement du territoire. « Jusqu’à  présent, il n’y a pas une articulation entre l’évacuation des eaux usagers et l’évacuation des eaux de pluies qui nous viennent de la dorsale montagneuse de Koulouba et du Point G, ce qui multiplie par deux les vitesses de passage de l’eau. Dès que les vitesses augmentent, les débits augmentent. Donc il faudrait trouver des systèmes mieux adaptés pour évacuer ces eaux». La mémoire de l’eau Le problème est donc lié à  l’évacuation des eaux de pluies, la ville n’étant pas suffisamment dotée de collecteurs d’évacuation. Les quelques collecteurs naturels ont été bouchés avec des constructions. Selon M. Haà¯dara, « l’eau à  une mémoire, même après mille ans, si elle revient, elle cherche ses voies. A chaque fois qu’on est face à  des cas de pluies exceptionnelles, le problème se pose ». « Avec des constructions sur le chemin de l’eau, on créee un vrai barrage qui pousse l’eau à  se frayer de nouveaux chemins et les maisons en amont seront inondées ». Responsabilité partagée Les causes des inondations sont multiples. Il y a le non respect des outils de planification, la non application des schémas directeurs d’urbanisme. A ce sujet, les collectivités doivent mettre en œuvre les outils de planification. Malheureusement, ça dépasse les responsabilités des seules collectivités. l’Etat concepteur de cette politique d’aménagement se sent à  son tour incapable de prendre certaines mesures à  cause des pesanteurs sociales. Plusieurs quartiers de Bamako ont été mal lotis. Il y a certaines constructions qui devraient détruites pour créer des routes, des parkings, des espaces verts, des passages de niveaux et des caniveaux ; mais le décideur n’a jamais pu prendre de telles mesures pour plusieurs raisons : Du coup, la ville de Bamako se trouve face à  deux systèmes de gestion. Un système moderne entre les mains des autorités, et un second qui a un caractère traditionnel villageois. Pesanteurs sociales Pour appliquer une décision, il faut concerter les chefs coutumiers et leaders religieux. Toute réforme qui ne fait pas l’unanimité est donc vouée à  l’échec. « C’’est le social qui entrave la mise en œuvre de la politique d’aménagement du territoire », nous a confié Dramane Diarra, chef de la division évaluation des schémas directeurs d’urbanisme au niveau de la Direction Nationale de l’Aménagement du territoire (DNAT). Sens civique en déperdition La DNAT affirme par ailleurs que les populations ont aussi une grande responsabilité dans le non respect des dispositions. Les collecteurs et caniveaux sont devenus des déversoirs d’ordures ménagères solides et liquides. Les quelques infrastructures existantes sont mal entretenues et C’’est ce qui accentue le débordement des eaux de pluies. Pour soutenir ses propos, Dramane Diarra nous a donné l’exemple du cimetière de Magnambougou inondé à  cause des réalisations d’un opérateur économique qui a construit au beau milieu de la mare qui traverse le quartier. A moins de 100m, les localités en amont dont le cimetière, sont submergées.