ÉconomieFinance & Business




Bâtiment et travaux publics : grands défis, grandes ambitions

Le Mali est un pays en chantier. C’est peu de le dire. Depuis une vingtaine d’années, les projets d’infrastructures mais…

Le Mali est un pays en chantier. C’est peu de le dire. Depuis une vingtaine d’années, les projets d’infrastructures mais aussi le développement fulgurant de l’immobilier répondant à l’accroissement de la population urbaine font le bonheur des entreprises de BTP maliennes. Ces dernières ont désormais pignon sur rue à Bamako et rivalisent avec les grands groupes qui viennent aussi chercher leur part du gâteau. Pourvoyeur d’emplois, créateur de richesses et acteur du développement du pays, le secteur n’en est pas moins montré du doigt à cause de la corruption, du non-respect des normes, entre autres dérives constatées dans un domaine qui brasse des sommes colossales. Coup de projecteur sur le secteur du Bâtiment et travaux publics, made in Mali.

Au Mali, s’il est un secteur dynamique, c’est celui de la construction, généralement appelé le BTP pour Bâtiments et Travaux Publics. Il suffit de faire un tour dans la capitale comme dans les grandes villes pour se rendre compte que les investissements dans le domaine sont importants et que les acteurs sont de plus en plus nombreux à se partager un marché en constante évolution. Des routes aux ouvrages hydro-agricoles, en passant par les projets immobiliers d’envergure, le BTP ne connait pas la crise. Le gouvernement a initié de nombreux projets de routes, de ponts, d’échangeurs dont les chantiers sont en cours. Depuis 2013, ce sont par exemple près de 75 kilomètres de routes bitumées qui ont déjà été livrés  et 13 études routières sont également terminées. Et, l’avenir s’annonce prometteur.

Indispensable réforme Mais les scandales à répétition de bâtiments mal construits, dont certains se sont effondrés, causant des pertes en vies humaines, ont mis sur la place publique les pratiques parfois douteuses des « entrepreneurs ». La plus courante est le non respect des normes de construction, faisant utiliser du matériel inadapté voire dangereux, pour réaliser des bâtiments ou autres ouvrages. L’autre pratique, décriée par les acteurs eux-mêmes, est la corruption qui gangrène le secteur, du fait de sommes astronomiques engagées pour les projets, particulièrement en ce qui concerne les infrastructures de développement. La mise en place d’un nouveau code de passation des marchés « ne met personne à l’abri des dessous de table à verser », explique un entrepreneur anonyme. « C’est simple, avant même d’avoir le contrat, il faut que tu montres ta bonne volonté. Il faut débourser des sommes qui parfois mettent même en péril la faisabilité du projet », déplore notre interlocuteur qui cite, sans plus de détails, le cas de la récente route Bamako-Ségou, dont la réalisation aurait pâti de ce phénomène. En ce qui concerne le non respect des normes, « le problème est que tout le monde veut faire de la construction », assure un autre chef d’entreprise. Opinion reprise par Ismaël Diallo, président de l’Organisation patronale des entreprises de la construction du Mali (OPECOM). « Le premier défi à relever est d’ordre organisationnel. Il revient à la profession d’y remédier. Il s’agit là d’un problème de gouvernance des entreprises. Il y va de leur crédibilité », estime-t-il. Il déplore cette situation qui fait que les entreprises locales n’inspirent pas confiance aux investisseurs, qui préfèrent se tourner vers des prestataires étrangers « qui rapatrient les bénéfices dans leurs pays d’origine ». «Le problème est très profond. Il n’y a pas, de mon point de vue, une politique franche en ce qui concerne la promotion de champions du BTP en République du Mali. Ce qui fait que les entreprises vivent et prospèrent à un moment donné, puis elles atteignent une crise de croissance et dégringolent. D’autant que le secteur commence à être pris d’assaut par les commerçants », explique notre chef d’entreprise. À l’ordre des ingénieurs conseils du Mali, Tidiani Ibrahim Déka Diabaté, le vice-président, estime qu’il faut hâter la professionnalisation du secteur. « Un bon bâtiment est signe de richesse, de meilleur cadre de vie, d’amélioration des conditions de travail et de repos et de transformation de rêve en réalité, source principale pour créer une émergence », assure-t-il.

