Bassolé et Bictogo : le duo pour sauver le Mali

L'un est ministre de l'Intégration africaine de la Côte d'Ivoire. L'autre est ministre des Affaires étrangères du Burkina Faso. Depuis…

L’un est ministre de l’Intégration africaine de la Côte d’Ivoire. L’autre est ministre des Affaires étrangères du Burkina Faso. Depuis le coup d’Etat du 22 mars ils ont fait plus de voyages entre Bamako, Abidjan, Dakar et Ouagadougou que les plus actifs des commerçants ou hommes d’affaires. Leur mission n’est pas simple : sauver le Mali. Le premier, Adama Bictogo, posait souriant derrière Amadou Toumani Touré (ATT) lors du sommet de l’Union africaine de Bamako le 20 mars. L’Ivoirien était alors loin de s’imaginer que deux jours plus tard, le président malien serait renversé par des militaires, et que lui-même serait appelé au chevet du Mali. Deux hommes d’expérience A 50 ans Adama Bictogo est un homme de mission. Cadre du Rassemblement des Républicains, il est un intime d’Alassane Ouattara pour qui il bat campagne en 2010 à  l‘intérieur du pays. Ses talents de négociateur, la finesse et la pertinence de ses analyses politiques sont appréciés par tous. Cet ex-conseiller spécial de Robert Guei – c’est dire s’il connaà®t l’âme militaire – aime parvenir rapidement à  des accords. L’homme a le contact facile et tend sa carte de visite avec courtoisie, rapporte une journaliste mandatée à  Ouagadougou. Djibril Yipéné Bassolé, ministre burkinabè des Affaires étrangères, est de 5 ans son aà®né. Il jouit de toute la confiance du président Blaise Compaoré. Il a occupé le ministère de la Sécurité puis celui des Affaires Etrangères. De 2008 à  2011, il est le médiateur de l’Union africaine au Darfour. « Bassolé est un homme discret, en retenue, il a le sens de l’‘écoute et de la diplomatie », confie un de ses collaborateurs. Derrière le duo, se cache un troisième homme, l’ambassadeur du Burkina Faso au Mali Mohamed Sané Topan. Il gère presque tous leurs déplacements. Décollage manqué L’entrée en scène de Bassolé et Bictogo est agitée. Le 28 mars, au lendemain du sommet post coup d’Etat de la Cédéao à  Abidjan, ils attendent dans le salon d’honneur de l’aéroport de Bamako Sénou l’arrivée des 5 chefs d’Etat mandatés. Ils ne les verront pas. Une manifestation de pro-putchistes envahit le tarmac, empêchant les atterissages. Après la confirmation de l’annulation de la rencontre, les journalistes assaillent de questions Djibril Bassolé. Il se contente finalement de déclarer qu’  » un certain nombre de conditions n’étaient pas réunies pour l’atterrissage des chefs d’Etat « . Repli à  Abidjan. Vient ensuite le temps des aller-retours à  Kati, le quartier général de la junte entre le 28 mars et le 6 avril, date de la signature de l’Accord-cadre entre la Cédéao et le CNRDRE. En toutes circonstances, Bassolé reste un homme calme, aux propos mesurés. Cela a sans doute joué pour parvenir à  la signature du fameux Accord Cadre du 1er Avril qui prévoyait l’installation d’un Premier ministre de transition et d’un gouvernement de mission. C’est désormais chose faite. Crise de confiance Le sort de Dioncounda Traoré, président par intérim se ficelle hors du Mali. A Ouagadougou il rencontre Blaise Compaoré et Djibril Bassolé. Les deux ministres l’accueilleront ensuite à  Bamako, le consulteront à  plusieurs reprises à  l’hôtel Salam, avant d’assister à  son investiture officielle comme Président par intérim le 12 avril 2012… La médiation menée par Djibril Bassolé a pour le moment la confiance de la junte. La donne change après le sommet d’Abidjan du 26 avril. Les chefs d’Etat africains décident de rendre à  Dioncounda Traoré ses pouvoirs constitutionnels, de le maintenir à  son poste pendant un an (durée maximum de la transition) et d’envoyer une force à  Bamako pour sécuriser la transition. Des décisions contraires à  l’Accord-cadre qui rendent furieux le CNRDRE. A Kati, on affirme que le président du CNRDRE se sent trahi par Djibril Bassolé, l’homme qu’il recevait avant tout autre visiteur. A Kati, o๠Bassolé et Bictogo accourent le 27 pour calmer les esprits, la tension entre les militaires et les médiateurs est à  son comble. Amadou Aya Sanogo doit calmer ses militaires face aux réactions hostiles à  l’égard des deux hommes. Bassolé tente comme il le peut de faire baisser la température :  » Nous sommes venus à  Bamako pour faire comprendre un certain nombre de mesures prises par la Cédéao.  » Et d’élargir le problème, en bon diplomate, à  la sous région, en insistant sur le danger que représente l’instabilité au Nord pour toute l‘Afrique subsaharienne. Bis répétita, le dialogue continue Nouveau rebondissement le 30 avril. Des bérets rouges de la garde présidentielle attaquent des positions des militaires putchistes. Nouvelle réunion de la Cédéao à  Dakar le 3 mai. L’organisation ouest-africaine met de l’eau dans son vin. Plus question d’envoyer unilatéralement sa force à  Bamako. On évoque le déploiement immédiat de la force « dès que les autorités en feront la requête ». Reste qu’au goût des voisins, le CNRDRE est toujours beaucoup trop présent. Ils demandent au médiateur de « procéder à  la revue du rôle du CNRDRE dans la transition ». La mission de Djibril Bassolé et d’Adama Bictogo est loin de toucher à  sa fin. Après le sommet de Dakar aucun accord n’est trouvé entre les militaires et la médiation, qui se retrouvent au Burkina Faso. Les deux ministres sont de retour au Mali le 9 mai. « Nous sommes revenus à  Bamako pour poursuivre le dialogue avec l’ex-junte, avec toutes les parties, déclare alors M. Bictogo. Le peuple frère du Mali mérite qu’on l’accompagne le temps qu’il faut. Tout le monde est mobilisé pour ça. » Le gant de velours de la médiation qui cache la main de fer de la Cédéao est pour le moment parvenu à  maintenir le dialogue ouvert avec des militaires échaudés par les revirements de l’organisation ouest-africaine. La fin des 40 jours de l’intérim présidé par Dioncounda Traoré sera un nouveau test pour le duo dont la patience sera mise à  rude épreuve…