Renforcer les acteurs locaux Certains acteurs nationaux arrivent cependant à se démarquer dans cet environnement fortement concurrentiel. Face aux géants chinois et occidentaux, on peut sans contexte citer EGK, EGGC-Bat, BECM-CG, mais surtout le Groupe IBI (Builders, Stones, Diawara Solar), qui s’exporte en Côte d’Ivoire et en Guinée, ou CIRA (Cabinet d’ingénierie et de recherches appliquées), qui se positionne aujourd’hui comme le leader national du contrôle et de la certification, avec plus de deux décennies d’expérience. Son expertise est d’ailleurs reconnue à l’international et les contrats dans la sous-région et au-delà se multiplient. À côté de ces grosses entreprises, nombre d’autres peinent à se maintenir. « Nous avons été voir le ministre l’Équipement et des Transports avec des suggestions portant sur des mesures à prendre pour redynamiser le secteur », poursuit Ismaël Diallo. Ces propositions concernent l’apurement à 100% de la dette intérieure de l’État au profit des entreprises de construction, tant au niveau du Trésor public, que des agences d’exécution comme l’AGEROUTE, l’AGETIPE et l’AGETIER, le dédommagement des entreprises victimes des événements survenus dans le pays depuis 2012, la revue à la baisse des conditions d’éligibilité aux marchés que sont les montants des chiffres d’affaires, des lignes de crédit, ou l’expérience en travaux similaires. Les acteurs maliens souhaitent également que les multinationales soient obligées à s’ouvrir aux entreprises nationales en sous-traitance, notamment à concurrence de 30 à 40% de part de marché. Autres suggestions : la mise en place d’une société de location de matériels de travaux publics capable de répondre aux besoins des entreprises nationales pour l’exécution des différents marchés sur le plan national et sous-régional, et la mise en place d’un fonds du BTP pour faciliter le crédit aux entreprises nationales. « Si ces suggestions sont prises en compte, les entreprises vont tirer leur épingle du jeu et devenir le moteur de l’économie malienne avec plus de créations d’emplois », conclut-il.

Perspectives positives Selon les spécialistes du ministère de l’Équipement et des Transports, les projets routiers prioritaires 2016-2018, d’un coût de 363 milliards de francs CFA, offrent de belles perspectives aux acteurs du secteur. Ce sont entres autres la construction du 2ème pont de Kayes et ses routes d’accès (16,7 Km), la construction et le bitumage des routes Kayes-Sadiola (90 Km), Kangaba-Dioulafoundo-frontière guinéenne (52 Km), Yanfolila-Kalana (52 Km), Banconi-Dialakorodji-Safo-Dabani-Nossombougou (51Km), Baraoueli-Tamani (36,6 Km) et l’aménagement en 2×2 voies de la route reliant le 3ème pont de Bamako à la RN6 (3,6 Km), la construction d’un échangeur au croisement avec la RN6 et la réhabilitation en 2×2 voies de la section Tour de l’Afrique-Yirimadio (6,5Km). En outre, dans le cadre de la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, il est prévu la reconstruction de la route Sévaré-Gao, et la construction et le bitumage de la route Bourem-Kidal, totalisant 844 Km pour un investissement de 215 milliards de francs CFA.

Une dynamique qui devrait profiter aux cimentiers, tels que Diamond Cement, le marocain CIMAF, en cours de finalisation de son usine à Dio, et bientôt le chinois Cinoma, qui a annoncé le 23 septembre la construction d’une cimenterie intégrée à Guimbane, dans la région de Kayes, pour un investissement de 200 milliards, et une capacité  de production de 1,5 million de tonnes par an.